Chapitre 1 Melrioch

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Mon bras gauche ne me fait plus souffrir, mais je constate rapidement en l'observant, qu'il n'est plus le même, couvrant désormais de ses symboles maudits ma paume mais aussi mon bras et mon épaule, dans un mélange de rouge sombre et de noir. J'entends grommeler autour de moi, Koora émerge doucement de son sommeil, Vy bouge. Sans réfléchir je me lève et me précipite vers la sortie, je ne suis pas encore prête à leur faire face après ce qui s'est passé... couverte de sang, de poussière et de ce fluide doré qui tache ma tunique de cuir déchirée j'arrive sur le pont : face à moi les aéromarins se figent, le premier devant moi m'observe avant de s'exclamer « mais vous êtes là !! ça fait cinq semaines que vous avez disparu ! » la lumière du soleil m'éblouit mais je constate que nous sommes arrimés au sol, une seconde gondolfière blanche et or est à côté de la nôtre, un ponton reliant les deux bâtiments de navigation. Cinq semaines... cinq semaines que nous avons disparu, soit six jours enfermés dans ces cocons. Je distingue mal ce qu'il me dit, ma tête bourdonne et je me sens faible. Je lutte contre l'inconscience quand j'entends l'homme en face de moi prononcer le nom de Fan'goriah, qui visiblement s'apprête à débarquer. Merde. Sans écouter la suite de ce qu'il me raconte, je fais demi-tour, claquant la porte. Merde ! Je ne peux pas me présenter devant Fan'goriah, impossible. Dès qu'elle verra ce que je porte en moi, je serai traquée par l'Inquisition et ça c'est hors de question ! je dois vite m'enfuir, je leur ferai parvenir une lettre pour m'expliquer, quitte à les retrouver plus tard. J'entends la voix rauque de Koora qui m'interpelle « où tu crois aller comme ça ? ». Et merde ! visiblement elle a plutôt bonne mémoire de ce qu'il s'est passé, je ne peux clairement pas rester maintenant. Vy baragouine quelque chose, content de me voir ou quelque chose comme ça... Bon lui n'a pas toute sa tête. Je range mes affaires en hâte, vérifiant mes dagues dans leurs harnais, calculant qu'avec les rations actuelles je devrais tenir un peu moins de dix jours, le temps de me remettre en chasse et de trouver une planque. Fermant mon paquetage, j'entends une voix familière se plaindre du bruit, tournant ma tête vers Eiffor qui se lève péniblement, je croise son regard et je baisse le mien en serrant les dents. J'espère qu'il comprendra. Sans écouter la voix de Koora j'appuie sur la poignée, prête à courir malgré mon vertige mais devant moi se tient la seule personne capable de me stopper, la seule pour qui je suis incapable de partir. Putain de merde. De sa voix claire, un sourire sur les lèvres, j'entends Valkin se réjouir de me revoir, je sens ma détermination s'évaporer en sentant ses bras autour de ma taille, mon paquetage glisse le long de bras avant de choir mollement au sol, et en fermant les yeux je plie mon buste, cale une main dans son dos pour le garder quelques secondes contre moi. Je ne peux pas partir, pas comme ça. Je tente maladroitement de garder mon bras gauche marqué en arrière. Vy et Koora se sont relevés, Valkin s'écarte pour retourner sur le pont, son sourire radieux me fait frémir de peur. Je suis dangereuse, trop dangereuse pour rester, mais trop lâche pour partir. Koora referme la porte de la cabine, s'interposant de toute sa stature entre moi et la sortie, elle me fusille du regard. Et pour la première fois de ma vie j'ai peur, tellement peur d'eux, de ce qu'ils vont dire et penser. Bien entendu le sermon ne se fait pas attendre, si Vy se montre compréhensif et joyeux de me revoir, qu'importe que je sois possédée par un démon, tant que je suis en vie, Koora elle me reproche de nous avoir caché ça, formulant clairement l'idée que je suis un ravageur, et si elle avait eu sa javeline à portée de main, je pense qu'elle m'aurait empalée sans hésiter. Tess grogne à son tour, mais ne dit rien, alors qu'Eiffor nous rejoint, silencieux. Je suis appuyée contre un panneau de bois, cernée par Koora qui m'empêche de sortir, Eiffor et Vy derrière moi. Je tente sans grand succès de retenir la panique dans ma voix quand je leur explique que je n'en savais rien que je n'ai jamais rien ressenti, que cette voix dans ma tête était sans doute l'œuvre de l'Ecorcheuse... cela semble les convaincre, Vy me sourit toujours, Koora fronce les sourcils mais je sens qu'elle se relâche, Eiffor me regarde, blême. Mon paquetage à mes pieds, je leur dis alors que nous avons disparu depuis cinq semaines et que Fan'goriah débarque actuellement sur notre gondolfière. Opinant tous du chef, après un silence pesant, nous nous tournons vers la porte pour monter sur le pont, mais celle-ci s'ouvre sur une haute silhouette vêtue d'une robe blanche, les cheveux blonds coupés courts, un léger sourire au visage, la prêtresse d'Aliana nous dit de sa voix posée « Ah ! Vous êtes là ».

Les Mémoires d'Helledwen, l'Elfe de Sang. Chroniques d'OblivionOù les histoires vivent. Découvrez maintenant