Chapitre 23 - Dorian ♛ : Toujours aussi insomniaque.

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Une fois rentrés, au beau milieu de la neige qui tombe, Tara s’installe sur l’un des premiers tabourets du bar du rez-de-chaussée. La vie grouille encore au sous-sol alors que cet espace restera vide jusqu’à ce soir. Elle a besoin de calme, de beaucoup trop de calme, j’ai l’impression. Dehors, les flocons continuent de s’écraser à terre, à rendre le paysage brumeux. J’ose espérer ne pas avoir trop d’idiots à servir ce soir, histoire d’avoir un peu de tranquillité. C’est peine perdu, qu’il neige, qu’il vente ou qu’il pleuve, il y en a toujours autant chaque soir. Revenir dans la forêt de Black Hill m’a perturbé. Plus j’y réfléchi et plus j’ai envie de changer d’environnement, de construire autre chose. 
Je m’installe derrière le comptoir, Edgar n’est pas là, pour une fois.

— Tu veux boire quelque chose ? 

J’ai comme l’impression de déjà vu, mais c’est mon quotidien, ici, c’est ce que je dis tous les soir à ce connard de William Black. Et même les vampires y ont le droit.

— Juste de l’eau. 

—  Ça fera du bien à ton corps, un peu de fraîcheur. 

Le regard jusqu’à maintenant baissé, elle lève les yeux dans ma direction. 

— Tu les entends toujours, hein ? prononce-t-elle, faiblement. 

— Bien évidemment. 

Comment ne pas les entendre ? Même un sourd pourrait écouter ses poumons malades. Aussitôt, elle tousse, le regard ancré dans le mien. 

— On va prendre le temps de faire ta kinésithérapie respiratoire ce soir. 

— Encore une perte de temps, soupire-t-elle. 

— Si ça peut t’éviter de te transformer dans les jours qui suivent, je ne crache pas dessus, lui dis-je de manière posée avant de remplir son verre d’eau fraîche tirée d’une bouteille en plastique.     

Je pose le récipient, mais elle n’a pas l’air convaincu. Quelque chose la tracasse. 

— Tu es certaine d’aller bien ? 

— Tout est relatif, Dorian. On peut dire que j’ai quelques conditions à respecter si je ne continuer de venir ici.

J’arque un sourcil, ne comprenant pas ce qu’elle entend par là. Coudes posés sur le comptoir, je me rappelle vaguement que son stupide mari est paranoiaque maladif.

— Des conditions débiles de Max chéri ? 

— Arrête de l’appeler de cette façon, râle-t-elle en souriant légèrement.   
      
Elle se retient de rire. 

— Il faudrait que je travaille ici, continue-t-elle enfin avec un peu plus de sérieux.

— Travailler avec un vrai salaire ? 

Question stupide, Dorian. Question stupide. 

— C’est une des conditions, avec bien évidemment, prendre mes traitements. 

— Ça va de soi. Pour une fois que je suis d’accord. 

Elle soupire, s'affaisse sous son propre poids, comme si l’une ou l’autre de ces conditions étaient un fardeau pour elle. Pas besoin d'être Einstein pour deviner laquelle des deux lui donne cette mine de déterrés. Paradoxalement attirée par ce monde, elle décide de s’y enterrer. Si elle avait été plus tenace et que cet endroit avait paru comme une contrainte pour elle, les rôles se seraient inversés.      

— Après avoir bu ton verre d’eau, tu iras demander l’avis d’Edgar au sous-sol. J’aimerais qu’il soit au courant de cette connerie avant de te foutre un contrat sous le nez. 
À partir de ce moment-là, elle décide inconsciemment de prendre tout son temps pour ingurgiter son eau et s’en aller enfin. 
Lorsqu’elle disparaît derrière la porte, mon corps et mon esprit se sentent étrangement vides, comme si ma mort n’avait aucun sens. C’est ça, avoir le béguin ? Une pauvre petite humaine qui dérive de plus en plus vers la vie nocturne d’une vraie vampire. Sortir durant toute la journée a dû lui faire un bien fou. Voir la population, le paysage, tenir la tête hors de l’eau. 

Lamia : La Nuit Du Désespoir. {TERMINÉE}Où les histoires vivent. Découvrez maintenant