Hannah : j'ai fait assez de dégâts je crois

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Je tourne en rond, attendant qu'il veuille bien arriver, et scrute mon téléphone. Mes doigts l'agrippent et je le fixe comme pour lui intimer l'ordre de sonner. J'ai envoyé plusieurs messages il y a maintenant deux heures à Angie et je n'ai toujours pas de réponse.

Quand il arrive, mon cœur accélère, je ne connais que trop ces traits sur son visage :

— Qu'est-ce qu'il se passe ?

— D'abord, il faut que tu saches que tu n'y es pour rien, et que tu sais comme moi, que si c'est arrivé, c'est que c'était écrit comme ça.

Il baisse le ton et soupire, parce qu'il sait que peu importe ce qu'il pourra dire, c'est trop tard. Je serre les poings et hurle :

— Qu'est-ce qu'il s'est passé ?! Elle est où ? Je veux la voir ! Tout de suite !

— Hannah, calme-toi, elle est ... Enfin elle a ...

— Elle est quoi ?! Elle a quoi ? Parle ! Je t'avais dit que je ne devais pas m'éloigner d'elle !

— On ne pouvait pas prendre les menaces que son agresseur t'a faite à la légère. Sauf que ...

Cette fois c'est mon corps qui menace tout entier de céder et dans un murmure sans voix, je lui demande :

— Sauf que quoi ?

— Ses acolytes s'en sont pris à elle. Ils l'ont ... Elle est à l'hôpital et elle ...

Je n'attends même pas la fin de sa phrase, saute dans la voiture et enclenche les vitesses les unes après les autres à faire hurler le moteur. Mes doigts agrippent le volant et j'évite de justesse plusieurs collisions. Mais je ne peux pas me calmer, pas après ce qu'il vient de se passer.

Je ne vais plus respecter aucune règle, je ne vais plus céder à aucune menace, je serais avec elle vingt-quatre heures sur vingt-quatre mais je ne veux plus qu'il lui arrive quoi que ce soit parce que je sais déjà à cette seconde que je ne me pardonnerais pas ce que je vais voir là-bas.

**

Je cours jusqu'à sa chambre. Sa porte est ouverte, et sa mère et elle se parlent en langage des signes. Un énorme bleu recouvre son visage, une infirmière me bouscule et entre, elle pousse la porte mais je la retiens pour voir ce qu'il s'y passe. Elle lui demande d'enlever son haut. Angie fait un signe à sa mère, qui lui explique qu'il faut la regarder pour lui parler. Ce qui suit ensuite est une lame qui traverse mon cœur pour y tourner encore et encore :

— Il faut la regarder, ma fille s'est faite agresser, et elle ... Elle est devenue sourde, mais elle lit sur les lèvres. Parlez-lui toujours de manière à ce qu'elle puisse vous voir.

L'infirmière examine son ventre sur lequel des traces de coups apparaissent, les unes après les autres au fur et à mesure qu'elle tourne autour d'elle et que je puisse les entrapercevoir.

Moi non plus je n'entends plus rien, mes oreilles bourdonnent et je la fixe sans comprendre comment j'ai pu laisser faire ça une seconde fois. Quand elle s'est rhabillée quelques minutes plus tard, et que l'infirmière sort, le regard d'Angie se fige sur moi.

Je ne peux plus bouger, je serre les poings et les dents et retiens ce qui se coince dans ma gorge. Pour moi c'est clair, j'ai échoué avec elle. Alors qu'elle me regarde toujours, les yeux rougis et sans autre expression que de la douleur, je baisse la tête et fait demi-tour.

Je ne sais pas où je dois aller, je ne sais plus ce que je dois faire. Je veux la protéger, je dois le faire, mais j'ai la sensation d'être impuissante, que quelque chose me dépasse. Cette sensation que jamais je ne me suis autant impliquée qu'avec elle. Et puis je comprends, je comprends que personne n'a jamais compté autant pour moi. Pourtant j'ai l'impression que depuis que je l'ai approchée, c'est moi qui l'ai mise en danger :

Commence par tomber!Où les histoires vivent. Découvrez maintenant