36. Les regrets ne doivent pas gagner

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Elle

Dans la vie parfois, on fait des choix qui nous paraissent évidents sur le moment.

Puis, à mesure que le temps passe, ces raisons si limpides perdent de leur infaillibilité pour ne laisser place qu'à de nouveaux doutes.

Pourquoi ai-je décidé de le quitter déjà ?

Mais aucun retour en arrière ne semble possible, alors on s'obstine. Quitte à en souffrir.

- Tu me tues, Alex. Sérieux.

Je cesse de touiller mon café avec ma cuillère, geste automatiquement et complètement futile, et relève la tête vers Claire qui me dévisage, peu amène.

Il fait encore un temps plus qu'agréable alors que nous sommes aux portes du mois de novembre. Les gens en profitent et ont investi les terrasses des cafés, comme nous, pour profiter de cet été indien inespéré.

- Regarde-toi, sérieux, continue Claire. Tu es malheureuse comme les pierres mais si têtue que tu serais bien capable de rester comme ça rien que pour ne pas reconnaître ton erreur.

Je ne réplique pas à son attaque, n'ayant même pas la force de la contredire.

Parce qu'au fond, elle doit avoir raison.

Claire est mon amie et même si, remplissant ce rôle à la perfection, elle ne me juge jamais, je sens que cette fois, je n'échapperai pas à ses remontrances.

- Et je suis persuadée que Jonathan est dans le même état que toi. C'est un beau gâchis si tu veux mon avis. Et je ne vois pas ce qui vous retient de juste dépasser ça pour être heureux comme c'est évident que vous le serez plus ensemble que séparément.

J'accuse le coup sans trouver le courage de lui dire qu'elle se trompe. Jonathan n'avait pas l'air si malheureux que ça lorsque je l'ai croisé dans le couloir il y a deux jours. Il semblait serein, comme à son habitude, et me croiser paraissait être un non-évènement. Comme on croise une voisine qu'on ne connaît que de vue. Une voisine à qui on dit poliment bonjour avant de tracer sa route. Et ce simple constat a lacéré mon cœur déjà en miettes.

Qu'est-ce que j'espérais de toute manière ? Qu'il me regarde avec des yeux injectés de sang à force d'avoir trop pleurer ? Qu'il se jette à mes pieds en larmes pour me dire de revenir ?

C'est ridicule. C'est ce que je voulais. Qu'il soit libre de vivre sa vie sans moi pour le freiner. Et tout porte à croire qu'il va y arriver.

J'ai donc fait le bon choix. Il rencontrera une fille qui lui conviendra, une fille qui ne trimballe pas des casseroles si percées qu'elles déversent sans cesse leurs eaux usées. Une fille avec qui il pourra emménager et avoir des enfants.

J'avale difficilement ma salive, sans pour autant réussir à faire disparaître la boule de tristesse qui m'obstrue la trachée.

- Alex, m'interpelle doucement Claire en me saisissant la main. Je suis sûre que tu peux faire machine arrière si tu le décides. Et juste voir où cette histoire va vous mener. Sans te préoccuper d'un hypothétique futur qui n'est même pas encore d'actualité.

Je secoue la tête, car c'est la seule chose que je peux faire. Si j'ouvre la bouche, j'ai bien peur que ce soit des torrents de larmes qui se déversent sur notre table. Et je ne peux pas.

- Je n'aime pas te voir comme ça.

J'inspire profondément et fais appel à toutes mes ressources pour lui répondre.

- Je n'aime pas être dans cet état non plus. Mais c'était l'issue la moins effrayante.

- Le truc, tu vois, c'est que si tu t'empêches de vivre des choses par peur, tu finiras par ne rien vivre. Et ce n'est pas la peur qui doit dicter ta vie.

Se libérer de son passé (Terminé) Où les histoires vivent. Découvrez maintenant