Huit.

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Salam.

Cette nuit là j'étais pour la première fois chargée de fermer le magasin avec Nadia, ma responsable. Alors que le soleil s'était couché depuis une heure on boucle notre journée en tirant les rideaux de fer.

Après s'être salué Nadia et moi faisons chemin à part. Je passe mon appel à Samir qui me répond avoir un léger retard. Je l'attends alors dans la longue allée où certaines boutiques sont encore ouvertes. Soudain, un homme s'approche. Il est vêtu d'un sweat noir et d'un pantalon de survêtement de la même couleur.

- bonsoir.

Je suis prise de panique mais essaie de répondre le plus naturellement possible.

- bonsoir.

- vous attendez quelqu'un ?

- oui.

- je suis Sofiane on s'est déjà vu à plusieurs reprises.

- ah oui ?

J'ai du mal à voir son visage mais sa voix semble effectivement familière.

Sofiane - oui je suis un fidèle client de l'enseigne.

- ah oui je vois qui vous êtes, vous avez besoin de renseignement ?

Sofiane - oh non laissez votre travail est finit une fois que vous franchissez cette porte.

- oui c'est vrai... alors en quoi je peux vous aider ?

Sofiane - je passais juste par là et j'ai eu envie de vous parler en vous voyant.

Mon téléphone sonne, une photo de Samir et moi apparait sur l'écran avec un coeur rouge en nom de contact.

- je dois répondre je suis désolée.

Sofiane - pas de soucis, bonne soirée.

Il disparait rapidement en enfilant sa capuche. Je ne sais pas ce qu'il me voulait et bien qu'il n'avait pas l'air méchant, je me méfie. Merde ! j'ai raté l'appel de Samir. Je le rappelle aussitôt.

- oui Samir ?

Samir - je suis dans la ruelle t'es où ?

- j'arrive.

Je le rejoins rapidement et nous remontons en voiture.

Samir - pourquoi t'as pas répondu la première fois ?

- quelqu'un est venu me parler j'ai raté ton appel.

Samir - il te voulait quoi ?

- je sais pas trop j'ai pas bien compris il est vite partit.

Samir - il t'a dit comment il s'appelait, tu sais à quoi il ressemble ?

- non j'ai pas pu voir son visage..

Il a l'air stressé et énervé en même temps.

- Samir...

Samir - c'est rien c'est juste que... c'est dangereux il aurait pu t'arriver quelque chose.

- je sais mais il n'avait pas l'air dangereux et puis je t'attendais...

Samir - ils ont jamais l'air dangereux Hafsa et pourtant ils le sont.

Le ton qu'il vient d'emprunter est légèrement haussé.

- je sais je suis désolée.

Samir - *expire* ne t'excuse pas c'est pas de ta faute je suis désolé.

- c'est rien.

On rentre chez nous dans le silence complet, il semble troublé par quelque chose. 

Quant à moi cette soirée là je me suis demandée pourquoi j'avais caché le nom de cet homme à mon mari. Sofiane, pour une fois ce nom ne me paraissait pas familier mais j'ai comme l'impression que nos chemins seront amené à se recroiser.

-

Comme je l'avais prévu et anticipé, deux semaines plus tard Sofiane passa à ma caisse.

Durant ces deux semaines je n'ai pas arrêté de penser au soir où il était venu m'adresser la parole. Je ne sais pas pourquoi cette simple interaction qui ne dura que quelques petites minutes colonisait autant mon cerveau. Ce n'était qu'un client régulier que je croisais au hasard près de la devanture de notre magasin. Peut-être était-ce la façon dont il s'était tenu, détendu, comme s'il s'attendait à me voir ici qui me préoccupait. Ou encore la réaction démesurée de mon mari qui m'interrogeait.

- Sofiane c'est ça ?

Il sourit et récupère son article.

Sofiane - passe une bonne journée Hafsa.

Je n'ai pas su répondre à ceci je suis restée stupéfaite quant à la fin de sa phrase et à la manière dont il avait prononcé ça.. comment connaissaît-il mon nom ? Je suis presque sûre de ne pas lui avoir donné. J'encaisse d'autres clients en essayant de garder mon sourire au visage, mais la journée fut longue et difficile à terminer.

Un tas de questions fusaient dans ma tête depuis que ce dénommé Sofiane était venu à ma rencontre, il agissait comme quelqu'un qui me connaissait. Mes milles et unes craintes de l'inconnu disparaissaient peu à peu, mais beaucoup trop rapidement, pour laisser place à des questionnements. Je commençais à me dire qu'il n'agissait pas comme s'il me connaissait en tant que vendeuse mais qu'il en savait peut-être plus sur moi. C'est sûrement l'intrigue et l'envie de me redécouvrir qui prennent le dessus sur moi.

Ma conversation avec Sabri me revenait aussitot, et moi qu'est-ce que j'en pensais ? du fait de vivre sans souvenirs ? plus les questions se posent et plus j'ai l'impression de trahir Samir.

[...]

À la maison je sentais Samir différent depuis un certain temps, à vrai dire depuis la fois où je lui avais dit que cet homme est venu me parler il semblait soucieux. J'ai d'abord attendu une semaine avant de lui en parler car plus les jours passaient et plus il avait des moments d'absence et des réactions nerveuses. Le soir où j'ai abordé le sujet il m'a dit qu'il s'inquiétait par rapport au travail puisque la vente d'appartement diminuait mais je savais, je savais qu'il mentait puisque ce mois-ci il avait effectué plus de ventes qu'habituellement.

Alors j'ai commencé à croire que c'était en lien avec Sofiane et je me suis dis qu'il avait peut-être des problèmes avec ce dernier et que sa venue n'était qu'en fait pour m'intimider et intimider mon mari. Mais j'ai abandonné l'idée sans preuves. L'idée est d'autant plus farfelu.

Je me suis sentie triste. Triste de savoir que Samir pouvait mentir en plongeant son regard dans le mien. Triste de voir à quel point il avait si naturellement trouver une excuse. Qu'avait-il de si important à cacher pour me mentir sans vergogne.
Et puis il avait prit ce ton d'homme peiné ; c'est comme si j'écoutais et voyais que dis-je, observais un acteur jouer le rôle pour lequel il était payé. L'expression de son visage, ses gestes, ses soupires... lui qui répétait qu'il ne savait pas mentir venait de démontrer le contraire.

" je suis désolé Hafsa je sais que je t'avais promis un deuxième week-end en Italie mais je sais pas si ça va pouvoir se faire" m'a-t-il dit en baissant la tête. Et moi, pour ne montrer qu'en aucun cas je le soupçonnais de mentir j'avais répondu que ce n'était rien de grave, au contraire qu'on serrera la ceinture ce mois-ci et que je travaillerai deux fois plus s'il le faut.

...et toi, qu'est ce que tu en penses ?

-

Hafsa.

Disparue - HafsaOù les histoires vivent. Découvrez maintenant