34. Convalescence

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Lui

Aujourd'hui je suis en équipe avec deux gars dont Diego, un nouveau collègue arrivé depuis quelques semaines et avec qui malheureusement le feeling ne passe pas vraiment. Peu importe, le boulot est le boulot et je fais abstraction de ce qui pourrait me rendre la tâche plus ardue.

Nous sommes justement appelés sur une intervention. Un jeune homme de 20 ans qui aurait fait un malaise. Lorsque nous arrivons sur place, dans un appartement défraichi et miteux, un garçon tout juste sorti de l'adolescence, qui se présente comme le colocataire du type à terre, nous accueille. Il semble fébrile. Agité. Inquiet.

Ce doit être le stress. Il doit flipper pour son pote. Rien d'anormal. J'ai déjà vu ça des dizaines de fois.

Pendant que nous faisons notre travail et constatons que le type par terre respire encore mais est inconscient, son pote fait les cent pas autour de nous. Il renifle. Il s'agite.

Je mets à nouveau ça sur le compte du stress. Chaque individu réagit différemment dans une telle situation. Nous rencontrons des personnes qui restent stoïques et efficaces. D'autres qui paniquent et qui s'effondrent. D'autres encore sont inexpressives et amorphes. Celui-ci semble s'agiter. Avoir besoin de bouger. Sûrement pour occuper son esprit. Mais même si une partie de mon cerveau se persuade qu'il s'agit d'une réaction normale, une autre s'allume et une petite alarme y retentit.

"Fais gaffe" semble-t-elle me chuchoter.

Mais je l'ignore. Bêtement.

Elle aurait mieux fait d'hurler.

Aurais-je pu éviter que le type s'agite de plus en plus ? Que son stress apparent se transforme en parano flagrante ? Rien n'est moins sûr. Sa parano était sûrement déjà là à notre arrivée, tapie dans un recoin sombre de cet appartement vétuste et qui n'attendait que le moment opportun pour sortir à la vue de tous.

Alors l'inévitable se produisit. Et l'alarme dans mon cerveau se mit enfin à hurler.

Quand le type a commencé à nous accuser de ne pas vouloir sauver son pote, mes poils se sont hérissés sur ma peau.

Quand il s'est mis à transpirer et à devenir incohérent, je me suis redressé pour lui faire face.

Quand son regard a navigué dans tout l'appartement, partout sauf sur moi, à la recherche évidente de quelque chose qui aurait pour conséquence que cela tourne mal, mon cœur s'est emballé.

Quand il a finalement sorti un flingue qu'il a braqué sur moi, ce fut le black-out total.

Plus de cœur qui bat. Plus de respiration saccadée. Plus de poils dressés. Plus d'alarme stridente qui résonne dans mes tympans.

Juste un silence assourdissant. Il n'y avait que lui et moi. Moi, immobile, avec la sensation de vivre une scène dans la peau de quelqu'un d'autre. Lui, dont le bras tenant le flingue bougeait sans cesse tout en restant pointé sur moi. Lui, dont les yeux fous ne parvenaient pas à se poser.

Ses yeux ne m'ont jamais regardé. Alors que moi je n'ai jamais pu le lâcher du regard.

Et puis la scène se brouille.

C'est étrange. J'ai quitté un appartement qui sentait le renfermé pour un autre clair et ensoleillé. Comme passer des ténèbres à la lumière.

C'est étrange mais c'est cohérent. Comme si je savais où tout cela nous menait.

Je suis dans une cuisine. Entouré d'adultes. Ils semblent être en train de préparer le repas si j'en crois les ustensiles et ingrédients étalés sur le plan de travail ainsi que les casseroles sur le feu.

Se libérer de son passé (Terminé) Où les histoires vivent. Découvrez maintenant