Il était à peu près dix-huit heures le lendemain lorsque nous sommes arrivés à Bruxelles, gare du Midi, après avoir quitté Cambrai et voyagé pendant plus de sept heures. Nous avions dû changer deux fois, à Valenciennes et à Lille, avec des heures d'attente à chaque correspondance. Les compartiments où nous avions trouvé place étaient bondés et surchauffés. Ann portait encore un short pour voyager, non pas le petit rouge échancré qu'elle avait la veille, mais un blanc, un peu moins moulant, qu'elle avait acheté dans la matinée à Cambrai, avant que nous n'en repartions. Elle avait trouvé dans un magasin de quoi s'habiller pour quelques jours et j'avais fait de même, dans un autre magasin. Elle avait insisté pour m'aider à choisir mes vêtements et avait tenu à régler la facture, malgré l'obstination que j'avais mise à refuser. Mais c'est moi qui avais payé le sac de voyage où nous avions fourré nos achats. Et j'ai pensé, en tendant mes billets, que c'était le premier bien que nous possédions en commun.
Le tramway numéro 2 nous conduisit de la gare du Midi à la place De Brouckère et nous avons continué à pied en direction du quartier Sainte-Catherine où la sœur d'Ann vivait dans l'appartement familial. Après le boulevard Adolphe-Max nous avons pris la rue des Hirondelles, puis la petite rue pavée du Béguinage jusqu'à une place paisible qui, elle aussi, était pavée. En son centre, l'église Saint-Jean-Baptiste-au-Béguinage, une église de style baroque flamand.
- C'est là, me dit Ann, en me montrant un petit immeuble en brique de trois étages, face à l'entrée principale de l'église. J'ai habité ici pendant dix-huit ans avec ma sœur et mes parents, avant d'aller faire mes études à l'université d'Anvers. J'étais assez bonne en mathématiques à l'époque. Je m'étais spécialisée dans l'étude des structures algébriques, et plus particulièrement dans la théorie des corps.
- Des corps ? m'étranglai-je, en ignorant totalement de quoi il s'agissait mais en admirant le sien, comme elle me précédait dans les escaliers.
Nous nous sommes arrêtés sur le palier du deuxième étage.
- Mais j'ai très vite abandonné la théorie pour passer à la pratique avec les étudiants de la fac, ajouta-t-elle en riant. Je n'étais pas faite pour les mathématiques, finalement. C'est mon fils qui va être étonné de me voir dit-elle, passant du coq à l'âne en appuyant sur la sonnette de la porte d'entrée. J'ai demandé à ma sœur de ne rien lui dire, je voulais lui faire une surprise.
Nous avons attendu quelques instants, sans percevoir la moindre réaction en provenance de l'intérieur. Ann appuya une seconde fois tout en fouillant dans son sac pour trouver les clés qu'elle avait toujours gardées depuis son départ du domicile familial. Elle a encore attendu quelques secondes avant d'actionner la serrure.
- Angel, cria-t-elle en ouvrant la porte. Angel, Arno, vous êtes là ?
Nous avons suivi un couloir étroit jusqu'à une pièce plutôt petite, à la fois salon et salle à manger, très claire, dont les fenêtres donnaient sur la place. Il n'y avait personne dans la pièce. Celle-ci était parfaitement en ordre, rien ne traînait, pas même un journal. La table ronde Louis-Philippe en noyer massif était entourée de quatre chaises en bois, style bistrot. Ça sentait bon la cire. Par les fenêtres on distinguait la façade à trois corps de l'église paroissiale. Ann poussa la porte de la cuisine, déserte elle aussi. Elle revint ouvrir les portes qui donnaient sur le couloir en appelant à nouveau d'une voix inquiète.
- Angel, Arno ?
Il n'y avait personne là non plus, ni dans la salle de bains, ni dans les chambres. Celles-ci contrastaient avec le salon-salle à manger et étaient plutôt sombres (elles donnaient sur une arrière-cour), en désordre. Les lits étaient défaits, des vêtements traînaient un peu partout, sur les draps, à terre, un sac de voyage était en déséquilibre sur une table de chevet, comme si les occupants avaient quitté précipitamment les lieux.
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10 jours de canicule [publié, mais épuisé, chez ETT]
RomanceCe roman étant épuisé chez mon éditeur, j'ai décidé de le publier EN ENTIER sur Wattpad. "10 jours de canicule" raconte une aventure sensuelle et romantique : Jean, jeune détective stagiaire, est tombé amoureux de la belle blonde chez qui il doit r...