La Faucheuse Rousse

16 2 0
                                    


     - Dis-moi où tu les as caché.
     - Vous êtes folle !
     - Allez grand père, j'ai pas toute ma journée. Et puis ça ne sert à rien de se la jouer gros dur avec moi, j'ai une arme bien trop persuasive pour que vous vous en sortiez. N'est-ce pas mon Croc Blanc?

     La créature qui obéissais désormais à mes ordres grogna presque contre le visage du pauvre petit malheureux se tenant au sol sous ses pattes aux sabots acérés, rampant comme un insecte, l'une des énormes griffes s'enfonçant de plus en plus dans sa joue pour le persuader de parler. Autour de lui gisaient trois cadavres, une femme d'une vingtaine d'années et deux hommes devant tomber entre 30 et 40 ans. Le reste de la colonie restait à l'écart, tenue en haleine par la prise d'otage de leur Chef. Aucun des trois derniers survivants n'osait bouger, sachant de toutes façons que le monstre présent dans la pièce serait plus rapide qu'eux si ils tentaient quoi que ce soit.

     - Allez, on se dépêche de cracher le morceau maintenant. A moins que j'ai besoin de tuer un autre de tes petits copains pour que tu retrouves ta langue?
     - Non c'est bon ! Je vais vous dire où sont nos réserves..
     - Vivres ET médicaments. 
     - Tout ce que vous voulez.. Mais arrêtez de nous massacrer par pitié..

     Je le contemplais de haut, assise sur l'une des tables du refuge en aiguisant mon couteau contre une pierre. Mon regard saphir ne le lâchait pas, tranchant comme du verre brisé. Mon unique but était d'intimider chaque être vivant dans cette pièce par ma simple présence. Voila bien longtemps que la sympathie avait quitté mes yeux, remplaçant cette douce expression par une bien plus froide et stoïque. Je soufflai sur la lame maintenant bien tranchante, quittant mon piédestal pour me rapprocher de lui. Je m'agenouillai à côté de sa tête ,faisant jouer la lame entre mes mains de manière faussement maladroite. Puis je me stoppai dans mes gestes, les coins de mes lèvres s'arquant dans un sourire carnassier.

     - Je t'écoute.
     - Il y a plusieurs caisses scellées dans la pièce arrière, elles sont sur les armoires métalliques derrière les sacs de grain.. Et les médicaments sont dans la malle.. La clé du cadenas est cachée dans la jarre de terre à l'entrée de la pièce..
     - Et bah voila.

     Je lui donnai une petite série de tapes humiliantes sur la joue, me relevant ensuite pour balayer les visages terrifiés du regard. Je soupirai lourdement, croisant les bras sans les lâcher des yeux. Puis je hochai la tête, tournant mon attention sur ma bestiole.

     - Si il y en a un seul qui bouge, tu les massacres tous jusqu'au dernier. Je ne veux pas savoir si c'est un éternuement ou une tentative d'évasion, un seul mouvement et tu m'extermines tout ça.

     C'était devenu une habitude avec le temps que je parle des autres humains comme je l'aurais fais pour de la vermine, des parasites, des nuisibles. Je respectais plus les monstres qu'eux, c'était pour dire. Leur vie n'avait plus aucune valeur à mes yeux, et chaque fois que je pensais pouvoir faire preuve d'un peu de pitié à leur égard, je me rendais compte que finalement tout ça m'importait bien trop peu. Depuis des mois déjà, j'avais commencé à m'attaquer à toutes les colonies qui me paissaient à portée. Croc Blanc était tout ce dont j'avais besoin pour dissuader la riposte bien que parfois quelques rébellions aient eu lieu, donnant suite à de plus grands massacres encore. Entre ses mâchoires carnassières et mes armes, mon expertise au combat et à la survie et la vivacité sauvage de Croc Blanc, l'alliance de la Femme et de l'Animal surpassait tout et les affrontements étaient du vite vu. Nous étions devenus une véritable menace, tant et si bien qu'un nom avait commencé à m'être attribué. "La Faucheuse Rousse". Il arrivait parois que je tombe sur des colonies qui sans même m'avoir déjà rencontrée m'appelaient par ce nom, et je m'en trouvai systématiquement très flattée. Plus personne n'avait la moindre idée de mon vrai prénom, et souvent j'aimais à penser que je n'en avais plus d'autre que celui que les autres Hommes me donnaient. De toutes façons, en avoir un me rendait à mon goût trop humaine, trop proche d'eux. 
     Je me rendis dans la cave à l'arrière, attrapant le pot de terre à la seconde où il entra dans mon champ de vision. J'enfonçai ma main à l'intérieur, grattant la surface avec mes ongles et attrapant le bout de la clé entre mes doigts, puis la tirant de là en laissant retomber la petite jarre qui s'éclata sur le sol. Je me dirigeai vers la grande malle dont m'avait parlé le Chef de cette colonie, descellant le vieux cadenas et ouvrant le grand couvercle pour le lever au dessus de ma tête. A l'intérieur, des bocaux de plantes, des bandages et autres bouteilles d'alcool fort étaient soigneusement disposés. Je déposai mon sac à terre, commençant à le remplir avec tout ce beau petit pactole. 
     J'entendis soudainement des hurlements dans la pièce d'à côté, le chahut ayant remplacé le silence qui y régnait. Croc Blanc avait certainement attaqué l'un des membres, et par conséquent chacun était probablement entrain d'y passer. Dommage, je les avais pourtant prévenu. Les carnages n'étaient pas systématiques durant mes attaques, mais parfois ils s'avéraient tout de même nécessaires. Une fois fini le pillage des médicaments, je me redressai en laissant retomber le couvercle dans un bruit sourd, me tournant maintenant vers les étagères à nourriture. Mais dans l'encadrement de la porte, une femme blessée avec la manche de sa chemise couverte de sang me pointait d'une arme faite maison. Je haussai un sourcil en constatant qu'elle avait réussi à arriver jusqu'ici sans se faire dévorer par mon monstre, replaçant d'un petit bond mon sac sur mon dos. La blonde avait les larmes aux yeux et l'air en rage, les mains tremblantes. Elle me dit d'une voix criarde.

LA FAUCHEUSE ROUSSEOù les histoires vivent. Découvrez maintenant