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À ce stade de l'enquête, je me disais que j'étais confronté

à trois types de problèmes : un problème de conscience, un

deuxième problème, potentiel, mais qui pourrait devenir

majeur selon la solution apportée au problème de conscience,

et un problème a priori mineur, dont néanmoins l'absence de

résolution rapide pourrait se révéler catastrophique (j'espère que

vous me suivez...). Tout d'abord le problème de conscience,

auquel je réfléchissais en me dirigeant vers le métro Concorde

pour aller rédiger mon rapport dans les bureaux de l'agence et

rencontrer, si possible, Monsieur Charles : j'avais réussi à établir

avec Ann une relation, disons, « privilégiée », et j'étais certain à

présent de pouvoir récupérer rapidement les lettres auxquelles

Dubourg tenait tant. Ma mission se conclurait ainsi de la plus

belle manière, avec mention très honorable et félicitations du

jury. Mais agir dans ce sens (option 1) reviendrait à trahir Ann

une seconde fois, après qu'elle l'ait été par Dubourg. Dissimuler

cette certitude à mon patron et abandonner ces lettres à Ann

(option 2) m'amènerait au contraire à tromper la confiance

de Monsieur Charles. Or j'aimais bien Monsieur Charles et je

ne voulais surtout pas le décevoir. La question qui me venait

à l'esprit face à ce dilemme rien moins que cornélien, et à

laquelle je devais apporter une réponse avant mon entrevue

imminente avec mon boss était naturellement : « Laquelle de

ces deux options devais-je choisir ? »

C'est en sortant du métro Bourse et en remontant la rue

Vivienne que je m'attaquai au problème numéro deux, le problème

potentiel, qui pourrait devenir majeur suivant l'option

retenue pour résoudre le problème numéro un : mon problème

de conscience (je ne sais pas si vous me suivez toujours...).

D'après Ann, et selon toute vraisemblance, c'est Dubourg

lui-même qui aurait tenté de récupérer les lettres par l'intermédiaire

de ses hommes de main. Le profane pourrait se demander

pourquoi cet homme avait, d'un côté, fait appel à une

agence de détectives privés et, de l'autre, fait donner ses sbires

pour atteindre le même objectif. L'enquêteur perspicace que

j'étais devenu pourrait répondre qu'un personnage comme

Dubourg, recherchant avant tout l'efficacité, pouvait fort bien

mettre en oeuvre deux, voire trois stratégies complémentaires

pour aboutir rapidement au résultat escompté. Et celle qu'il

venait d'utiliser chez Ann montrait clairement qu'il n'était pas

10 jours de canicule [publié, mais épuisé, chez ETT]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant