Chapitre 22 - Tara ♔: Paysage blanc, cœur noir.

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« Le plus grand désespoir est de pleurer devant un coucher de soleil. »

Le lendemain matin, après un réveil difficile dans les appartements illuminés de Dorian et Edgar, là où Max m’a autorisé à y aller sous quelques conditions. Je quitte l’enseigne du CBC à pas lents. Au travers de la vitre luisante de propreté de l’entrée, j’aperçois la neige compacte au sol, les quelques centimètres semblent grimper contre la paroi. Vêtue chaudement, je n’attends pas que les garçons montent et profite du vent hivernal qui s’offre à moi, le battant grand ouvert. Les premières neiges à quelques heures du nouvel an, quel beau coup du sort. 

Quelques traces de chaussures sont déjà formées dans la neige, si tôt. Des pattes de chien sont également discernables et les terrasses de la rue sont recouvertes d’une épaisse couche blanche rendant la scène encore plus magique qu’elle ne l’est déjà. Je grelotte presque, les mains dans les poches, le visage enfoui dans ma doudoune sombre. Des pas légers viennent casser le silence qui régnait jusqu’à maintenant malgré le bruit constant de mes poumons malades. 

— Quand j’étais gamine, j’aimais dessiner des anges dans la neige, écrire mon prénom et harceler Max de cette matière qui semblait si précieuse à mes yeux. Ca me rappelle à quel point notre relation est spéciale pour les autres, et je suis en train de tout gâcher, avoué-je amèrement. 

Je retiens malgré moi les larmes qui semblent vouloir s’échapper. Ce n’est pas le moment ni l’endroit pour me laisser aller. 

— Tu n’y peux rien, Tara, c’est la vie. Qu'elle prenne un bon ou un mauvais tournant, il faut le supporter. Nous sommes les mieux placés pour le savoir. 

Sur cette dernière phrase, j’aimerais qu’il ait raison, mais ce n’est pas le cas. 

— Tu ferais bien de récupérer tes souvenirs, Dorian. Ils confirmeront tes dires. Peut-être que tu avais une vie parfaite avant tout ça, avant de te retrouver six pieds sous terre dans un bar.      

Le ton tranchant, je n’ai pourtant pas peur de le brusquer. Certes, il fait partie des mieux placés pour en parler mais uniquement depuis qu’il a vécu sa transformation. 

Si seulement je pouvais oublier ma vie, je ne cracherai pas dessus. 

— Peut-être que tu as perdu tes souvenirs justement parce que tu t’es transformé ? supposé-je enfin sans attendre une réponse.                    

— Nous ne sommes pas supposés perdre la mémoire une fois muté. C’est forcément volontaire. Mais au fond de moi, j’ai peur de découvrir la vérité, et la personne qui m’a retiré mes souvenirs le savait bien. 

— Si je te demandais d'effacer les miens, tu le ferais ?

Les yeux rivés sur le paysage blanc, mon coeur noir refait surface. L’attentat du désespoir est tout proche. 

— Non, me répond-il froidement. Perdre tes souvenirs est la pire chose qui puisse t’arriver, que tu sois humaine ou vampire. Ne plus savoir d’où tu viens, ne plus savoir qui t’as aimé, c’est un aller simple vers la frustration. 

— Mes parents sont morts, ma fille est morte, à quoi bon garder ce genre de souvenirs ? Réparer ma relation avec Max ? Bien trop tard pour faire demi-tour, grogné-je à moitié. 

Je commence à m’avancer à l’extérieur afin de profiter du bruit apaisant que provoquent mes pieds contre la neige. Il me suit et ferme le battant, traversant la rue dans un silence relaxant. Quelques passants nous croisent, des enfants jouent dans la neige au beau milieu de la rue piétonne. Un stupide sourire vient fleurir sur mon visage, imaginant ce qu’aurait pu etre ma vie sans cette mortelle mucoviscidose. 
Le paysage défile, et mes pensées aussi. L’air reste frais, mais la présence de Dorian n’aurait rien changé à cela. Le ciel gris recommence à faire tomber sa couverture blanche lorsque nous arrivons dans le quartier de Black Hill, un endroit rempli de rues pavillonnaires. Même sa forêt est tapissée d’une couche blanche. 

Lamia : La Nuit Du Désespoir. {TERMINÉE}Où les histoires vivent. Découvrez maintenant