Chapitre 10 : Tara ♔ : Une liberté inconditionnelle.

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« Le désespoir compose, avec avidité, un assez beau lyrisme. »

    J’ai besoin de la mort autant que j’ai besoin de la vie. Je ne sais pas ce que je veux. Rester au beau milieu de ces étranges personnages me rassure, j’aurais tout vu, tout entendu ici. Rester avec Maxwell me rassure aussi, mais pas de la même façon. Ici, c’est une liberté inconditionnelle qui m’envahit, qui entoure mon corps d’une puissante bulle. Avec Max, je garde les pieds sur Terre malgré moi, prisonnière de mes organes, de mon esprit, de cette maison qui était supposée accueillir la vie et qui finalement l’enlève petit à petit. J’aimerais tant profiter de cette liberté sans avoir besoin d’attendre que Maxwelle dorme pour partir en douce. Je ressemble à une de ces princesses Walt Disney qu’on nous montre au cinéma ou sur les petits écrans de télévision. Je souris avec idiotie et observe le petit porte-clé posé sous mon nez. Une lune de sang, je ne pourrais jamais en voir, si j’ai bien compris. Dommage. Mes doigts effleurent l’objet, tracent les contours de chaque chauve-souris avant de le détacher du comptoir. Le métal froid parcourt mes bras à la vitesse du son. 

— Tu le gardes, finalement ? 

Sa voix se fait étonnamment plus douce, elle qui est d’un naturel rocailleuse, voire presque caverneuse, finalement. Le bleu de ses yeux me perturbe. 

— Pourquoi ne les enlèves-tu pas ?

Au début, il ne comprend pas, puis lorsque mon regard se joue du sien, il tilt. Sans attendre, il s’abaisse derrière le comptoir, en sort une petite boîte avant de remonter et de commencer à trifouiller ses yeux. Pas certaine qu’il prenne les précautions nécessaires pour faire ça, mais je n’oublie jamais qu’il ne connaît pas la définition de “maladie”. Un œil rouge, puis un second, et son regard change du tout au tout. Il referme le clapet du boîtier, le laissant poser là. Ce qu’il préfère reste de se tourner vers moi, sans un mot, sans un mouvement brusque. Mon seul et unique réflexe reste de détailler ses pupilles. Cette couleur le rend nettement moins sympathique mais beaucoup plus sauvage. La teinte écarlate brille dans l’ambiance teintée de violet, maintenant je ne peux plus nier ce qu'il est, c’est une certitude. Je commence à reconnaître cette aura étrange qui l’entoure depuis le premier jour où j’ai posé les pieds ici. Une aura fraîche et libre. Elle est là, cette liberté, sous mes yeux. C’est l’immortalité. 

— Je devrais avoir peur, n’est-ce pas ? 

— Tout dépend du point de vue, me répond-il aussitôt. 

Ce regard si expressif ne change en rien ce qu’il pense, ce qu’il dit, comment il se comporte et ce qu’il dit. Pourquoi devrais-je avoir peur, finalement ? J’ai passé près d’un mois à regretter d'être partie et de ne plus avoir eu le courage d’y retourner, de peur de ce qui pourrait m’arriver. J’avais tort, parce que s’il voulait tenter quelque chose, il l’aurait fait lors des quelques jours où j’ai eu l’occasion de me rendre là-bas, parce que je voulais être quelqu’un d’autre. Je veux toujours être quelqu’un d’autre, me voir autrement qu'une vulgaire fourmis au milieu de ceux qui ont une vie. Mes yeux dévient vers la scène où se trouvent plusieurs filles. Des vampires. Des vampires qui profitent de leur seconde vie. Pourquoi ma seconde chance n’a mené à rien ? Ai-je le droit à une troisième chance ? J’en doute. Je me lève, aussi légère qu’une plume malgré mon cœur lourd. Je ne sais pas pourquoi ni comment mais mes jambes se dirigent seules vers l’estrade, montent dessus et imitent celles des autres nanas au beau milieu d’une foule de regards. Ma honte a disparu en moins de temps qu’il n’en faut pour le dire, ce qui ne laisse pas l’occasion à Dorian de comprendre ce qu’il se passe dans ma tête. Furtivement, j’aperçois ses yeux rouges se poser sur moi, une fois, deux fois, trois fois. Trois tours sur moi-même. Entre-temps, ses yeux avaient changé d’expression, son corps s’était redressé entre le comptoir et le mur. Un bruit sourd percute les tympans, c’est sa voix et j’ai l’impression de devenir sourde. 

Lamia : La Nuit Du Désespoir. {TERMINÉE}Où les histoires vivent. Découvrez maintenant