Hannah : ces vérités sont bien trop lourdes à porter.

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Je regarde ma montre, il me reste encore quelques heures. Je la prends par la main et l'emmène dans l'endroit où tout a commencé. Comme dans un rêve, une brume descend au fur et à mesure et je passe ma veste sur les épaules d'Angie.

Quand je passe la porte, ma mère est là, comme d'habitude. Mais cette fois je ne la laisserais pas s'en tirer, cette fois elle va devoir affronter la vérité. Angie se fige quelques instants, l'observant.

— Alors, comment s'est passée ta rentrée ma chérie ?

Je ne réponds même pas, entraînant Angie derrière moi, vers cette pièce, vers ma chambre d'autrefois.

Des murs bleu ciel, un plafond aux étoiles peintes et phosphorescentes dans la nuit. Et puis au milieu d'un des murs, deux ailes énormes, que je trace du bout des doigts :

— C'était mon coin d'évasion. Mes parents ne mettaient jamais les pieds ici, ça ne me dérangeait pas, même si au fond ça voulait dire qu'ils se foutaient bien de ce que je pouvais y faire.

J'ouvre le rideau révélant plusieurs étagères remplies de livres, je souris :

— Je crois qu'il doit en manquer quelques-uns à la bibliothèque et au lycée

— Tu les a ...

— Disons que je les ai empruntés et que j'ai oublié de les rendre. J'adorais lire, je me mettais sur mon lit, entourée de ces morceaux de ciel et de nuages blancs, et je lisais pendant des heures, jusqu'à ce que la nuit tombe et que les étoiles au plafond m'éclairent tout juste pour que mes yeux distinguent quelque chose.

Elle s'avance vers moi et m'embrasse du bout des lèvres.

— Hannah, une rebelle au grand cœur, qui l'aurait cru ?

— Ouais. Il faut croire qu'il a battu à un moment donné

Sa main se pose au-dessus de cette tâche et doucement, elle murmure :

— Moi, je crois qu'il bat encore.

Pourtant je me retourne, elle est ma vulnérabilité, et par moments je dois avouer que ça me dérange. Ça dérange cette partie de moi qui a décidé de plus rien montrer.

— Mon père a eu vite fait de détruire ce mécanisme. Il frappait si fort, que ce que j'avais à l'intérieur de moi s'est vite cassé aussi. Les attelles, les plâtres, ça réparait peut-être l'extérieur mais pas l'intérieur. Ces bleus-là, ils sont tellement énormes et tellement moches que t'as pas envie qu'on les voie. Alors tu fais la dure, t'es obligée de fabriquer cette armure. Mais en fait, tu la fabriques pas pour que personne ne puisse t'atteindre, tu la fabriques pour faire tenir ce qu'il reste de toi. Ça soutient les morceaux mais ça ne les répare pas. Ça ne les empêche pas de s'entrechoquer par moment et de résonner, quand quelque chose t'y ramène.

Je lisse encore ces ailes, sur cette paroi froide et je me dis que finalement c'était peut-être un signe de ce que j'allais devoir faire. Seulement je me dis qu'aujourd'hui, ce n'est pas un cadeau de les avoir, c'est ce qui va m'enlever cette fille juste à côté de moi, cette fille avec qui je n'ai pas eu besoin d'armure.

Un léger rire me secoue :

— La première fois que je t'ai vue, quand je suis arrivée au lycée, je me suis dit que ce n'était pas possible que ce soit toi.

— Que ce soit moi quoi ?

— Et puis, j'ai entendu tes amies t'appeler et j'ai compris que si. Tu t'es retournée, tu as semblé me regarder, et j'ai arrêté de respirer. Pour la première fois devant quelqu'un j'ai baissé les yeux et j'ai compris que ça allait être ... compliqué, très compliqué.

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