8. Sous tension

23 2 1
                                    

Benjamin sentit son ventre se contracter. Cassian et Méryne le regardèrent avec pitié tout en articulant des mots incompréhensibles. Mourir ? Lui ? Avant le couché du soleil ? Impossible ! C'était complètement insensé. Ridicule, même ! Si c'était vrai, ils seraient déjà en train de fuir. Ils ne resteraient pas à discuter comme si de rien n'était.

— Non, Cassian ! Il faut partir maintenant ! rugit la voix de Méryne, ramenant brutalement Benjamin à la réalité.

— Tu viens de nous dire que l'aigle avait dit que la reine Alyne ne savait pas que quelqu'un possédait déjà l'un des morceaux de la Tisseraie, argumenta Cassian, c'est une chance unique !

— Tu voudrais mettre nos vies et celle de ce garçon en danger pour récupérer une vieille aiguille que la plus psychotique des reines de Garamaé convoite ? résuma la chasseresse avec dégoût, dois-je te rappeler que l'aigle vient d'annoncer que Benjamin allait mourir d'ici la fin de la journée ? Je te pensais plus réfléchit que ça, mon pauvre frère.

— Ce n'est pas....Je ne veux pas....balbutia le jeune homme, mais je vous l'ai dis. La Tisseraie a choisi Benjamin, qu'on le veuille ou non. Il ne peut pas y échapper. On n'a pas le choix. Et puis, avec ma magie et tes talents de combattante, on peut y arriver. J'en suis sûr. De plus, tu sais aussi bien que moi que les prophéties des aigles sont à prendre avec des pincettes. Ce ne serait pas la première fois qu'ils prédisent la mort imminente de quelqu'un, pour qu'au final cela n'arrive que des années plus tard ! Je n'y crois pas. Benjamin ne craint pas plus de mourir que toi ou moi. D'ailleurs, ne serait-ce pas ce même aigle qui t'a annoncé il y a deux mois que tu allais perdre la vie je cite « le soir même » ?

— Oui, c'est vrai, confirma Méryne, mais il avait aussi dit que je succomberai à cause d'un os coincé dans la gorge. J'ai donc évité de manger la moindre viande, et j'ai ainsi pu déjouer la prophétie. Mais là, nous ne savons pas comment Benjamin doit mourir ! Cela peut arriver n'importe quand, de n'importe quelle façon !

— Et tu crois vraiment que fuir on ne sait où va empêcher cela de se produire ? Tu ne te dis pas qu'au contraire, à fuir à l'aveuglette, nous risquons de tomber dans des pièges mortels ? Ici, nous maîtrisons le terrain. Nous pouvons le protéger sans nous mettre en danger. Tu le sais aussi bien que moi, argumenta Cassian, je te le répète. Avec nous, il ne risque rien.

— Tu fais de la magie ? ne put s'empêcher de demander Benjamin, mal à l'aise avec ces histoires d'élu et de destinée. Mais, sentant le regard foudroyant de Méryne sur sa nuque, il regretta instantanément son élan de curiosité.

— Oui, confirma Cassian, la magie des quatre éléments. Le feu, ajouta-t-il en faisant apparaître une boule de feu dans sa main droite. L'eau, continua-t-il en créant une boule d'eau dans la gauche. L'air, dit-il en lançant sa boule de feu en l'air et faisant apparaître une mini tornade sphérique à la place. Et la terre, termina-t-il en lançant saboule d'eau et matérialisant à la place une boule compact mélangeant terre, roche et végétaux.

Benjamin le regarda bouche bée jongler avec ses sphères. Il connaissait les tours de prestidigitation, mais n'avait jamais assisté à de la vraie magie.

— Oui, oui, Cassian est fantastique, intervint Méryne en poussant Benjamin dans le dos, mais est-ce qu'on pourrait partir d'ici ?

— Mais enfin ! Je viens de te dire que....mais dis-moi, pourquoi es-tu si pressée, Méryne ? demanda son frère, suspicieux, tu ne nous as quand même pas trahis ?

— Quoi ?! s'exclama la demoiselle, le visage empourpré par la colère, mais ça va pas la tête ?! Je dis simplement que ce n'est pas le moment de jouer ! Benjamin va mourir si on ne s'active pas ! La reine ne reculera devant rien pour s'emparer de la Tisseraie. Ses laquais sont déjà à sa recherche, et il ne leur faudra pas longtemps pour nous localiser et comprendre que Benjamin en est le possesseur. Tant qu'ils ne savent pas que la Tisseraie s'est trouvée un maître, nous avons l'avantage. Nous devons trouver un endroit où nous cacher le temps d'établir un plan.

— Nous cacher ? ricana Cassian, les sourcils froncés, certainement pas ! Bon ok, on doit se concentrer sur la Tisseraie, je suis d'accord avec toi sur ce point, mais hors de question de se planquer comme des lâches !

Le jeune homme croisa les bras, les sourcils froncés dans une expression d'intense concentration. Benjamin l'imita, ne voulant pas leur montrer qu'il n'avait rien compris à ce qui venait de se passer. Des gouttes de pluie tombèrent doucement d'abord, puis de plus en plus fortement. D'un geste de la main, Cassian les repoussa, créant au-dessus de leurs têtes un dôme d'eau sur lequel les gouttes roulèrent avec légèreté.

— Et comment comptes-tu t'y prendre pour la retrouver ? attaqua Méryne, Garamaé est immense, sans compter le royaume de Fryza et celui des Dragonys ! Elle peut se trouver n'importe où ! Et on n'a pas le moindre indice pour nous orienter. On n'a rien !

— Ne sois pas stupide petite sœur, la reprit Cassian avec enthousiasme, on a déjà une aiguille sur deux et surtout, le plus important, on est en compagnie du seul et unique Brodeur de Rêves ! puis, donnant une claque dans le dos de Benjamin, manquant ainsi de lui faire perdre l'équilibre, il ajouta, il est temps de découvrir quelle est l'étendu du pouvoir d'un Brodeur de Rêves. Benjamin, concentre-toi ! La Tisseraie t'a choisi. Elle t'a marqué. Tu as une connexion avec elle. Avec les deux. J'en suis convaincu. Alors ferme les yeux, concentre-toi et essaye de savoir où la deuxième est cachée.

Cassian plongea son regard d'un étrange gris pailleté d'argent lumineux dans celui d'un marron caramélisé du Vauclusien et lui dit :

— J'ai confiance en toi, mon ami. Tu vas y arriver.

Devant le regard plein de foi du jeune homme, Benjamin se senti acculé. Il avait envie de fuir, mais avait bien compris qu'en agissant ainsi, il signait son arrêt de mort. Et il était assez intelligent pour comprendre qu'il n'avait d'autre choix que d'accepter son destin, quel qu'il fût. D'après ses compagnons, il était le brodeur de rêves. Et bien qu'il ne comprenne pas vraiment en quoi c'était quelque chose d'important, il décida de coopérer. Ne serait-ce que pour déjouer la prophétie et survivre un jour de plus. Alors, refoulant au prix d'un ultime effort toutes les émotions qui menaçaient d'exploser en lui, Benjamin prit une grande inspiration et ferma les yeux.

Le brodeur de rêves - Tome 1 - L'héritage de GaramaéOù les histoires vivent. Découvrez maintenant