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Comme deux jours auparavant, j'ai été réveillé par la

sonnerie du téléphone. Mais cette fois, j'ai aussitôt reconnu

la voix d'Ann. Elle ne m'avait pas entendu partir la veille. Elle

avait sombré dans un sommeil profond et m'avait cherché,

à tâtons, quand elle s'était réveillée en pleine nuit. Elle avait

regardé partout dans l'appartement si j'avais laissé un mot et

n'en trouvant aucun, elle avait conclu qu'elle ne me reverrait

sûrement pas. Elle réalisait que j'avais obtenu d'elle ce que je

voulais, c'est-à-dire, comme tous les hommes, coucher avec

elle. Elle m'appelait juste pour me remercier de nouveau et

savoir si j'étais bien rentré.

- Mais, Ann, ripostai-je, comment pouvez-vous penser

une chose pareille, après tout ce que nous avons déjà vécu

ensemble. Vous êtes la femme de ma vie, il faut que vous le

sachiez !

J'avais conscience d'en faire beaucoup mais elle n'eut pas de

réaction. J'ajoutai d'une voix qui se voulait convaincante :

- Bien sûr que je souhaite vous revoir. Je voulais même te

téléphoner hier soir, mais je n'ai pas ton numéro.

Je continuais de la vouvoyer, alternant de temps à autre

avec le tutoiement. J'aimais bien ce type de relation qui

donnait l'impression que rien n'était encore fixé, que tout était

possible.

- Que faites-vous ce week-end ? poursuivis-je, pour me faire

pardonner. Je peux venir te chercher et t'emmener promener

dans Paris avec ma petite auto.

Je possédais une Coccinelle VW cabriolet rose, hors d'âge,

que j'avais achetée pour presque rien en 1969, peu après la

naissance de Bobo. Elle n'avait que cent vingt mille kilomètres,

c'était une bonne affaire.

- J'en serais ravie, me répondit-elle, pas rancunière. On

jouera les touristes dans un Paris à moitié désert. Ils sont tous

sur les routes, ce week-end !

- Oui, on fera comme dans Le Fanfaron, sauf qu'on ne sera

pas à Rome, mais à Paris. Vous connaissez ce film ?

- Dino Risi, avec Vittorio Gassman et Jean-Louis Trintignant,

trop mignon tellement il faisait jeune et avait l'air timide,

répondit-elle du tac au tac à ma grande surprise.

- Je passe donc te prendre en fin de matinée ou après déjeuner

au plus tard. Je dois d'abord rendre une petite visite à

mon père.

Ann marqua un silence avant de me demander d'une voix

un peu embarrassée que je ne lui connaissais pas :

10 jours de canicule [publié, mais épuisé, chez ETT]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant