Chapitre 11 - Dorian ♛ : Le passé resurgit.

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Me connaître autant qu’Edgar ? Je n'en comprends pas le sens. 

— Que veux-tu dire par là ? je lui demande, ses yeux bleus me détaillant toujours avec attention. 

À travers sa rétine, j’aperçois mon reflet, un reflet que j’admire alors qu’il y a soixante quinze ans, je le détestais. 

— Raconte-moi toute ta vie d’avant, peu importe le temps que ça prendra. Avant que je meurs, si possible, se rectifie-t-elle avec maladresse. 

Elle garde néanmoins le sourire, comme si d’un certain côté elle n’attendait que ça. Cette pensée me fend le cœur à un point inimaginable. C’est vrai, je la regarde toujours avec cette petite once de pitié, parce que c’est ce que font les vampires lorsqu’ils reluquent des humains. 

— Trop de choses à dire, tu t’ennuierais. 

— Bien sûr que non ! 

Un rictus s’envole de ma gorge, conscient que mon excuse est totalement à chier. Évidemment qu’elle ne va pas s’ennuyer, on parle de la vie d’un vampire, là, pas d’un rouge-gorge. Je suis certain qu’elle saura être captivée par tout ce que je lui raconterais, mais pour cela il va me falloir être rusé. La petite étincelle qui luit dans ses yeux me fait sourire. Cette image d’elle restera à jamais dans mon esprit, celle de la fille qui sourit mais qui se languit de sa propre existence. 

— J’aimerais que tu connaisses Edgar autant que moi, dans ce cas. 

— Pourquoi ? me demande-t-elle, les sourcils froncés, un tantinet perplexe. 

— Parce que c’est ma condition, et elle est non négociable.
 
Elle semble toujours aussi peu convaincue de ma manière de procéder, mais je crois qu’Edgar a vraiment besoin d’une vie sociale, bien plus que moi, finalement. Depuis son arrivée au CBC, il n’a plus jamais eu de relation qui ne me concernent pas, qu'elle soit amicale ou sentimentale, d’ailleurs. Voir un autre visage que le mien lui fera le plus grand bien. 

— Il ne semble pas spécialement apte à avoir une discussion avec une gonzesse d’un mètre cinquante, rit-elle en se désignant. 

— Tu seras rapidement surprise. J’aimerais que ça devienne un rituel, quelque chose d’amusant, t’en dis quoi ? 

    L’un à côté de l’autre, ses yeux sont attachés aux miens malgré le mètre qui nous sépare. Je profite toujours autant de cette lumière éclatante qui nous entoure pour la détailler en tout point, chose que je ne pouvais pas faire lorsque nous étions encore dans cette ambiance sombre. Elle semblait abstraite et effacée malgré le fait que ma vision nocturne ne me trompe jamais. J’ai besoin de la voir au milieu d’une clarté éblouissante, quitte à perdre la vue. 

— Tous les jours, je te dirais une chose sur moi, et en échange tu feras quelque chose pour. 

— Quelque chose pour toi ? répète-t-elle, tout aussi déconcertée. 

— Discuter avec Edgar par exemple, si tu ne te tiens pas à ce que je t’ai dit. Ou encore de servir des clients au comptoir, prendre tes médicaments devant moi, faire tes exercices respiratoires. C’est tout simple, tu vas voir. 

— Des trucs stupides, quoi ? se marre-t-elle tout en se dégauchissant sur la banquette marron que nous squattons depuis déjà un moment. 

— Tes traitements ne sont pas stupides, ils servent à te garder en vie. 

— À quoi cela me sert de rester en vie si tout ce qui m’entoure est mort ? prononce-t-elle dans un murmure étouffé.

Sa voix vrombissante s’est soudainement transformée en un chuchotement à en briser le cœur. Je fais mine de ne pas relever, ou à moitié, et décide d’enchainer sur ce que je lui ai promis.

Lamia : La Nuit Du Désespoir. {TERMINÉE}Où les histoires vivent. Découvrez maintenant