Chapitre 8 "Je suis un Empereur"

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J'avais chaud. Trop chaud. J'entendais Débrios s'affairer dans mon dos, alternant entre la chambre de Valkin et les autres pièces de la villa. Quant à moi je dois offrir un spectacle affligeant, je suis assise, ou plutôt avachie sur la méridienne, la tête en arrière mes yeux fixant le plafond comme si j'y voyais quelque chose de particulièrement captivant alors que tout autour de moi se trouvaient des parchemins et des rouleaux négligemment déposés ou repoussés : des croquis plus ou moins réussis des visages de mes parents, des notes, des gribouillis, une vague tentative de restituer les paroles d'une élégie elfique qui m'était revenue en mémoire... et surtout ce maudit texte, écrit dans cet elfique archaïque. Il faudrait que j'en parle au groupe, ça les concerne aussi désormais. D'ailleurs où étaient-ils encore ? cela fait plus de trois heures qu'ils auraient dû me contacter pour les rejoindre et pas la moindre nouvelle. Débrios passa une nouvelle fois à côté de moi, jetant un regard intrigué aux documents sans pour autant s'y intéresser réellement. Faisant craquer mes épaules en étirant mes bras et mon dos, je me redressais, rassemblant les documents pour les coincer dans entre les pages et la couverture du maigre manuscrit que je transportais et décidais de me rendre dans la chambre de Valkin. Une jatte d'eau encore mouvante indiquait que Débrios venait tout juste de la déposer avant de repartir, sans doute pour chercher un onguent, des sels ou n'importe quoi qui lui semblerait utile. Valkin était allongé, brûlant de fièvre, les muscles raides. Il s'agitait parfois comme pris d'un cauchemar avant de laisser choir mollement sa tête sur l'oreiller, sa voix passant faiblement la barrière de ses lèvres dans un gémissement. Saisissant les linges propres, j'épongeais son front, retirait sa chemise trempée de sueur pour lui rafraîchir la nuque et le dos, mais bien vite la serviette froide devint tiède. Les veinules noires de la plaie remontaient lentement pour lui manger la mâchoire comme d'ignobles pattes. J'entendis Débrios arriver dans mon dos, alors que je chantonnais une ballade, caressant les boucles blondes du garçon, ses yeux tressautant par instant, me laissant croire qu'il allait émerger de son inconscience. L'intendant se tenait dans l'embrasure de la porte, une nouvelle coupe d'infusion à la main qui diffusait une odeur de reglisse et de cardamome. Sans un mot il s'approcha du lit, s'asseyant sur la couche avant de glisser le bord entre les lèvres de Valkin. Le réflexe de déglutition fut aussi automatique que celui de régurgitation, et je passais une main derrière sa nuque pour redresser sa tête et lui éviter de s'étouffer alors que ses cils papillonnaient à l'aveugle. Au bout de quelques secondes de hoquets et de tremblements, son corps redevint mou et il sombra à nouveau l'inconscience moite de la fièvre. Débrios nettoya à nouveau le corps du garçon avant d'appliquer une graisse infusée de camphre sur son torse et lui revêtit une chemise légère qu'il laissa ouverte avant de me glisser en sortant de la chambre :

- La ville a décrété l'état de quarantaine. Les portes seront fermées avant la nuit.

Je restais un instant dans la chambre, guettant comme une mère inquiète le réveil de son enfant, mais le coma tourmenté le gardait jalousement dans ses bras, et mon seul espoir à cet instant fut qu'il ait des cauchemars d'enfant, et non des cauchemars d'horreur. Saisissant la jatte d'eau, je sortis de la chambre me dirigeant vers l'un des puits situés à l'arrière de la maison (chose rare, mais Malathor avait judicieusement choisi l'emplacement de sa villa, bénéficiant d'une source d'eau fraîche au Nord, mais aussi d'une source chaude passant sous les bassins au Sud de la villa qui je suppose provenait du volcan d'Anthéone). Il avait également un jardin botanique, garni de fleurs odorantes et de quelques plantes tant aromatiques que médicinales courantes. Je saisis un brin de Thym pour ses propriétés assainissantes, des fleurs de Tilleul qui m'avaient déjà prouvé qu'elles étaient utiles en cas de fièvre et celles de Camomille pour apaiser. Je ne trouvais ni Aconit ni Saule malheureusement mais j'espérais que les plantes qui m'avaient si souvent aidé pendant mes années en ermite se montraient aussi efficace sur Valkin. Je ne prétendais pas avoir des connaissances en médecine, mais un peu d'herboristerie ne fait jamais de mal. Nettoyant les brins, je les laissais infuser dans l'eau tiède quand une série d'acouphènes vint me saisir les tympans, signe que j'allais bientôt entendre la voix de Tess :

Les Mémoires d'Helledwen, l'Elfe de Sang. Chroniques d'OblivionOù les histoires vivent. Découvrez maintenant