Laure se préparait tranquillement à diner, quand d'un coup son téléphone se mit à sonner.
Le prénom « Marie-Noëlle », qu'elle vit afficher à l'écran, la ramena brutalement à la réalité. La main tremblante, elle appuya sur le bouton vert puis décrocha fébrile.
- Oui, allô ?
- Laure, c'est Marie-Noëlle. J'ai...j'ai une inquiétante nouvelle ..., dit-elle difficilement en reniflant.
- Dites-moi.
- ...Julie.
- Oui...
Pendant un bref instant, un silence s'installa, les yeux noisette de Laure commencèrent à s'humidifier.
- Son état ...se détériore, je crains le pire.
- Non, Non faut pas penser à ce genre de choses, répondit Laure en essayant d'être rassurante.
- Ma petite fille...dit Marie-Noëlle en recommençant à pleurer.
- Je sais bien...Julie est forte. Elle s'en sortira, j'en suis certaine.
- Et si...
- Il n'y aura pas de si, coupa la jeune femme.
- Oui, tu as raison, essayons de rester positives. Prions pour elle...
- Vous pouvez compter sur moi.
- Je sais. Elle me dit souvent du bien de toi.
Cette révélation surprit Laure. Elle ne savait pas que Julie parlait autant d'elle à sa mère.
- Marie-Noëlle ?
- Oui ?
- Mes lasagnes sont en train de griller.
- Oh...
- N'hésitez pas à m'appeler pour quoi que ce soit et à n'importe quelle heure.
- D'accord...
- J'insiste.
- C'est gentil ma petite Laure.
- Même si c'est compliqué, essayez de vous reposer quand même.
- Oui...
- À bientôt Marie-Noëlle.
- À bientôt Laure.
Une fois le four éteint et les lasagnes sorties à l'aide d'un torchon. Laure resta là, à regarder son plat sans une once d'émotions. Puis, elle s'accroupit au sol et se mit à pleurer à chaudes larmes.
Tout le déni de cette situation refaisait surface, sa tristesse explosa d'un seul coup. Elle ne comprenait pas pourquoi tout ceci arriva à Julie. C'est tellement injuste ! Elle qui passait son temps à se battre justement à prendre soin des patients et de son personnel soignant. Laure pensa qu'il aurait été logique qu'elle se retrouve elle à la place de son amie à l'hôpital, vu ses comportements ces derniers mois. Le sort en décida autrement malheureusement...
La jeune femme eut beaucoup de mal à se ressaisir.
La nuit fut très courte pour Laure, qui ne cessa de penser à Julie. Elle n'était pas croyante, mais cette nuit, elle se mit à invoquer toutes les puissances existantes et leur conjura d'aider Julie. Elle promit en échange de mieux se comporter à l'avenir.
Durant les jours qui suivirent, une prise de conscience grandit progressivement en Laure. Son intérêt envers le coronavirus l'amena à se documenter, à écouter des actualités fiables et à analyser les stratégies engagées par le gouvernement. Plus elle s'informa, plus sa colère gronda.
Elle fut choquée par le nombre de contaminations qui augmentait exponentiellement par vingt-quatre heures. De plus, les hôpitaux se saturaient de plus en plus, les places devenaient chères... une des conséquences dues à la fermeture d'hôpitaux et de services au cours de ces dernières années. La population en payait ainsi les « frais ».
De là, elle comprit que son irresponsabilité aurait pu avoir de graves conséquences. Et si elle avait été cette personne contaminant Julie, provoquant son essoufflement, jamais elle ne se le serait pardonné.
Certes, il n'existait pas de risque zéro. Cependant, s'il était possible de minimiser les risques, pourquoi ne pas essayer finalement.
Être un citoyen responsable, c'est aussi et avant tout penser aux autres. Se faire tester par le moindre doute et s'auto confiner en attente ou en cas de positivité. Éviter les contacts inutiles et donc ne pas participer à la propagation du virus.
Laure devint plus lucide face à l'ampleur de cette pandémie mondiale et des conséquences qu'elle engendrait. Bien entendu, chaque être humain ne développera pas les mêmes symptômes et donc la gravité sera également inégale. Au minima, les personnes contaminées restaient asymptomatiques, d'autres développaient des symptômes chroniques et enfin certaines moins chanceuses rejoignaient le paradis. Dorénavant, la distinction entre jeunes ou moins jeunes n'était plus d'actualité. Les risques en valaient-ils donc la chandelle ? Laure se promit alors de ne plus reproduire ses vices.
Elle s'aventura donc dans des recherches plus scientifiques de cas de personnes hospitalisées et particulièrement celles ayant vécu dans le coma. Elle tomba sur un témoignage qui la chamboula particulièrement, l'histoire d'une jeune fille de dix-huit ans.
Courant mars, cette adolescente fut prise d'une forte fatigue sur plusieurs jours, mais n'eut jamais de fièvre, elle mit ceci sur le coup du surmenage. Son état se dégrada rapidement et elle dut aller aux urgences. Puis, en peu de temps, les médecins durent la plonger dans le coma afin de stabiliser son état...
Ses poumons furent épargnés contrairement à son cœur...
Au bout d'un mois dans un sommeil plus que profond, elle se réveilla avec des orteils en moins à un pied. Une nécrose s'était formée à l'extrémité de ses membres inférieurs et sa famille avait dû prendre cette dure décision à sa place. Son malheur ne s'arrêta pas là, quelques jours plus tard, elle dut choisir entre sauver sa vie ou sa jambe. La réponse fut toute logique pour elle. Tout ceci causé par ce virus encore « imbattable ».
Laure fut impressionnée par la maturité et le courage de cette jeune fille qui doté de sa prothèse continua à pratiquer sa passion du basket-ball avec sourire. Elle espéra au fond d'elle, revoir Julie en chair et en os.
L'appréhension de recevoir un nouvel appel de Marie-Noëlle, lui annonçant le pire, la hanta profondément.
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Ensemble
Short StoryDepuis le jour où Laure et Julie se sont rencontrées sur un terrain de football, il y a près de dix ans. Elles ne cessèrent de rester en contact au fil du temps et devinrent de très proches amies. La survenue récemment d'événements plus que soudain...