6. Une ombre dans la nuit

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Louise, livide, les yeux rouges et boursouflés, entra dans sa chambre et en referma la porte derrière elle, ressentant un profond sentiment de solitude. Elle avait passé le trajet du retour en voiture à pleurer. Benjamin n'était pas venu au collège la veille. Il avait apparemment quitté la maison tôt et n'y était pas revenu. Ses affaires ne semblaient pas avoir bougé, et, selon ses parents, il n'avait pris aucuns vêtements hormis ceux qu'il portait sur lui. Louise avait dû aller au commissariat où on lui avait posé tout un tas de questions sur Benjamin, ses habitudes, ses problèmes, les gens qu'il fréquentait ou au contraire qu'il évitait, ceux qui pourraient lui vouloir du mal, ou qui l'auraient poussés à s'éloigner. La police parlait d'une fugue, mais Louise n'y croyait pas. Ou peut-être que si ? Peut-être qu'elle avait minimisé l' impact qu'avait sur lui les propos de Léa ? Peut-être qu'en un sens, elle était responsable de sa disparition ?

— Louise, tes amis sont là ! cria la voix de sa mère.

Quelques secondes plus tard, Mathéo et Mélanie déboulèrent dans sa chambre, aussi pâles qu'elle.

— Je n'y crois pas ! s'exclama Mathéo, il ne peut pas avoir fugué. Ça ne lui ressemble pas.

— Je ne sais pas, bébé, souffla Mélanie en caressant le dois de Louise, entre le collège et le brevet à la fin de l'année, les moqueries de Léa et...

La jeune fille s'interrompit, hésitant à en dire plus et lança un regard interrogateur à Louise.

— Quoi ? Et quoi Mél ? demanda Mathéo, qui n'avait rien loupé de l'échange de regards des deux filles.

— Et ma déclaration d'amour, lui dit Louise, la voix tremblante, avant d'ajouter, il m'a dit qu'il ne m'aimait pas et je me suis enfuie avant d'en entendre davantage...ou plutôt pour qu'il ne me voit pas pleurer.

— Oh ! répondit Mathéo, mal à l'aise, bon mais de là à faire une fugue, quand même, c'est exagéré, non ?

Les filles haussèrent les épaules, ne sachant que répondre, et ils restèrent ainsi immobiles, sans parler, durant un long moment.

Une fois ses amis partis, Louise se laissa tomber sur la chaise de son bureau, vidée de toute énergie. Elle avait l'impression que son monde s'écroulait, de n'être plus qu'une coquille vide. Incapable de rester là plus longtemps, elle décida d'aller faire un tour. Après avoir fait des pieds et des mains pour obtenir l'autorisation de sa mère, Louise laissa ses pas la porter jusqu'au collège. De là, l'idée lui vint de refaire le chemin que son ami avait fait la veille.

Une horloge, au loin, sonnait six heures. Elle devait se dépêcher de rentrer si elle ne voulait pas se faire punir. Les rues étaient étrangement vides, et Louise eut rapidement la désagréable impression d'être suivie.

— Benjamin ? C'est toi ? Appela-t-elle en se retournant, le cœur battant la chamade.

Mais il n'y avait personne. Louise reprit sa route, le plus silencieusement possible, guettant le moindre bruit suspect. Se retournant brusquement, elle aperçu une forme sombre, presque transparente, se faufiler dans une ruelle. Prise de panique, Louise couru jusqu'à chez elle et claqua la porte d'entrée. Reprenant son souffle, elle remarqua un mot sur le porte-chaussures de l'entrée. Sa main, tremblant violemment, s'en empara. Le papier ainsi ballotté claqua entre ses doigts. Louise s'empressa de verrouiller sa porte d'entrée et alla s'asseoir sur le canapé pour lire le message de sa mère.

« Ma chérie, je suis partie faire une course et serai de retour vers dix-neuf heures. Papa rentrera tard du travail. Si je ne suis pas de retour avant toi, commande des pizzas. Margarita pour moi, Royale pour ton père et ce que tu veux pour toi. Les tickets restaurant sont sur le frigo. A tout à l'heure. Maman. »

Louise laissa retomber le mot sur la table du salon et regarda autour d'elle. Cela faisait longtemps qu'elle n'avait pas été aussi peu rassurée de se retrouver seule chez elle. Sentant la panique refaire surface, elle se précipita à la fenêtre du salon afin d'apercevoir la personne qui, elle en était sûre, l'avait suivie jusque chez elle. Mais la rue était déserte. Récupérant son portable, Louise navigua sur les réseaux sociaux, guettant le moindre signe de vie de son ami. Mais, partout, ses dernières connexions remontaient à la veille au soir.

— Benjamin, où es-tu ? murmura-t-elle, sentant ses yeux brûler.

La jeune fille alluma la télé et se recroquevilla sur elle-même, les yeux dans le vague. Elle avait des devoirs à faire pour le lendemain et des contrôles à réviser, mais pour une fois, elle ne s'en préoccupa pas. Louise, la grande stressée, celle qui ne supportait pas de se faire réprimander resta prostrée un long moment, contemplant d'un regard vide les images qui défilaient sur l'écran, ne sortant de sa léthargie uniquement pour passer commande et récupérer les pizzas. Quand sa mère rentra et remarqua le visage dévastée de sa fille, Louise lui expliqua ce qu'il s'était passé.

Ce soir-là, la jeune fille alla se coucher tôt et, malgré la tension, la peur, et les milliards de questions bourdonnant dans sa tête, elle s'endormit comme une masse. Elle se tourna et se retourna dans son lit, l'esprit agité d'étranges songes. Benjamin l'appelait, la suppliait de venir à son secours, puis lui ordonnait de rester à l'abri. D'étranges aiguilles croisées l'une sur l'autre. Le rire machiavélique d'une couronne. Des aiguilles. Un étrange arc. Une ombre massive se dressant au-dessus d'elle...

Louise se réveilla en sursaut. Le claquement des branches contre la vitre la fit trembler quelques secondes, le temps pour elle d'émerger complètement. Réalisant qu'elle n'avait pas fermé ses volets, la jeune fille se leva et ouvrit les fenêtres. Les mains sur les poignées, Louise se figea, chaque fibre de son corps parcouru d'un frisson glacial qui n'avait rien à voir avec le mistral. Dans la rue, en contrebas, quelqu'un l'observait. L'adolescente retint son souffle, plissant les yeux afin de mieux voir la personne qui, immobile, semblait attendre quelque chose. Elle distingua une silhouette noire encapuchonnée. Immobile. Inquiétante. Soudain, cette dernière leva un bras. Louise cligna des yeux. Quand elle regarda de nouveau dehors, la silhouette s'était volatilisée. Le cœur battant à tout rompre, la jeune fille se pencha un peu plus, regardant de tout côté, le plus loin possible. Mais elle fut forcée d'admettre que l'apparition s'était tout bonnement volatilisée. Sentant un profond malaise lui tordre l'estomac, Louise referma volets et fenêtres puis s'empressa de retourner dans son lit, priant pour que tout cela ne soit qu'une simple illusion. Mais elle ne pouvait complètement ignorer son instinct qui lui disait le contraire, et plus troublant encore, qui lui hurlait de fuir.

Le brodeur de rêves - Tome 1 - L'héritage de GaramaéOù les histoires vivent. Découvrez maintenant