Angie : me pousser en dehors de la réalité

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Elle ouvre les yeux :

— Je dormirai dans le fauteuil à côté du lit. C'est non négociable.

Son ton est sec et elle s'éloigne de moi comme si elle voulait être le plus loin possible. Je me repasse les images de celui qui veut ma peau, de cette soirée, de ce que j'ai vu et qui revient comme un flash-back incessant.

Pourtant quand je me réveille, en sursaut, et que je cherche la lumière, c'est parce que c'est elle qui m'a effrayée :

— Où est la lumière bordel ?!

— C'est quoi ton problème ?

— Allume la lumière s'il te plaît !

Je l'entends se lever d'un bond au son de ma voix paniquée.

— Qu'est-ce ce qui se passe Angie ?!

Elle s'est changée, porte un t-shirt blanc et un short très court noir et a le regard hagard.

Je dois la fixer d'un drôle d'air, parce qu'elle passe une main dans ses cheveux pour essayer d'y remettre de l'ordre, et me fixe elle aussi. Son regard est plus doux que dans mon cauchemar. Elle portait une cape sombre et ne me parlait pas, ses yeux noirs suffisaient à me tétaniser et je ne pouvais plus bouger. Je ne sais pas pourquoi je fais ce cauchemar là mais je sais que ce n'est pas la première fois. Ça a commencé le soir où elle m'a défendue devant ce bar.

— Où tu vas ?

Alors que sa présence m'angoissait dans mon rêve il y a quelques minutes encore, j'ai envie qu'elle reste avec moi en cette seconde :

— J'ai soif maintenant que tu m'as réveillée, je vais me chercher à boire, j'ai le droit ?!

Je baisse les yeux, je dois passer pour une gourde apeurée par un rien :

— Je suis désolée, c'est juste que ...

Elle se radoucit, comme souvent après s'être rendue compte de son ton agressif :

— Excuse-moi, tu veux quelque chose toi aussi ?

— L'infusion que tu m'as faite, le remède de grand-mère, je veux bien s'il te plaît.

Je réussis à la faire sourire et une sensation étrange s'empare de moi, tellement que je me lève et la suis jusqu'à la cuisine. Elle ne dit et ne demande rien, sachant sans doute que ce n'est pas la peine de le faire. Arrivée à la cuisine, je frissonne, la température est beaucoup moins clémente qu'en haut.

Parce qu'elle m'a vue, elle s'en va et revient avec une veste qu'elle pose sur mes bras et me frictionne pendant quelques secondes. Puis le temps s'arrête, nos regards s'égarent dans celui de l'autre et sans me retenir, je fixe ses lèvres.

Alors ça recommence, cette apnée, cette fois je suis sur le plan de travail, elle place ses mains sur mes joues, et ses lèvres s'emparent des miennes. Doucement d'abord et puis beaucoup plus passionnément. Et puis cette sortie d'apnée, je suis à l'autre bout de la cuisine, et elle en train de faire chauffer l'eau.

La voir sourire me met hors de moi, quand est-ce qu'elle va arrêter ce jeu-là ?

Je l'attrape par le bas du tee-shirt et elle se recule d'un coup, se brûlant au passage :

— Aie ! Putain, pourquoi t'as fait ça ?!

— Ça t'apprendra à jouer avec moi !

Je prends un torchon et fais le tour de son bras pour le mettre sous l'eau froide. De nouveau elle recule, mais je resserre mes doigts :

— Laisse ton bras sous l'eau !!! Sinon la brûlure va continuer ! Fais-moi confiance, je sais qu'il ne faut pas qu'on entre en contact, enfin, t'as compris ce que je veux dire.

Je rougis et trouve une parade pour ne pas lui montrer l'effet qu'elle est en train de me faire :

— De toute façon, vu ce qu'il se passe quand déjà tu poses tes mains sur moi, je ne suis pas certaine de vouloir savoir ce qui se passerait si on se touchait réellement.

Seulement ça ne marche pas, elle ne se laisse pas déstabiliser comme ça, elle sait qu'elle a ce pouvoir avec les autres, mais qu'avec elle, ça ne fonctionne pas. Un sourire narquois se dessine sur ses lèvres :

— T'es sûre de ça ?

Je me recule parce que je devine ce qui va se passer, elle va poser ses mains sur mon haut et ça va recommencer :

— C'est bon, tu peux enlever ton bras.

Je comprends alors qu'une nouvelle fois, je n'aurais pas de réponse, je ne saurais pas comment elle réussit à faire ça. À me pousser en dehors de la réalité, à ce contact rapproché, mais surtout à me poser la question de savoir si je ne serais pas tentée d'en redemander.

Mon regard se pose sur son tatouage et sans faire attention je me mords la lèvre inférieure.


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