vingt.

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Salam.

On roulait depuis des heures déjà, j'étais fatiguée mais refusais de m'endormir. Je ne sais pas ce qui peut arriver, je regarde les panneaux défiler... on est sur l'autoroute je crois que Badr fais le chemin inverse pour se rendre jusque chez moi.

En milieu d'après-midi nous entrons dans la ville. Badr arpente les rues de façon naturelle pendant une bonne trentaine de minutes avant de se garer devant une vieille maison, au bout d'un long chemin forestier.

A cet instant je n'avais plus la force pour émerger un quelconque son de voix, mes larmes coulaient simplement le long de mon visage.

- Badr s'il te plaît.. je te le demande une dernière fois...

Badr - ...

- je veux juste revoir ma famille...

Badr - on est arrivé.

Il est descendu et m'a également fait descendre de force. Nous avançons jusqu'au devant de la maison où il sort d'ailleurs un trousseau de clef pour pénétrer dans celle-ci.

Un premier pas à l'intérieur et je croise le regard ténébreux de Samir. Jamais je ne l'avais encore vue dans cet état. Il semblait fou de rage intérieurement, débordant d'une colère prête à exploser.

- monte me dit-il d'un ton autoritaire.

Et c'est sans négociation ou un semblant d'échange que j'exécute. J'ai eu peur, très peur du ton qu'il employait. Et en enjambant les marches jusqu'à l'étage premier, c'est comme si je connaissais l'enfer qui m'attendait. Chaque pas était lourd, et représentait le chemin vers la privation de liberté.

Hafsa Sy n'était plus seulement victime d'amnésie, elle était désormais prisonnière.

[...]

Samir - je t'ai tout donné Hafsa tout une vie de rêve une maison de l'amour des cadeaux de l'attention, j'ai tout mit à ta disposition Hafsa !

- ...

Samir - C'est quoi ton problème ? Pourquoi tu ne te contentes pas de ce que tu as ?!

- ...

Samir - j'ai consacré les dernières années de ma vie à te couvrir de tout qu'il fallait !

- je ne t'ai jamais rien demandé moi Samir...

Samir - FERME TA GUEULE ! tu n'as jamais dis non quand tu recevais !

- je croyais que tu le faisais pour me faire plaisir...

Samir - FERME LA ! c'est comme ça que tu me rends ce que j'ai construit. T'avais qu'une chose à faire putain !

- je voulais juste revoir ma famille.

Ma petite voix atteigne son oreille. Il rit.

Samir - non Hafsa ce que tu as fait là c'est signer ta perte, tu ne reverras personne.

Mes larmes se remettent à couler, je le supplie de me laisser ma liberté.

Samir - à partir d'aujourd'hui tu ne sortiras plus ni travail ni voisine.

- Samir...

Samir - la la la j'ai pas finit, pas de famille encore moins la mienne pas de téléphone tu vas rester gentiment dans cet appartement pendant que j'irai vivre avec Sarah.

Je n'arrêtais pas d'essuyer mon visage et mes yeux, inondés de grosses gouttelettes de perles salées.

Samir - pleure tu as raison ta vie est misérable mais c'est toi qui l'a voulu c'est toi qui ne m'a pas écouté.

- tu ne peux pas me dire ça...

Samir - je peux et je le fais Hafsa, tu n'as pas de famille pas d'amis c'est moi qui te contrôle c'est moi qui décide ce que je fais de ta vie, si tu tiens encore sur tes deux jambes c'est parce que j'ai décidé de ne pas te les couper.

- ...

Samir - si tu respires encore c'est parce que je n'ai pas encore posé mes mains autour de ton putain de cou pour t'empêcher de le faire.

Ses paroles sont horribles je ne le reconnais plus il n'est plus celui qui m'étouffait de compliments quand il me retrouvait après une longue journée de travail. Il n'est plus juste, ni droit il est horriblement méchant, son regard s'est assombri et il y a cette chose sur son visage... cette lumière qui disparait et son sourire tournant au dramatique. Mais, est-ce seulement son masque qui tombe ? ou toutes ses couches de maquillage qui le révèle peu à peu ?  

- ce n'est pas toi Samir ce n'est pas toi...

Samir - *rires* et tu penses que c'est qui ? ressaisi toi ma grande tu vas vivre un enfer ici, tu demanderas à Dieu de te prendre la vie tellement elle sera dure à vivre.

- pourquoi ? ya Allah pourquoi tu es devenu comme ça ?!

Samir - c'est de ta faute Hafsa j'ai gâché ma vie par ta faute.

- pardonne moi si un jour je t'ai fait du mal pardonne moi si je t'ai fait souffrir mais ne me fais pas ça s'il te plait.

Samir - bonne nuit.

Il quitte la pièce et ferme derrière lui. Je passe la nuit à implorer Allah. Je ne comprends plus rien à ce qui se passe, ma vie n'avait déjà pas assez de sens jusque là mais je la comprends encore moins aujourd'hui. Je suis vouée à ne pas respirer pleinement, à ne pas vivre en dehors de la fausse sécurité d'un tiers. Je suis fatiguée, cette vie m'épuise.

Et si je disparaissais ? si je m'en allais éternellement ? je n'aurais plus à me torturer l'esprit, je ne serai plus le soucis de Samir. Il n'y aura plus de Badr, de frères Belgacem ou de Scorpion, plus de fille à la mémoire perdue. Je ne manquerai à personne ni même à celui avec qui j'ai partagé ma vie ni même avec ceux qui m'ont connu bien avant.. ils m'ont sûrement déjà tous oubliés.

Je suis à bout ce soir je suis sans vie. C'est comme si j'étais au mitard, pas seulement en prison mais aussi, dans cette cellule où tout est restreint.

Emprisonnée dans ma propre vie, destinée à mourir étouffée par mes propres pensées. Comment s'était-on rencontré vous et moi ? Je vous parlais au départ de ma meilleure amie syrienne et de la petite famille que j'avais imaginée. Faut croire qu'ils ne me quitteront jamais, ils seront toujours là dans un coin de ma tête et joueront un rôle à chaque fois que je me retrouverai seule c'est à dire là maintenant à l'instant même où je vous parle.

Sira me dit de tenir le coup pendant que Naya m'a petite sœur imaginaire semble peinée de me voir dans un tel état. Je verse des larmes en pensant à elle, je vais devenir folle à penser qu'ils existent, je vais devenir folle et là seulement Samir aura eu raison de moi.

-

Hafsa.

Disparue - HafsaOù les histoires vivent. Découvrez maintenant