21. Retrouvailles inattendues

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A Ramaé, au palai royal

Les minutes s'égrenaient doucement tandis qu'un étrange jeu de pouvoir se créait entre la reine et le familier. Alyne aurait très bien pu user de la torture pour lui faire avouer où se trouvait l'aiguille, mais elle pressentait qu'elle ne tirerait rien de la créature ainsi. Elle se décida donc à l'écouter, même si ce qu'elle entendait ne lui plaisait pas le moins du monde.

— Ce sont mes conditions, à prendre ou à laisser, siffla finalement Vishka, ne semblant pas se soucier le moins du monde de sa position de simple laquais des moutons au service de la reine.

Cette façon qu'il avait de s'adresser à elle était inadmissible. Ayant de plus en plus de mal à contenir sa colère, la reine se leva et fit les cents pas, furieuse. Comment cette misérable créature osait venir marchander ce qui lui revenait de droit ? Elle était la reine de ce pays ! Elle ! Alyne Rosenweif, fille de Fergus III, et personne n'avait le droit de jouer ainsi avec elle ! Personne ! Et encore moins un simple petit familier de pacotille. Prenant une grande inspiration, Alyne tenta de reprendre l'ascendant sur Vishka, lui montrant ainsi qui posait les règles et qui se devait de les respecter.

— Et si je te disais, commença la reine d'une voix doucereuse, que tu me remets l'aiguille immédiatement, sans faire d'histoires, et, dans ma mansuétude, je te laisse quitter la ville et ne jamais revenir ?

Bien évidemment, la reine n'en pensait pas un mot. Une fois le familier dehors, elle le ferait suivre par un de ses meilleurs espions et, une fois qu'il aurait récupéré l'aiguille, il aurait pour ordre d'éliminer le serpent. Si seulement Arvin était revenu... Mais l'homme, en mission pour elle, ne semblait pas prêt de réapparaître. Alyne allait devoir improviser sans lui, et si ce n'était pas un problème en soit, cela restait malgré tout une alternative dont elle aurait aimé se passer. Vishka, qui avait suivi des yeux la reine, la sentant prête à craquer, avança jusqu'à se retrouver à quelques centimètres à peine de ses chevilles. Doucement, il avisa le pied de la table à proximité et s'y hissa.

— Ce ne serait pas convenable, siffla Vishka, voyez-vous, mes pouvoirs sont biens plus vastes que ce que je laisse voir. Je sais des choses...Et je sais que, dans votre propre intérêt, vous avez tout à gagner à collaborer avec ce Brodeur de Rêves. Je puis vous remettre l'aiguille, mais à la seule condition que vous la rendiez à son véritable propriétaire.

— Son véritable propriétaire ? ricana la reine, mais enfin, je suis la seule et unique propriétaire de la Tisseraie ! Les pouvoirs appartiennent à la reine, il est donc logique de me remettre les aiguilles. Ma patience a des limites, familier, et je vous conseille de ne pas en abuser.

— Je suis désolé que vous le preniez ainsi, votre altesse, susurra Vishka, votre aide nous aurait été précieuse. J'ai beaucoup perdu en venant vous voir, en avez-vous seulement conscience ?

— Perdu ? Mais mon cher, c'est en me tournant le dos que vous perdez tout, renifla la reine, très bien. J'en ai assez entendu ! Gardes !

Aussitôt, trois gardes apparurent derrière Vishka. Le regard froid, la posture assurée, on les devinait assez bien se complaire dans le régime actuel. L'épée affûtée et la main au fourreau, ils se prosternèrent devant leur souveraine.

— Votre altesse, murmura l'un d'eux.

— Emmenez cette créature dans les geôles et veillez à ce que sa cellule soit munie d'un sortilège empêchant toute fuite.

— Vous avez tort, siffla Vishka en se laissant attraper, votre bien le plus précieux vous sera arraché, ce que vous désirez le plus au monde vous sera à jamais inaccessible. Si vous faîtes le mauvais choix, il n'y aura aucun retour en arrière possible. Jamais.

Les portes se refermèrent sur ces dernières paroles, laissant à la reine un sentiment étrange. Aurait-elle dû coopérer ? Comment se serpent pouvait-il savoir ce qu'elle désirait ? Non, c'était impossible. Ce Vishka essayait seulement de gagner du temps. Alyne ne devait plus y penser. Quand la Tisseraie sera entre ses mains, elle pourra retrouver sa fille. Elle et Lucky seront enfin ensemble. Pour toujours.

De son côté, Vishka se retrouva propulsé sans ménagement dans une cellule. Il siffla de mécontentement tandis que les gardes refermaient la porte sur lui. Si seulement il avait pris le temps de faire un pacte avec Benjamin, il aurait pu s'échapper en se téléportant, qu'importe les sortilèges l'entourant. Rien, hormis la mort, ne pouvait contraindre un familier et son maître à rester séparer contre leurs volontés. Vishka se demanda ce que faisait le garçon ? Il devait très certainement lui en vouloir de sa trahison, mais le serpent n'avait pas le choix. Il se devait de tenter de rallier la reine à leur cause, mais l'échec cuisant qu'il venait de vivre l'obligeait à revoir ses plans. Il devait retrouver Benjamin, lui rendre la Tisseraie et partir à la recherche de...Un léger bruit dans la cellule d'à côté le coupa dans ses pensées. Intrigué, Vishka s'avança jusqu'à détailler la silhouette se trouvant non loin de lui. Il avait vu cette possibilité, mais avait espéré que son sacrifice aurait changé la donne. Malheureusement, il était désormais clair qu'avec ou sans lui, le destin continuait sa course. Ses actions n'avaient aucun impact, pas plus que ceux de la jeune fille à ses côtés. Non, seules celles de Benjamin influençaient la course des choses, et le garçon était désormais seul. Vishka l'avait vu. Où se trouvait Cassian ? Mystère, mais ce que Vishka savait, c'était que quelques heures plus tôt, lors de sa dernière vision, Benjamin parcourait les brumes de Ghost dans la solitude la plus totale.

— V...Vishka ?! s'exclama l'adolescente en le reconnaissant.

— Bonjour, siffla calmement le familier, nous avons beaucoup à nous dire tout les deux. Et, puisqu'on est coincé pendant encore un bon moment, tu n'as pas d'autre choix que de m'écouter, Méryne.

L'adolescente pinça ses lèvres, fusillant du regard Vishka. Quoi qu'il dise elle ne lui ferait pas confiance, mais la chasseresse était bien assez intelligente pour savoir qu'il valait mieux écouter les mensonges de Vishka plutôt que de l'ignorer. Le silence ne pouvait être manipulé, alors qu'en l'écoutant, Mérybe avait une chance de le confronter et de faire éclater la vérité.

— Vas-y, parle ! cracha la chasseresse, je t'écoute.

Le brodeur de rêves - Tome 1 - L'héritage de GaramaéOù les histoires vivent. Découvrez maintenant