Benjamin ruminait depuis plusieurs jours. Il n'était pas mort, comme le disait la prédiction. En fait, les jours qui la suivirent furent d'un calme plat. Mais là, le jeune garçon se demandait si ce n'était pas un bien pour un mal. Quand Cassian lui avait demandé de trouver la cachette de la deuxième aiguille, l'adolescent avait cru ressentir un pouvoir immense déferler sur lui. Tenant fermement la première aiguille en main, il avait alors fermé les yeux et s'était concentré avec force. Mais la seule chose qu'il avait réussi à faire fût de s'écorcher profondément la paume. Toutefois, plus douloureuse que sa blessure encore, avait été de lire la déception dans les regards de ses amis.
De dépit, ils avaient alors décidé d'explorer le royaume de Garamaé d'un bout à l'autre, espérant tomber par hasard sur l'aiguille. Méryne lui avait expliqué qu'ils se trouvaient au sud de Garamaé, plus exactement dans les bois du Cyclope. N'étant qu'à deux jours de marche de Fantasyne, ville la plus proche de leur position, ils décidèrent de débuter leurs recherches par là. Dés lors, commença un voyage pénible et silencieux, chacun s'avouant vaincu avant même d'avoir commencé.
Benjamin se languissait de ses parents, de ses amis. S'étaient-ils aperçu de sa disparition ? Ou bien, à l'image de la saga Narnia de C.S Lewis, le temps s'était arrêté et ne reprendrait qu'à son retour ? Mais reviendrait-il un jour ? S'il était le brideur de rêves, n'était-ce pas parce qu'il appartenait désormais à ce monde ? Avait-il été effacé de la mémoire de tous en disparaissant ? Ou ses parents le recherchaient désespérément ? A l'idée que ces derniers soient fous de chagrin et de peur, Benjamin sentit son cœur se serrer et une boule se forer dans sa gorge. Jamais ils ne lui avaient autant manqué. Jamais il n'avait autant désiré se blottir dans leurs bras, à l'abri de tout.
— Hé ! l'interpella doucement Méryne en le rejoignant, ça ne va pas ?
— Si, si, ça va, répondit précipitamment l'Orangeois en effaçant ses larmes, le mal du pays. Mes parents me manquent.
Un sourire triste, presque douloureux, passa sur le visage de la chasseresse qui glissa sa main dans celle de Benjamin. Le garçon sentit son cœur accélérer ainsi que des fourmillements remontant le long de son bras. Leurs regards se croisèrent, miroir embué de leur propre chagrin. Méryne ouvrit la bouche. Deux lèvres roses, légèrement sèches, aimantant le regard de Benjamin. La jeune fille la referma, la rouvrit, se mordit la lèvre inférieur, semblant chercher ses mots.
— En garde ! s'exclama une voix grave tandis qu'une masse indistincte fonçait droit sur eux.
Méryne, dans un réflexe durement acquis par ses années de chasse, poussa Benjamin avec force. Le garçon eut juste le temps de voir la chose traverser son amie avant de dégringoler en roulé boulé une pente abrupte dissimulée par les buissons et les arbres. Sa tête cogna contre une racine et il resta allongé sur le dos, sonné, durant plusieurs minutes.
— Oh ! Je suis désolé, désolé ! s'exclama la même voix en passant ses bras dans le corps de Benjamin.
Méryne et Cassian se frayèrent un chemin à travers la végétation, appelant leur ami d'une voix inquiète. Benjamin sentait la morsure d'un froid intense lui paralyser les bras à chaque tentative du spectre pour le remettre debout. Finalement, ce furent ses amis qui l'aidèrent à se relever. Gémissant de douleur, l'Orangeois, de nouveau sur ses pieds, sentit sa tête lui tourner et manqua de s'écrouler. Cassian le rattrapa in-extrémis et passa un bras sur sa taille pour le soutenir. Quelque chose coulait le long de la joue de Benjamin, déposant un goût métalique sur ses lèvres.
— Par la Tisseraie ! s'exclama Méryne d'une voix étrangement aigu, allonge-le là, vite !
Benjamin se sentit soulevé de terre et reposé en position allongée. Des ombres s'agitaient derrière ses paupières fermées et il tenta de voir ce qui se passait. Mais à peine eut-il brièvement cligné des yeux qu'il fût obligé de les refermer, pris d'une forte nausée.
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Le brodeur de rêves - Tome 1 - L'héritage de Garamaé
FantasiL'équilibre de Garamaé fut rompu il y a de cela des siècles, lorsque le Marchand de Sable trahit le Brodeur de Rêves. Le monde fût alors plongé dans le chaos avant de renaître de ses cendres. Mais sans les maîtres de la nuit, Garamaé peut-il vraimen...