Chapitre 20 - Tara ♔ : Elle vit.

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« La souffrance a son côté de joie, le désespoir a sa douceur et la mort a un sens. » 

Pourquoi ne suis-je pas morte ? C’est la première phrase qui me vient en tête lorsque ma conscience revient à la réalité. Celle d’une pièce immaculée et médicalisée. Je prends peur en me rendant compte que nous sommes à l'hôpital.

— Je veux partir, est la seule phrase qui réussit à franchir le seuil de ma bouche.

Je prends peu à peu conscience que Maxwell se trouve installé à ma droite, les mains sur la mienne et un masque chirurgical au visage. La présence de Dorian percute ma vision, adossé contre le mur d’en face, le regard fuyant. Fuyant parce qu’Edgar est là aussi, éternellement dans la même position, mais dans son cas, face à la porte. Pourquoi suis-je entouré ainsi ? Ce n’était qu’un évanouissement parmi tant d’autres. 

    — Un collapsus, intervient Dorian froidement. 

    — Tu es en observation depuis cette nuit, Tara. Tu as encore fait un malaise et tu as dormi. C’est visiblement ton seul moyen de fermer les yeux et de t’offrir à Morphée, ajoute Edgar en se tournant vers moi. 

    Ils ont tous les deux leurs lentilles, bien évidemment, mais ce dont j'aimerais me rappeler, c’est de la sensation qui m’a enivré hier soir. Cette nuit, finalement. Le corps pourtant endolori par ma position, je me remémore la sensation de vie qui m’a emporté pendant que… 

    Je n’ose même plus regarder Max dans les yeux. Qu’ai-je fait ? Il ne me pardonnera jamais. S’il savait pour quelle raison Dorian se trouve ici, je m’en mordrais les doigts. 

    — Je voulais aller voir le service pour te faire sortir à ton réveil, mais tu n’as pas l’air bien, s’inquiète aussitôt Max. 

    Il a dû voir mon visage s’effondrer sur lui-même comme un château de cartes. Mais impossible de revenir en arrière. Si j’ai eu l’occasion de coucher avec quelqu’un d’autre, c’est que finalement, ça n’allait plus entre nous. Plus rien ne va depuis la mort de Lana. J’ai l’impression de devenir de plus en plus invisible à ses yeux, de mourir à petit feu parce que pour faire son deuil, il se plonge sans relâche dans son travail. Je ne le vois presque plus, je ne lui parle presque plus. 

    — Oui, ça va. Tu peux aller demander ma sortie, si tu veux, je pense que d’ici quelques minutes, j’irai mieux. 

    Que ce soit physiquement ou mentalement, d’ailleurs. Il s’en va, oblige Edgar à se décaler avant de disparaître derrière la porte tout aussi blanche que le reste de la pièce. Qu’est-ce que je déteste ces endroits. J’espère que les personnes qui me connaissent ne m’ont pas aperçu. J’aurai eu l’air de quoi ? La malade atteinte de mucoviscidose qui a tué son enfant. J’aurai dû mourir pour ça. 

    Pourquoi ne suis-je pas morte ? 

    — Tu n’es pas morte parce que ce n’était pas le moment. Tu l’aurai regretté de toute façon. Ta décision de transformation n’est pas encore assez réfléchie pour me permettre de te laisser crever comme une vieille chaussette, grogne à moitié Dorian. 

    — J’ai peur de la mort comme une gosse qui a peur des monstres, mais cette mort-là m’appelle, sinon je ne serais jamais retourné au CBC.

    C’est quelque chose que lui-même ne peut contester. Je connais mes ressentis, ma psychologie. Et même s’il peut entrer dans ma tête comme bon lui semble, il n’en reste pas moins étranger à tous les ressentiments qui me traversent. Malgré tout, je me sens si bien en sa présence, bien plus que d’ordinaire. En regardant mon poignet, je me rappelle vivement de la sensation que m’a provoqué sa morsure. Une immense douleur avait d’abord parcouru mon bras avant de se transformer peu à peu en plaisir inconditionnel et étrange. 

Lamia : La Nuit Du Désespoir. {TERMINÉE}Où les histoires vivent. Découvrez maintenant