17. Amitiés et trahisons

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La reine observa un instant Vishka, semblant évaluer ses motivations. Le paysan, retenu par deux gardes, avait cessé de sangloter et fixait le serpent avec intensité. Dans son regard, une flamme venait de s'allumer et son coeur se gonfla d'un espoir fou. Si le Brodeur de Rêves était là, tout n'était pas encore perdu.

— Laissez donc cet homme dans sa cellule, ordonna la reine en se tournant vers les gardes avant de s'adresser directement au paysan, nous aurons tout le temps de discuter de votre sentence plus tard. Arvin, accompagne notre invité dans le petit salon et veille à ce qu'il ait boissons et nourritures à sa convenance. Je vous y rejoins dans un instant.

S'inclinant, Arvin attrapa délicatement le serpent et s'empressa de quitter les geôles. La reine, après un dernier regard jubilatoire vers le paysan, fit également demi-tour, laissant aux gardes le soin de refermer la cellule derrière elle.

— Comme je vous le disais, votre altesse, reprit Vishka une fois qu'ils furent installés dans le salon, j'ai la première aiguille en ma possession, et j'ai ouïe dire qu'elle vous intéressait. Toutefois, ce n'est pas un cadeau que je compte vous faire, malgré tout le respect que je vous dois. Non, je suis là pour effectuer un échange.

— Votre altesse, gronda Arvin, je peux découper cet impertinent sur le champ si vous le souhaitez.

Le chevalier tira sa lame avec vivacité tandis que Vishka se redressa de toute sa hauteur en sifflant.

— Il suffit, Arvin ! les stoppa calmement la reine Alyne, cette créature est notre invité, et je te pris de te comporter de façon exemplaire. De plus, je pense qu'il est temps de mettre à exécution la première partie de notre plan. Alors, va ! Et ne reviens que lorsque tu auras réussi.

— Bien, votre altesse, répondit Arvin en s'inclinant.

Le chevalier lança un regard mauvais au serpent avant de faire apparaître une sorte de vortex bleu électrique tourbillonnant sur lui-même. A l'intérieur, il y faisait jour et l'on pouvait distinguer l'un des imposant pied d'une gigantesque structure métallique. Un capharnaüm y régnait, faisant siffler Vishka et grimacer la reine. Arvin, après un dernier regard vers la souveraine à laquelle il était entièrement dévoué, entra dans le portail qui se referma derrière lui.

— Reprenons où nous en étions, mon cher, roucoula la reine, vous me parliez de la Tisseraie. Donnez-la moi !

— Comme je vous le disais, siffla Vishka, je n'ai pas pris le risque de l'apporter. Elle est cachée dans un endroit connu de moi seul. Mais si vous accédez à ma requête, je vous la rapporterai. Voyez-vous...

Des bruits de lutte se rapprochant l'obligea à se taire. La porte du salon s'ouvrit et quatre gardes entrèrent, maintenant tant bien que mal deux adolescents se débattant avec fougue. Quand les prisonniers croisèrent le regard du serpent, la surprise peignit leurs traits, rapidement suivi d'une profonde colère.

— Vishka ! Traître ! gronda le garçon avant de se prendre un coup sur la tempe par un des gardes.

— Cassian ! s'exclama la jeune fille d'une voix aiguë, tentant de faire céder, sans succès, ses propres menottes.

— Votre altesse, commença le garde ayant frapper Cassian, on vous ramène ces traîtres. Nous les avons appréhendés à Pearl-Campès. Ils étaient en train d'échanger sur la Tisseraie et sur le Brodeur de Rêves, un certain Benjamin. Nous ne l'avons pas trouvé, mais cela ne saurait tarder. Ces deux-là disaient devoir le rejoindre rapidement. Si je vois juste, il doit encore être là-bas. Et à l'heure où je vous parle, la ville et ses alentours sont fouillées au peigne fin. Il ne nous échappera pas.

— Tiens donc, répondit la reine avec un plaisir malsain, voilà qui est très intéressant.

— De plus, lui apprit le garde en montrant Cassian, ce garçon s'est fait arrêté pour vol, et j'ai toutes les raisons de croire que cette fille et ce Benjamin sont ses complices. Ce qui signifie que...

— Nous avons le champ libre pour les arrêter sans que personne ne puisse faire le lien entre eux et la Tisseraie, termina la reine, c'est parfait. Volak !

Instantanément, le chef des armées apparu devant eux, les doigts contre sa tempe, le visage figé en une moue contrariée. Il avait beau expliquer à sa majesté qu'il lui suffisait de penser son nom en ayant la volonté de le voir arriver pour qu'il apparaisse, la reine s'obstinait à hurler son nom à voix haute, ce qui, non seulement donnait à Volak de sacrés mots de tête, mais perturbait aussi ses pouvoirs.

