Se libérer de son passé (Terminé)

10. Confidences

Elle

Les jours défilent et la vie suit son cours tel un long fleuve tranquille. Sans embûche, sans surprise, calmement.

Je maîtrise enfin les différentes facettes de mon travail, je suis de plus en plus à l'aise et je m'y plais, en grande partie grâce à Claire. Elle égaye mes journées et notre amitié se renforce de jour en jour à l'aide de déjeuners quotidiens et de verres en terrasse hebdomadaires.

Après notre soirée sur la péniche, je lui ai fait un retour détaillé du comportement qu'avait eu Éric et du peu qu'il s'en était fallu que Marc déclenche une bagarre.

Claire ne fut pas surprise, m'informant que la réputation d'Éric n'était plus à faire. Il avait effectivement entrepris quelques relations avec certaines femmes de l'entreprise, sans attache ni conséquence, et tenté de draguer 80% de la gente féminine de la société, Claire y compris. Mais elle le considérait davantage comme un fonceur qui a pour crédo "qui ne tente rien n'a rien", tant pis pour la classe et la subtilité, que comme un grand harceleur qui ne supporterait pas le non.

De mon côté, je ne l'ai que rarement recroisé, celui-ci affichant à chaque fois un détachement serein me faisant me demander s'il se souvenait même de notre discussion.

En revanche, je n'ai pas relaté à Claire la fin de ma soirée et le léger détail de moi toquant à la porte de Jonathan à une heure du matin. Je repense souvent à cet incident et un trouble m'envahit à chaque fois, de la honte sans aucun doute. Heureusement pour ma dignité, je n'ai pas recroisé Jonathan depuis.

Claire n'a malheureusement pas oublié sa mission première mais commence, il me semble, à perdre de l'intérêt face à ma nonchalance et mon manque de coopération. A coup sûr, si je lui parlais de cet incident maintenant, cela relancerait la machine avec un regain tout nouveau de sa part que je ne suis pas certaine de pouvoir canaliser. Garder le silence sur cet épisode reste donc ma meilleure option.

Mon premier mois écoulé en tant que standardiste chez "Nouvel Horizon" s'achève dans quelques heures et me rapproche inexorablement de ma date d'anniversaire, prévue pour le lendemain.

Petite, je me souviens que j'adorais fêter mon anniversaire. Étrangement, je ne garde que de bons souvenirs de ces dates-là. J'avais des cadeaux, un gâteau et des bougies et aucun événement ou comportement parental ne venaient ternir ce beau programme.

Puis j'ai été placée et tout a changé...

Maintenant, je ne le fête plus hormis un petit verre parfois avec mes amis. Rien de transcendant, rien de tape à l'œil, juste une excuse pour nous réunir une fois de plus.

Vers quatorze heure, Claire et moi sommes installées à l'accueil, tasses à café en main, papotant de tout et rien, l'après-midi étant étrangement calme même pour un vendredi. Nous sommes alors interrompues dans notre discussion par la venue de Monsieur Domins, alias Patrick, alias notre patron.

- Mesdames, le bâtiment est touché par une panne générale d'électricité qui paralyse tout le service. Les techniciens ne pourront pas intervenir avant demain. En attendant, il a été décidé de vous relâcher dès à présent. Vous pouvez rentrer chez vous et profiter de votre weekend.

Je me retiens de sauter de joie, habitude qui ne me ressemble pas le moins du monde, mais l'exubérance de Claire est à coup sûr en train de déteindre sur moi.

- Très bien, merci Patrick.

Cette fois, je me retiens de grimacer, ayant de sérieuses difficultés à appeler mon patron par son prénom.

Celui-ci se tourne vers Claire qui étrangement n'a pas bronché. Elle si expansive habituellement, je l'aurais davantage imaginée entreprendre une danse de la joie au beau milieu de l'accueil à l'annonce de cette nouvelle plutôt que le silence poli qu'elle conserve.