Chapitre 4 Dans le sang et les larmes

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Je pense pouvoir dire sans hésiter qu'à aucun moment je n'aurai pensé qu'une journée pareille deviendrait un véritable cauchemar.

Au moment où Fan'goriah nous a annoncé que cet Elfe qui hante mes nuits pourrait nous recevoir, j'ai ressenti une impatience comme jamais. Même traquer une victime me parait bien terne en comparaison. Ma tête chauffait, j'imaginais déjà les questions que je pourrais lui poser, tous ces moments de connaissances que nous pourrions peut-être partager, ces informations de mon passé que je cherche depuis toutes ces années sont peut-être là, sous mes yeux...

Löne Khernos, c'est bien un être que je ne suis pas près d'oublier, et aujourd'hui encore les émotions sont fortes quand je pense à lui. Son visage continue de hanter mes nuits...

Nous étions tous assis au sol, attendant, plus ou moins patiemment. Quand une énorme gondolfière, tirée par huit hippogriffes est apparue au-dessus de nos têtes. Une échelle de corde nous a été envoyée, et je me suis retenue de me jeter dessus. Nous sommes montés les uns après les autres, Eiffor suivant son grand-père, et moi le précédant. Mais Nalfgar semblait soudain en piteux état. Le visage pâle, les yeux fiévreux, il grimpe difficilement jusqu'au pont et trébuche. Je comprends bien vite en le sondant qu'il est blessé, une plaie béante à son épaule sanguinolente au milieu de toutes ces cicatrices... Mais cette plaie n'a rien de récent et émane d'une aura malsaine. Au contraire, elle est ancienne et n'a jamais été soignée. Je comprends bien vite qu'il s'agit de traces de torture et malgré ses pouvoirs d'Aasimar, il est impuissant. Ses ailes d'or ne sont que des lambeaux de plumes, déchiquetées, comme arrachées puis recollées un nombre incalculable de fois pour finalement ne ressembler qu'à une guenille, une parodie d'ailes célestes. Nalfgar s'effondre au sol, et malgré son conseil de ne pas nous inquiéter, son rictus ne ment pas, il souffre horriblement. Gourde le soigne, sans réelle amélioration et nous l'aidons à grimper à bord de la gondolfière. Evidemment je ne peux m'empêcher de sermonner ce vieil homme, pas que je m'inquiète pour lui, mais sa mort pourrait détruire Eiffor, alors qu'ils viennent à peine de se retrouver.

Nous sommes invités à entrer dans la cale de cette gondolfière, décorée avec goût, dans un art elfique d'une qualité incomparable. Je suis troublée d'être aussi proche de ma culture sans pour autant la reconnaître réellement. Des statues de marbre blanc garnissent le hall, antiques, sans doute âgées de 2000 ans si ce n'est plus. Un véritable trésor comme on en trouve plus. Je remarque un drap, dissimulant un panneau monumental, et sans réfléchir je tire dessus pour y découvrir un tableau magistral. Une cité immense, perdue dans une nuit sans étoile, qui semble se mouvoir par je ne sais quelle magie... Je reconnais le peintre, Vaodar Dahali, un maître parmi les maîtres. Un elfe doué du meilleur don de peinture jamais vu, et pourtant peu de ses œuvres sont connues et visibles. Je m'apprête à frôler du doigt la toile mouvante, irrésistiblement attirée par cette vision, quand une voix, douce et suave me retient :

« Oblivion. Elle s'appelle Oblivion. »

Je me retourne d'un bond et j'aperçois alors cet elfe et mon cœur rate un battement. L'elfe de mes rêves se tient devant moi, à quelques mètres. Sa beauté est incomparable, ses longs cheveux blonds ondulés descendant jusqu'à sa taille semble former une aura, son visage blanc et lisse souligne l'or de ses yeux dont le regard intense me fascine. Il plante ses prunelles dans les miennes quelques instants avant de balayer le reste de notre assemblée du regard. Aussitôt je ressens sa puissance, brillante, écrasante et pourtant si bienveillante. Il est bien millénaire malgré son apparence et porte à la hanche, sous sa cape à double agrafe d'argent, une épée sculptée dans la nuit. Je peux aujourd'hui avouer que je l'ai aimé au premier regard, comme jamais je n'ai pu aimer quiconque. Mais il ne s'agissait pas là d'un amour passionnel, mais bien d'un amour noble, inconditionnel. L'amour que pourrait ressentir un paladin pour son dieu, ou un chevalier pour son souverain. Je crois que je comprends mieux désormais ceux qui me disent servir une cause par amour, car je lui confierai ma vie s'il me le demandait. A ce moment j'ai su que j'aimerai Löne Khernos éternellement, j'en viens à me demander comment j'ai pu vivre tout ce temps sans ressentir le besoin le connaître, tant mon cœur battait fort. Je le suis, sans vraiment m'en rendre compte, trop fascinée par sa présence et notre guide nous accueille dans un bureau décoré et confortable. Nous invitant à nous assoir, il s'installe à son tour pour nous annoncer la raison de son appel. Je me sens happée par sa voix lorsqu'il entame son récit, buvant ses paroles

Les Mémoires d'Helledwen, l'Elfe de Sang. Chroniques d'OblivionOù les histoires vivent. Découvrez maintenant