Hannah : elle n'est pas à moi

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Quand j'arrive devant cette maison, je me demande comment elle tient encore debout et comment ma mère peut faire pour encore y vivre. Ça fait un bail que je ne suis pas revenue et je sais que son état a dû empirer.

Je toque mais comme d'habitude, elle ne prend pas la peine de répondre. Elle a oublié tous les codes de la société et presque tout ce qui fait l'être humain.

— Bonjour maman.

— Alors ma chérie, ta rentrée s'est bien passée ?

— Oui maman, je me suis fait de superbes amies.

— Bon très bien alors, je t'ai préparé des pancakes.

— Super, merci maman. Je monte, je les mange plus tard

Elle bat le saladier vide, jusqu'à ce que le bruit l'agace et qu'elle pose ses outils de cuisine pour passer à autre chose. Deux vieux chats viennent se frotter à mes jambes :

— Ah, vous êtes toujours en vie vous ?

Je ne sais pas comment elle fait, elle oublie l'existence de sa fille, de sa vie, mais elle n'oublie pas de nourrir ses chats. Ils sont même gras, mais je les soupçonne d'aller voir ailleurs.

Quand je reviens c'est toujours le même scenario, elle est restée bloquée au jour de la rentrée, ce jour où il lui est arrivé ce qui a tout changé pour elle comme pour moi.

On n'avait déjà pas une vie très rose à l'époque. Un père alcoolique, le stéréotype parfait de la grosse brute qui frappe, pas d'argent et une maison délabrée. Je passais mon temps dehors, parce que je ne voulais pas faire face à cette réalité. Ce sont plutôt mes amis que mes parents qui se sont chargés de faire mon éducation.

Je m'évadais à l'extérieur, je bouquinais pas mal en cachette parce que je ne voulais pas passer pour cette fille intello, mais en réalité je connais pas mal de classiques.

Je passe une main pour enlever la poussière de cette boîte où je les planquais, et des souvenirs me reviennent. Ma mère adorait lire et puis au fil du temps, elle a arrêté tout ce qui la passionnait, à cause de mon père, et puis à cause de ce qu'il lui est arrivé.

Le matin de la rentrée, elle était heureuse de voir sa fille bien habillée, c'est le seul jour où je faisais un effort pour lui faire plaisir et pour ne pas éveiller les soupçons sur mon look un peu sombre et rebelle qui reprendrait le dessus après.

Ce jour-là, comme s'il savait, je l'ai vu en arrivant, adossé à un mur qui me regardait. Ce n'était pas la première fois, son visage ne m'était pas inconnu, je l'avais déjà vu à plusieurs reprises là où je trainais pendant l'été. Comme si lui aussi devait me protéger de quelque chose. Mais comme je n'avais rien de vraiment grave qui me menaçait, il commençait à me faire peur. Et puis je suis allée en classe, mais à peine trente minutes plus tard, le proviseur est venu me chercher, la mine déconfite.

J'ai marché avec lui sans qu'il ne dise un seul mot, me demandant ce que j'avais bien pu faire pour mériter cet honneur. Quand il m'a dit que ma mère était à l'hôpital, j'ai tout de suite vu la main de mon père s'abattre sur elle, encore une fois, beaucoup trop fort :

— Où est ce salopard ?!

— De qui parlez-vous mademoiselle ?

Le proviseur paraissait franchement étonné et j'ai compris qu'il ne devait vraiment rien savoir. Heureusement il n'a pas cherché plus loin, bien trop occupé sûrement à se demander comment il allait m'annoncer la nouvelle.

— Votre mère a eu un ...

Il a hésité avant de prononcer ce mot, comme s'il n'était pas sûr de ce qu'il allait me dire :

Commence par tomber!Où les histoires vivent. Découvrez maintenant