Chapitre 9 la Promesse

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Je me réveillais moins de deux heures plus tard à en juger par la lumière qui filtrait à travers les rideaux blancs... au vu du silence dans la villa, nos trois compagnons n'étaient pas encore revenus. Je ne vis ni Débrios, ni Eiffor en parcourant les couloirs, j'avais la tête bourdonnante comme un lendemain de beuverie sans tous les autres effets d'une telle nuit. J'avais chaud, je me sentais fatiguée mais au vu de ce que je venais de faire ce n'était pas étonnant. Entre le réveil en catastrophe, la difficulté à trouver un sommeil réparateur, le fait d'avoir puisé de l'énergie que je n'avais pas vraiment, et surtout n'avoir rien mangé depuis le coucher du soleil de la veille, je n'étais pas vraiment surprise de mon état plutôt second. Passant par le salon principal, je saisis une pomme dans une corbeille de fruits et la dévorais rapidement. Le silence était pesant, presque lugubre, comme si la villa avait été abandonnée au profit du vent chaud qui s'engouffrait par moment. Passant une nouvelle section de couloir je reconnus Débrios de dos, affairé dans la cuisine à trancher un morceau de viande qui serait sans doute servi au déjeuner. Je ne m'étais toujours pas habillée depuis le réveil initial, ma chemise était toujours négligemment délacée sur ma poitrine, rentrée dans mon pantalon de cuir, et j'étais toujours pieds nus. J'eu ce reflexe de palper mes cuisses pour sentir le contact rassurant de mes dagues, et en baissant la tête je constatais que je n'avais pas non plus tressés mes cheveux qui étaient désormais lâches, tombant sur mes épaules en de lourdes ondulations à la blancheur argentée. J'étais particulièrement négligée aujourd'hui il fallait l'avouer, mais j'imagine que Débrios ne s'en formaliserait pas et Eiffor m'avait vue dans des états bien pires que ça... J'arrivai enfin à la chambre de Valkin, et de la porte je pouvais entendre son souffle rauque et saccadé.

En entrant je m'installais sur le bord du lit et passait ma main dans ses cheveux trempés de sueur. La plaie noire qui fleurissait hier sur sa mâchoire avait désormais atteint la commissure de ses lèvres, comme un territoire que l'on conquit lentement sans s'en rendre compte. Ses yeux tressautaient sous ses paupières, parfois accompagnés de tremblements, parfois d'un râle faible. J'étouffais une bouffée d'angoisse, et pourtant je ne pus m'empêcher de me mordre les lèvres... tout allait trop loin. Depuis dix sept ans je vivais recluse, sans accroc notoire si l'on fait exception de cet instant où un assassin a bien failli m'avoir en me laissant plus morte que vive. En quête de réponse, j'avais rencontré l'Elfe qui devait nous guider, mais qui finalement n'aura eu que quelques heures pour nous apprendre trop peu de choses, je l'avais tué de mes mains dans l'espoir de le libérer, me laissant un deuil et des remords constants. J'avais recueilli Valkin comme une rédemption, il était devenu mon étoile, celui qui me rendit courage et espoir. Puis tout allait très vite, la compagnie, la quête, les liens qui se tissaient avec le groupe, mon amnésie toujours présente... Et là, en deux mois, je découvrais que j'étais habitée par un démon d'abord, devenu Prince, puis Empereur. Je découvrais que je descendais d'une lignée d'Elfes liés à Oblivion, directement ou indirectement, puis que mon père était celui qui m'avait imposé ce démon sous le nom de Drar'an, sans réellement savoir ce qu'il était et qui il était. J'avais été en Oblivion, j'avais affronté l'Ecorcheuse et ses monstruosités, puis Drar'an, m'opposant à mes cauchemars, mes souvenirs diffus et mes traumatismes apprenant que celui que je considérais comme un père n'était peut-être pas aussi digne de confiance que je le croyais. J'avais accepté mon sang, ma race, que j'arborais désormais comme une fierté. J'apprends ce matin que je ne suis qu'un outil, celui d'une destinée qui doit s'accomplir, tandis que mon étoile s'éteint devant mes yeux un peu plus chaque jour et que moi-même je me sens faiblir à mesure que sa lumière disparaît, touchée par ce même mal, noir et perfide qui s'insinue en nous. J'avais mal au fond de moi et j'avais peur de ne pas tenir, de ne pas être capable de tenir le serment que j'avais fait en mémoire de Löne. Je me sentais si faible, si impuissante, j'allais sûrement mourir bêtement, d'une maladie inconnue qui me réduirait à mon état le plus primal, qui effacerait tout trace de ma conscience jusqu'à ce que mon cœur se suicide. Alors j'écrirais, tant que je le pourrais, pour ne pas oublier et ne pas être oubliée, et quand je pose mes yeux sur Valkin, j'espère qu'il sera un jour capable de se lever et de lire mes parchemins, de comprendre tout l'amour que j'ai pour lui, de me pardonner si je ne peux plus l'accompagner, si je venais à devoir l'abandonner.

Les Mémoires d'Helledwen, l'Elfe de Sang. Chroniques d'OblivionOù les histoires vivent. Découvrez maintenant