— Votre altesse, salua-t-il en lui faisant une révérence, que puis-je pour vous ?

L'homme, d'une cinquantaine d'années, le crâne rasé, était déjà marqué par le temps et les atrocités qu'il avait pu voir ou commettre. Une cicatrice lui barrait le visage sur la diagonale, partant de la tempe gauche, cheminant par la pommette et les lèvres pour finir sa course sur le côté droit de sa mâchoire. Sa peau, brunit par le soleil, accentuait la balafre. Ses yeux, d'un vert profond, avaient miraculeusement été épargnés.

— Volak, te voila ! Prends contact avec Lorein. Je veux que ses troupes fouillent de fond en comble Pearl-Campès. Le port doit évidemment être interdit. Aucun bateau ne doit quitter le port jusqu'à nouvel ordre. Trouvez-moi ce...hum, ce...

— Benjamin, souffla le garde avant de reprendre sa position.

— Ce Benjamin, reprit la reine comme si de rien n'était, et ramenez-le ici, qu'il réfléchisse à ses actes dans les geôles. Exécution !

Volak, après un salut respectueux, quitta la pièce, une main sur la tempe. La reine se tourna vers Méryne et Cassian dont la haine transpirait de chacun de leurs pores.

— Quand à vous, espèces de petites bouses de traîtres, vous allez faire un tour aux cachots, le temps que je trouve la meilleure façon de vous punir.

Les gardes entraînèrent la fratrie hors de la salle. Bien qu'ils fixèrent Vishka, le serpent ne leur adressa pas le moindre signe, ce qui termina de les convaincre de sa trahison. Ils traversèrent un dédale de couloirs plus obscurs les uns que les autres, descendirent une flopée de marches avant de rejoindre un long corridor humide et si peu éclairé qu'ils devaient plisser les yeux pour y voir quelque chose. Cassian, profitant de l'obscurité, envoya un coup de tête à l'un des gardes le maintenant tandis que Méryne utilisait ses pieds pour faire tomber ceux la retenant. Libres, ils se mirent à courir.

Le cri de sa sœur obligea Cassian à se retourner. Méryne était aux prises avec trois gardes tandis que je quatrième s'avançait vers lui. Instinctivement, Cassian fit quelques pas pour venir à la rescousse de sa sœur.

— Non ! lui hurla Méryne, cours ! Fuis ! Ne t'en fais pas pour moi ! Retrouve-les ! Je t'aime, mon frère, je...

Un craquement fit brusquement taire la jeune fille. Un frisson glacial parcourut le corps de Cassian dont déjà, les larmes coulaient à flots, mais il ne se retourna pas. Il courut le long des murs de pierres, talonné par plusieurs gardes, ne sachant où il allait, ni comment s'en sortir. Tournant à droite, il aperçu alors une faille dans le mur, tout juste assez large pour qu'il puisse s'y glisser. S'y faufilant, il eut la surprise de voir ses menottes tomber au sol. Ses pouvoirs de retour, Cassian en profita pour dissimuler la faille avec un bloc de pierres. Il entendit les gardes passer devant sa cachette sans s'arrêter. Reprenant son souffle, soulagé et malheureux, il entreprit de suivre la faille, l'écartant avec ses pouvoirs pour s'y faufiler plus facilement. Malheureusement, les forces lui manquaient et il se brûla les chairs contre la pierre.

Après un ultime effort, Cassian fit irruption dans une petite salle basse de plafond. Après avoir vérifié qu'il n'était pas suivi, il fit apparaître une flamme si ténue et vacillante qu'elle en disait long sur son état d'épuisement. Il repéra face à lui un escalier à moitié effondré montant vers l'obscurité. Se disat qu'il n'avait rien à perdre, Cassian entreprit l'escalade, s'aidant par moment de son vent pour l'empêcher de basculer en arrière lorsqu'il perdait l'équilibre. Arrivé en haut, à bout de force, Cassian balaya la salle du regard. Ce qui n'était pas une mince affaire puisqu'il tremblait tellement que sa flamme vacillait. Son dos, trempé de sueur et de sang, le démangeait. Perdu dans ses pensées, il ne remarqua pas les ombres qui, avec discrétion, s'étaient rapprochées de lui.

— Tiens donc, regardez ce qui vient là ! s'exclama une voix.

Cassian, sursautant, remarqua alors la présence d'une bonne trentaine de personnes. Son regard s'illumina quand il en reconnu certaines. La bouche pâteuse, il tenta de parler, mais un violent choc à l'arrière du crâne le fit tomber au sol. Ne pouvant lutter plus longtemps, Cassian sombra alors dans l'inconscience.

Le brodeur de rêves - Tome 1 - L'héritage de GaramaéOù les histoires vivent. Découvrez maintenant