33. Salle d'attente, sale attente

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Elle

Les parents de Jonathan sont assis en face de moi. Sa mère pleure silencieusement à intervalles réguliers depuis que nous sommes arrivés tandis que son père reste stoïque sur sa chaise en plastique. Seuls les longs regards que nous échangeons depuis le début m'indiquent très clairement qu'il n'est pas si impassible que cela.

Silencieux mais inquiet.

Comme moi.

Et bien sûr, Julien aussi est là, à ma droite. Puisque c'est lui qui m'a conduite entre ses murs blancs aseptisés, où je n'ai aucune envie d'être, mais au sein desquels je me force à rester. Et puisque c'est lui qui m'a annoncé la raison pour laquelle nous nous infligeons tous une attente angoissante et paralysante.

- Qu'est-ce qu'il s'est passé ? Demandé-je à mon chauffeur qui me conduit à l'hôpital dans un silence mortel parfait pour les circonstances.

- Jonathan s'est pris un coup de couteau durant une inter, m'annonce-t-il de but en blanc.

- Un coup de couteau ? Répété-je, sous le choc.

Julien se contente de hocher la tête difficilement, toute phrase ou geste semblant lui coûter bien plus d'énergie qu'il n'en dispose.

- Il va mourir, soufflé-je, et je me mords la lèvre lorsque je constate que ma phrase sonne davantage comme une affirmation que comme une question.

- Je ne pense pas, murmure-t-il.

Nous roulons en silence quelques minutes, seuls les bruits de la circulation environnante de cette soirée de fin d'été venant perturber cette quiétude trompeuse.

Nous croisons des personnes déambulants dans la rue, riant ou se sentant en totale insouciance. Ils ont l'air heureux. Peut-être vont-ils rejoindre des amis ou l'être aimé. Peut-être vont-ils se coucher comblés après une bonne soirée, sans se douter une seule seconde que celle d'autres personnes risque de tourner au drame.

La mienne en l'occurrence.

Alors, j'ose poser la question qui tourne en boucle dans mon cerveau mais pour laquelle je crains la réponse et les conséquences que celle-ci entraînera. Mais ma peur ne doit pas m'empêcher de savoir. Il me faut toutes les informations. Et si j'ai si peur, c'est justement parce que Julien n'a pas développé davantage.

Jonathan s'est pris un coup de couteau.

C'est tout. Mais où ?

- Où ça ?

Je n'ai pas besoin de préciser le sens de ma question. Julien n'est pas dupe. Ses mains se crispent légèrement sur le volant tandis qu'il me lâche la réponse qui entraînera mon silence pendant plusieurs heures.

- Au thorax.

Je suis glacée. Aussi bien à l'intérieur qu'à l'extérieur. La chaise sur laquelle je suis assise depuis plus de deux heures est plus qu'inconfortable mais mes membres ankylosés ne s'en rendent même plus compte.

On m'apporte un café que je ne bois pas même s'il aurait peut-être pu m'aider à réchauffer une partie de mon corps qui semble ne jamais avoir connu la moindre chaleur.

Et nous attendons. Encore et encore. Je ne compte même plus les minutes, les heures.

Je me sens si éreintée que je suis persuadée de m'endormir instantanément si mon corps gelé rencontrait une surface plane un tant soit peu confortable.

Pourtant, nous ne faisons qu'attendre, sans rien dire, sans rien faire, mais je n'ai jamais connu de situation plus exténuante que celle-ci.

L'heure avancée de la soirée n'aide pas non plus à garder un éveil optimal mais c'était sans compter sur le défilé de proches qui survient par la suite, malgré l'heure tardive.

Se libérer de son passé (Terminé) Où les histoires vivent. Découvrez maintenant