9. Repas dominical

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Lui

Dimanche midi, je me mets en route pour le traditionnel repas dominical chez mes parents, sans grand enthousiasme et en manque de sommeil.

Hier soir, ma nuit a été écourtée par la venue d'Alex à une heure du matin. Complètement dans les vapes, je n'ai pas vraiment saisi la raison de sa venue à cette heure tardive, si ce n'est, comme elle l'a dit, me souhaiter bonne nuit.

Perplexe, je n'ai pas réussi à retrouver le sommeil immédiatement après son départ, me torturant l'esprit en me demandant si tout allait bien de son côté et si je n'étais pas passé à côté d'une information essentielle.

Rien n'y a fait et c'est l'esprit tourmenté que je ne me suis rendormi que longtemps plus tard.

C'est donc en traînant des pieds que je quitte mon appartement. Ce n'est pas tant l'envie de rester au lit que le décalage que je ressens parfois auprès des miens qui me donne déjà envie de faire demi-tour.

Ma mère est une femme douce et souriante dont la chaleur contraste de manière paradoxale avec mon père, plus ours mal léché que guimauve, avec qui j'entretiens des rapports inexistants les bons jours, tendus les mauvais jours.

Je ne saurais dire si mon paternel est plus déçu que son seul fils ne soit qu'un simple pompier ou que je ne sois toujours pas marié et père de famille à mon âge, contrairement à ma sœur aînée, l'avocate mariée et mère de deux adorables jumeaux.

Pourtant tout avait bien commencé. Mon BTS commerce international en poche, je me dirigeais vers une carrière qui trouvait grâce aux yeux de mon père. Malheureusement pour lui, le commerce ne m'intéressait pas, je m'ennuyais ferme et détestait l'ambiance qui y régnait. Etant déjà pompier volontaire par passion, au grand damne de mon paternel, j'ai décidé de me réorienter vers le métier de pompier à plein temps. Depuis ce jour, il n'a de cesse de me rappeler la vie que j'aurais pu avoir si j'avais poursuivi une carrière en adéquation avec mes études.

Une attitude qui m'irrite fortement et d'autant plus étonnante venant d'un ancien gendarme.

Fort heureusement, il ne m'a jamais ouvertement comparé à ma sœur, sa fierté, qui gère sa famille et sa carrière de front. Mais je sens bien par ses silences ponctués ici et là de remarques bien senties qu'il aurait préféré que je poursuive ma voie dans le commerce.

Désolé, papa.

Il n'y a qu'à voir comment il s'écrase quand Thibault, le mari de ma sœur, s'épanche sur sa dernière affaire, acquisition ou idée brillante. Je n'ai jamais entendu mon père lui opposer une quelconque réticence. A l'inverse, il ne se prive jamais de me dire à quel point ce que je peux faire, dire ou penser n'est pas la hauteur de ce qu'il avait escompté pour moi. A croire que lorsqu'on a de l'argent les gens n'osent plus rien vous dire.

Arrivé chez mes parents, je coupe le contact et sors de ma voiture, une vieille 205 dont j'ai fait l'acquisition après l'obtention de mon permis et qui, par miracle, tient encore la route, quoi qu'en dise mon paternel.

Je m'en accommode largement n'ayant de toute manière pas les moyens de m'en offrir une autre. Qui plus est, la résidence où je vis n'étant dotée que d'un parking ouvert et non sécurisé, c'est l'esprit tranquille que je l'y laisse lorsque je ne m'en sers pas.

Je toque deux coups à la porte d'entrée de mes parents et m'engouffre rapidement dans la maison dans laquelle j'ai grandi et qui n'a pas changé d'un poil depuis mon départ il y a quelques années de cela.

Ma mère est dans la cuisine en train de s'affairer, comme à son habitude. Je m'approche d'elle et lui fais une bise sur la joue. Elle se tourne vers moi, me regarde de haut en bas et me sourit.

Se libérer de son passé (Terminé) Où les histoires vivent. Découvrez maintenant