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— Voilà votre glace, mon petit. Autre chose ?
La première journée de printemps était ensoleillé et, bien qu'il ne soit que trois heure de l'après-midi, il y avait foule devant le glacier de la rue Madeleine Roch. Les adolescents qui avaient la chance de terminer tôt leurs cours semblaient s'être donnés le mot pour profiter d'une petite douceur, de même que les parents qui tentaient de s'installer tant bien que mal en terrasse, ne laissant que très peu de passage entre les tables. Récupérant son cornet, Benjamin remercia le commerçant, et s'empressa de rejoindre ses amis tout en évitant la foule qui se regroupait devant la vitrine présentant des parfums tous plus alléchants les uns que les autres. Mathéo, son meilleur ami, le regarda s'installer, un sourire malicieux collé sur le visage.
— T'es au régime ou quoi ? J'espère que ce n'est pas à cause de ce que Léa a dit en EPS tout à l'heure ? Cette fille est complètement stupide ! Bon ok, elle est très jolie avec ses longs cheveux bouclés et ses grands yeux bleus, ainsi que ses lèvres roses qui...Aie !
Mathéo se tourna vers la personne qui venait de lui pincer le bras, y laissant la marque de ses ongles.
— Mélanie ! Grogna-t-il, pourquoi t'as fais ça ? On ne pince pas les gens comme ça !
— Oh ! Désolée, je t'ai fais mal ? Tu devrais peut-être aller voir Léa pour qu'elle te console ! Lui répondit la fille assise à ses côtés avant de lui tourner le dos, des mèches brunes rebelles s'échappant de la pince qui les maintenait en place et descendant le long de son dos telles des serpents ondulants de fureur.
— Ils ne peuvent pas s'en empêcher, soupira Louise en levant les yeux au ciel, j'en peux plus de leurs disputes. J'ai soif ! Tu m'accompagnes ? demanda-t-elle brusquement en se tournant vers Benjamin.
Retourner affronter la masse qui se pressait devant les vitrines ne l'enchantait pas spécialement, mais à l'idée d'affronter seul les chamailleries du couple, Benjamin préféra suivre la jeune fille jusqu'au stand du glacier. Concentré sur sa glace qui commençait à couler, il ne remarqua pas de suite le regard insistant de Louise. Cette dernière s'agitait d'un pied à l'autre sans le lâcher des yeux.
— Qu'est-ce que t'as, Lou ? T'as besoin de faire pipi ? Lui demanda-t-il en cherchant autour d'eux des toilettes publiques.
— Que... ? Non ! s'exclama Louise, le visage cramoisi, en fait, je dois te dire quelque chose...
— A moi ? Demanda le garçon avec suspicion, tu sais, je ne suis pas de très bon conseil. Léa pourrait être plus...
— Benjamin ! le coupa Louise d'une voix étrangement aiguë, je n'ai pas besoin de Léa ! C'est à toi que...En fait, ça fait longtemps que j'essaye de te parler, mais je ne sais pas...Enfin voilà, je dois te le dire. Je t'aime !
Le jeune garçon ouvrit la bouche, ne sachant que dire.
— Benji ? appela Louise d'une petite voix tandis que le jeune garçon restait muet, dis quelque chose, s'il te plaît.
— Heu je...répondit finalement le garçon, abasourdi, je ne m'y attendais pas. C'est...merci. Je t'aime beaucoup Louise. T'es une fille super. Drôle, cool, et heu...jolie ! Mais je ne...
— Ça va mon Benji, t'en fais pas, le coupa Louise d'une voix enrouée, j'ai compris. On est amis et...C'est cool. T'en fais pas.
— Je suis désolé, Louise, répondit le garçon, une pointe de culpabilité dans la voix.
— C'est bon. Juste...n'en parle à personne s'il te plaît. J'ai pas envie que les autres le sachent, ajouta-t-elle en regardant Mathéo essayer de voler la glace de Mélanie, je vais rentrer, c'est mieux.
— Promis ! Tu me prends pour qui ? s'exclama Benjamin, vexé qu'elle le croit capable d'aller tout raconter au risque de la mettre mal à l'aise, tu veux que je te raccompagne ?
— Non, ne t'en fais pas, refusa Louise avec précipitation, reste.
— Certainement pas ! Je ne vais pas tenir la chandelle tout seul ! Enfin...Je veux dire...Je ne me sers pas de toi ! Vas pas croire que...
— Je sais, acquiesça Louise, écoute fais comme tu veux, mais je dois vraiment y aller. Dis-leur que...que mes parents m'ont demandé de rentrer, ok ?
— A toi mon petit, tu désires autre chose ? demanda une voix masculine.
Il adressa un signe de la main à Louise et la regarda s'éloigner pensivement.
— Mon petit ? insista l'homme tandis que la queue s'étirait derrière Benjamin.
— Hum ? répondit l'adolescent enfin attentif à ce qui se passait autour de lui.
— Qu'est-ce que je te sers ? demanda patiemment le glacier, un sourire aux lèvres.
— Heu...rien, merci. Désolé, bafouilla l'adolescent, quittant la file avec empressement.
Il rejoignit ses copains en soupirant, le coeur lourd. Il s'en voulait d'avoir fait souffrir son amie. Aurait-il dû lui mentir ? Accepter ses sentiments et voir ce que cela aurait donné ? Benjamin secoua la tête. Non. Il avait été honnête avec elle, même si elle l'avait coupé dans son refus. Elle s'en remettrait, se dit-il à la fois par empathie envers Louise et pour se déculpabiliser. Après tout, ils n'avaient que quatorze ans. L'Amour, ce n'était pas de leur âge, se raisonna le garçon en rejoignant Mathéo et Mélanie qui, en grande conversation sur le dernier film qu'ils avaient vu ensemble, semblaient complètement aveugle à tout ce qui pouvait se passer autour d'eux. Benjamin était persuadé qu'ils n'avaient même pas remarqué le départ subite de Louise. D'ailleurs, alors qu'il s'asseyait avec eux, les deux amoureux ne lui prêtèrent aucune attention.
— J'y vais aussi, à demain, les salua Benjamin avant de se lever et de faire brusquement demi-tour sans vraiment attendre de réponse de leur part.
Sur le chemin du retour, le garçon ramassa une branche solide, de la taille de son avant bras et l'examina avec attention. Il adorait se fabriquer des épées éphémères, ou des baguettes magiques, et une fois dans sa chambre, à l'abri des regards indiscrets, s'inventer des vies de chevalier ou de sorcier. Souriant, Benjamin accéléra, pressé d'arriver chez lui. Tout à son idée, l'adolescent frôla le mur d'un vieil immeuble, faisant voleter le pan d'un drap à l'aspect miteux qui semblait avoir été précipitamment dissimulé dans l'une de ses larges fissures.
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Le brodeur de rêves - Tome 1 - L'héritage de Garamaé
FantasiL'équilibre de Garamaé fut rompu il y a de cela des siècles, lorsque le Marchand de Sable trahit le Brodeur de Rêves. Le monde fût alors plongé dans le chaos avant de renaître de ses cendres. Mais sans les maîtres de la nuit, Garamaé peut-il vraimen...