Trente-deux.

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Salam.

Une de mes parties favorites.

Je vais le faire je suis enfin prête je vais sauter du haut de ce toit. Je ne suis pas capable de vivre en assumant ma vie. En assumant ce que je sais, en sachant ce qu'on a fait de moi. Comment je vais pouvoir un jour poser à nouveau les yeux sur moi-même ? Je ne peux même pas me tenir debout face à un miroir. J'ai honte de mon corps j'ai honte de ces souvenirs et de ces cauchemars. Je n'assume pas et je ne peux pas le faire.

Pour l'occasion j'ai décidé de m'habiller en blanc. J'ai choisi ma plus belle robe blanche et un voile magnifique qui vient de Turquie. Je me suis même maquillée haha et j'ai retiré mes belles sandales pour me retrouver pieds nus debout au bord du toit. Il pleut mais je souris je n'ai pas peur je suis heureuse. Je vais enfin pouvoir oublier toutes ses souffrances. J'adore le cadre, il fait gris c'est un dimanche le tonnerre gronde les nuages ne laissent passer aucun rayon de soleil. Et il y a moi debout prête à le faire. Et je vais le faire ! je regarde au loin on a une belle vue d'ici je suis contente que mon dernier tableau soit aussi représentatif de ma vie. Gris.

Il n'y a plus aucun bruit. Je ferme les yeux et apprécie le léger vent frais sur mon visage lumineux. Puis je me laisse tomber en avant. Il ne s'est passé qu'une demi seconde ou peut-être moins avant que mon corps ne stagne. J'ouvre les yeux et je suis toujours en vie. Mon corps est maintenue dans le vide d'ailleurs mes pieds sont toujours posés sur le bord du toit. J'ai vu sur le goudron mouillé et sur cet homme qui me regarde suspendu dans le vide les bras grands ouverts avec probablement plus de vingt mètres qui nous sépare.

Je me sens tirée en arrière et très vite je retombe sur les fesses. J'en veux à celui qui m'a empêché de mourir librement. Je me laisse tomber au sol et fixe le ciel. Mes larmes coulent en même temps que les gouttes atteignent mon visage. Suis-je triste par-ce que je suis toujours en vie ? ou par-ce que j'en suis arrivée au point de vouloir ma mort ? En tout cas elle ne me fait pas peur, la mort.

- TU ES FOLLE ! T'ES INCONSCIENTE !

Je suis coupée dans mes pensées par des cris, les cris d'un homme enragé.

Il finit par apparaitre au-dessus de ma tête. Il a l'air en colère, très en colère. Mais je le trouve beau. Ses lèvres ses traits ne me laissent pas indifférente ; ses gestes brusques lorsqu'il me secoue ne m'empêchent pas de le trouver beau non, il l'est visiblement dans toutes les circonstances. Je ne l'avais encore jamais vu dans un état pareil.

Ouh ! la claque que je viens de recevoir m'a réveillé.

- ça fait mal.

- c'est tout ce que tu trouves à dire ?!

- j'étais en train de me dire que la beauté ne te manque pas.

Il me lâche.

- ressaisis toi Hafsa.

- je n'aime pas quand tu prononces mon nom de cette façon.

- je ne serai pas toujours là pour te rattraper.

- tu n'avais pas à le faire.

- tu veux te donner la mort maintenant ?

- à quoi bon rester ? je suis utile en quoi ici ? tout ce que je touche finis par me détruire, chaque fois que je crois avancer en fait je m'enfonce.

- t'as fini ?

- je manquerai à personne si je disparais.

- si, tu manqueras sûrement à quelqu'un.

- à qui ? je n'ai personne.

Il expire.

- à moi, tu m'as moi.

Je lève le regard vers lui. Regard qu'il fuit.

- tu dis ça pour me rassurer tu l'as déjà dis je te fais chier.

- à ta manière et c'est pour ça que je tiens à toi.

- Djibril...

Il ne me regarde même pas mais se lève et marche en direction de la porte.

Djibril - je t'attends en bas.

- qu'est-ce qui t'assure que je te rejoindrais pas directement en sautant ?

Djibril - rien.. mais je sais que tu le feras pas.

Il ferme la porte derrière lui.

Il n'avait pas tord. L'adrénaline est redescendue je suis maintenant en bas de l'échelle. Je me lève, ramasse mes chaussures et dévale les huit étages. Dans le hall d'entrée je croise l'homme qui me fixait sans réagir quelques minutes auparavant lorsque j'étais suspendue dans les airs.

Il me sourit avant de disparaitre derrière la porte des escaliers.

Je grimpe dans la voiture de Djibril. Il démarre à peine après que j'eusse bouclé ma ceinture.

- où est-ce que tu m'emmènes cette fois ?

Djibril - là où tu peux prendre une douche et te nourrir.

Je pose ma tête contre la vitre pour observer le paysage.

[...]

Sortie de la douche j'enfile une longue robe puis attache mes cheveux en un chignon bas avant de me couvrir d'un voile brun. Je rejoins Djibril dans le salon où il m'attend pour manger.

Il me regarde avancer jusque lui sans prononcer un seul mot. 

- oui ?

Djibril - je.. non rien.. cette couleur te va bien.

- merci.

Djibril - viens assieds-toi et mange.

Je me joins à sa table et mange ce qui m'a été servit dans le silence le plus complet.

Djibril - il va falloir qu'on parle de ce qu'il s'est passé.

- tu vas me faire la morale et je vais faire mine de t'écouter.

Djibril - non je voulais juste te traiter librement d'égoïste mais merci pour ta franchise.

- moi ? égoïste ?

Djibril - oui toi t'as pensé qu'à ta gueule du haut de ce toit.

- et toi t'as pensé à moi quand tu m'as retenu ? ou tu voulais juste pas avoir ma mort sur ta conscience ?

Djibril - tu vois quand t'es comme ça la je te supporte pas t'es ingrate.

- la vie ne m'a pas fait part de sa gratitude non plus, désolée d'avoir souffert.

Djibril - t'es pas la seule à souffrir et si on se mettait tous à sauter il y aurait plus personne sur terre.

- j'assume mes choix.

Djibril - peut-être mais tu nous obliges aussi à les accepter, quand t'étais en haut t'as pensé à Selma à Sabri ou à ceux qui te cherchent depuis des années ?

- ...

Djibril - j'ai dit que j'allais pas te faire la morale mais putain Hafsa tu m'énerves.

- je veux pas qu'on se dispute Djibril s'il te plait.

Djibril - tu vas me faire devenir fou.

- tu sais ce que je t'ai dit tout à l'heure je le pensais vraiment.

Djibril - dis quoi ?

- je te trouve vraiment beau.

Djibril - arrête ça.

- quoi ? je rêve où ça te gêne ?

C'est amusant de le voir fuir mon regard.

Djibril - mange ça va refroidir.

- *rires* ... merci pour tout Djiby.

Merci à lui.

-

Hafsa.

Disparue - HafsaOù les histoires vivent. Découvrez maintenant