Ensemble

Le 8 novembre 2020

Muni de son masque Laure arriva devant l'interphone de l'immeuble à l'heure convenue, pressa le bouton numéro dix-sept. Dans la seconde qui suivit, la porte d'entrée s'enclencha accompagnée d'un rapide « Bonjour Laure, monte ! ». Laure se pressa donc d'entrer en remerciant Marie-Noëlle une octave plus haute. 

Elle monta dans l'ascenseur et parvint au quatrième étage. Au moment où elle dirigea son doigt sur la sonnette, la porte s'ouvrit en grand. La mère de Julie l'accueillit d'un énorme sourire du moins qu'elle imaginait, car ses yeux sont légèrement plissés.

- Bonjour !

- Comment vas-tu Laure ?

- Très bien et vous ?

- Oui merci bien. Entre voyons, je t'en prie !

- Merci.

- Je te laisse te mettre à l'aise, tu connais la maison.

- D'accord.

Ce n'était de loin pas la première fois que Laure mit les pieds dans cet appartement, qui n'était pas très grand, mais suffisamment fonctionnel et cocooning. Laure accrocha son blouson et son bonnet dans le petit hall à l'entrée et rejoignit la mère de Julie dans le coin salon composé également d'un espace de cuisine ouverte.

- Du café, du thé ou autres choses ? proposa Marie-Noëlle.

- Hum du café, s'il vous plaît.

- Très bien. Installe-toi sur le canapé, j'arrive.

Laure obéit gentiment et s'assit confortablement devant la télévision, qui était allumée sur C8 la chaine des animaux.

- Ils sont tellement mignons ces petites boules de poils, releva Marie-Noëlle en s'approchant.

- En effet, ça donne envie d'en adopter de suite.

- Une envie de Julie depuis peu.

- Ah oui ? s'étonna Laure.

- Oui oui, elle m'en parlait même avant son hospitalisation.

- Ah d'accord. Je n'en savais rien.

- Tiens ton café et voici de petits cookies faits maison, dit Marie-Noëlle en servant Laure.

- Merci, des cookies !? s'extasia Laure. J'adore ça ! Et particulièrement les vôtres.

- Je sais, Julie m'en avait fait part.

Laure croqua sans hésitation dans un des cookies faits avec amour. Puis, remarqua l'absence du père de Julie.

- Alain n'est pas là ?

- Si si, il va revenir. Il est parti acheter un nouveau set de pompe de douche et un sèche serviette que Julie souhaitait installer.

- Ah d'accord.

- Autant s'occuper des choses à réparer et à installer maintenant, c'est l'occasion.

- C'est sûr.

- Bien dès qu'on aura fini, je te propose de t'occuper de la chambre et moi de cette partie. Ça te va ?

- Très bien, sourit Laure.

Dès qu'elles eurent terminé leur petite parenthèse, Laure entra dans la chambre de Julie avec nostalgie. En effet, cette dernière n'y avait plus mis les pieds depuis fort longtemps. La dernière fois remontait à cette fameuse soirée d'anniversaire de son amie durant leurs années universitaires. Une fois tous les invités partis, elles se retrouvèrent plus que toutes les deux l'une face à l'autre allongées dans ce même lit, dans l'obscurité calme de la nuit. Laure se souvint des yeux bleus étincelants de la blonde encore dans l'euphorie de la soirée. Elle-même dessoulait lentement. Une envie folle lui prit de vouloir l'embrasser, mais au dernier moment la brune se défila. D'autant qu'à cette époque, Julie était en couple et semblait heureuse.

Depuis la brune s'était promis de s'interdire ce genre de sentiments envers son amie, qui méritait bien plus qu'une personne telle qu'elle, pensa-t-elle. Relayant ainsi son attirance aux oubliettes et se concentra plutôt sur l'amitié entre elles, qu'elle estimait bien plus précieuse.

Munie d'un seau savonneux et d'une chiffonnette, Laure avait pour objectif de tout faire briller, s'attaquant donc d'abord à la table de chevet en bois où s'y trouvaient posé un réveil et une pile de livres dont le premier s'intitulait « Regarder au-delà » de Clémence Albérie. Laure sourit en lisant le résumé, forcément un roman lesbien ! Julie devait dévorer deux à trois livres par semaine, une vraie croqueuse de pages. La table de chevet nettoyée, elle s'occupa de la commode face au lit. Elle s'arrêta nette devant ce qu'elle découvrit, tout plein de photographies joliment accrochées au mur. L'ensemble formait comme un joli tableau coloré.

Laure s'approcha un peu plus, y observa Julie poser en présence de ses parents et ses cousins pendant des fêtes familiales. D'autres, des souvenirs de Julie avec ses collègues durant leurs sorties ou au sein du service portant le masque. Tous fières de se battre pour tenir. Puis, quelques autres où Julie se trouvaient avec des amies que Laure ne connaissait point. Et, ce qu'elle vit lui fait chaud au cœur. Julie y avait aussi accroché tous les selfies de leurs voyages qu'elles avaient effectués ensemble depuis qu'elles se connaissaient. Elles s'étaient découvertes la même passion des voyages et surtout des mêmes destinations souhaitées. Des compagnons de route destinés à se rencontrer, pensa Laure.

La brune s'impatienta de revoir la blonde non plus à l'hôpital, mais chez elle bien au chaud. Elle passa ensuite l'aspirateur afin de faire briller le parquet. Puis, retira toutes les housses de lit et se dirigea vers la machine à laver le linge, situé dans la salle de bain. Laure fut surprise de voir Alain qui était en train de changer la pompe. Elle ne l'avait pas entendu revenir.

- Bonjour Alain.

Il se retourna et répondit :

- Oh Bonjour Laure, comment vas-tu ?

- Bien et vous ?

- Ça ira mieux si j'ai un peu de chance et que ça tient correctement.

- Ah...c'est certain, répliqua Laure qui mit la machine en route.

Puis, elle partit remettre l'aspirateur à sa place, à savoir dans un re coin du salon Et en profita pour proposer à Marie-Noëlle de l'aider à trier et à nettoyer le frigo. Marie-Noëlle accepta très volontiers. Elles discutèrent essentiellement de Julie petite et de ses caprices d'enfants. Finalement, le fait que la blonde obtienne toujours ce qu'elle désirait n'avait guère changé avec le temps. On pourrait dire qu'elle s'en donnait les moyens. Quand soudain...

Alain cria au secours.

Il avait besoin d'un coup de main afin de maintenir suspendu le sèche serviette. Laure se dévoua donc avec plaisirs. Ils terminèrent ensemble l'installation du sèche serviette. Quant à Marie-Noëlle, elle étendit le linge.

L'horloge marqua la fin de l'après-midi voire le début de soirée. Ils se quittèrent sans omettre de se donner rendez-vous dans deux jours.