2. Destin en marche

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La journée s'annonçait venteuse. En effet, le mistral ne cessait de faire plier les branches des arbres depuis au moins une heure. En terminant de se préparer, Benjamin grimaça à l'idée de devoir marcher par ce temps glacial. Il prit tout son temps pour vérifier qu'il n'avait rien oublié et mettre son manteau. Mais, au bout de plusieurs minutes, le collégien n'avait plus aucune excuse pour retarder le moment du départ. Se couvrant le nez avec son écharpe, il s'élança hors de chez lui.

A peine Benjamin eut-il fermé sa porte d'entrée qu'il se senti tirer par son sac à dos, manquant de basculer en arrière. Le jeune garçon se rattrapa in-extremis à la poignée et fit volte-face, dégageant son sac d'un coup d'épaule, prêt à en découdre avec le malotru qui osait venir le bousculer devant chez lui. Mais, en reconnaissant les personnes se trouvant face à lui, le collégien ravala ses injures. Mélanie se trouvait face à lui, les poings sur les hanches tandis que son meilleur ami restait en retrait, à quelques pas seulement derrière sa petite amie.

— Il faut qu'on parle ! gronda la jeune fille tandis que Mathéo lui adressait une grimace d'excuse.

— Mélanie ? bredouilla le garçon, habitué à voir la colère de son amie dirigée vers Mathéo plutôt que vers lui, que...qu'est-ce qui se passe ?

La jeune fille prit une grande inspiration. Ses yeux agrandis par la colère, étant d'ordinaire d'un joli bleu clair, prirent une teinte bleue nuit tandis que ses joues rougissaient de fureur.

— Qu'est-ce qui se passe ? répéta Mélanie, qu'est-ce qui se passe ?! Tu oses me poser la question? C'est plutôt à moi de te demander des comptes, Benjamin ! Je suis passée chercher Louise, ce matin, et tu sais quoi ? Elle refuse de venir au collège, soit-disant, parce qu'elle a attrapé froid.

Benjamin sentit ses muscles se relâcher. Un instant, il avait cru que Louise avait raconté à sa meilleure amie leur conversation de la veille. Mais, non. Son amie avait tenu sa langue. Mais pouvaient-ils encore être amis après ça ? Pourrait-il encore agir normalement, faire comme si rien n'avait changé, après la déclaration de Louise ? Pourquoi les filles compliquaient toujours tout ? Ne pouvaient-ils pas tout simplement rester eux ? La bande des quatre, amis pour la vie, et juste amis ?

— Oh ! Hé bien, il faudra lui mener les cours ce soir, alors. J'ai soutien à seize heures, alors toi et Mathéo devraient y aller sans moi. Tu lui diras que...

— Elle n'est pas comme d'habitude, le coupa Mélanie, que s'est-il passé pour qu'elle se comporte aussi bizarrement tout à coup ?

— Laisse le tranquille, intervint Mathéo, ce sont leurs affaires. C'est vrai quoi ! Tu aimerais, toi, que Louise vienne fouiner si on se disputait et que tu ne voulais pas lui en parler ?

Le visage de Mélanie devint à la fois livide et aussi rouge qu'une tomate. Sentant la tension monter, Benjamin s'écarta, souhaitant être n'importe où ailleurs plutôt que dans une dispute de ces deux-là.

— Tu le défends ? cria Mélanie, très bien ! Ne compte pas sur moi pour te laisser copier les réponses à l'interro de math !

Sur ces paroles, l'adolescente accéléra le pas et se faufila entre les élèves qui entraient dans le collège.

— J'espère que le jour où j'aurai besoin de toi, tu te souviendras de ce que je viens de faire, ajouta Mathéo avant de passer les grilles à son tour.

La journée fût longue et éprouvante pour Benjamin qui, après une heure et demi de soutien, sorti presque en courant du collège. Mais une fois dehors, ses pas ralentir, et il se traîna avec lenteur dans les rues d'Orange. Son ventre gargouillait, mais il était trop tard pour faire un détour par le glacier et, de toute façon, il n'en avait pas spécialement envie. Le soleil était déjà en train de se coucher et le collégien n'avait pas spécialement envie de flâner dans les rues une fois la nuit tombée. Prenant son chemin habituel, Benjamin passa devant la profonde fissure dans le mur d'un vieil immeuble, mais, au lieu de passer son chemin, l'adolescent s'arrêta net. Il lui semblait avoir vu quelque chose briller et il plissa les yeux, sondant le mur à la recherche de quelque chose d'inhabituel. Ce fut à ce moment-là qu'il remarqua un vieux draps à moitié déchiré caché dans une fente. Mais, ce qui avait capté son attention se trouvait enveloppé dedans. Doucement, du bout des doigts, Benjamin extirpa l'étrange trésor de sa cachette.

Après avoir vérifié que personne ne se trouvait à proximité, il ouvrit le draps et découvrit, posé sur la broderie de deux aiguilles qui se croisent, une sorte de rapière blanche comme la neige, au manche en bois sculpté de plusieurs cercles. Voulant vérifier l'authenticité de l'arme, Benjamin posa délicatement son doigt sur le bout de la lame.

— Aie ! s'exclama-t-il tandis que le sang perlait sur son doigt et souillait l'étrange rapière.

Le doigt à la bouche, Benjamin écarquilla les yeux, laissant tomber au sol le draps qui, sous un coup de vent, s'envola loin au-dessus des toits, ainsi que la rapière qui claqua sur le bitume. Cette dernière s'illumina un instant, comme si un ciel étoilé phosphorescent s'en dégageait, puis elle s'éteignit tout aussi subitement, laissant sur son manche devenu noir, une myriade de minuscules points blancs, tel des milliards d'étoiles prises au piège.

Tremblant, Benjamin la ramassa et se dépêcha de la cacher dans son sac, non sans jeter des regards méfiants et inquiets tout autour de lui. Il lisait et regardait bien assez d'histoires fantastiques pour comprendre que cet objet était magique. Comment et pourquoi cette lame s'était retrouvée ici ? Le jeune garçon n'en savait rien, mais il était motivé à tout faire pour le découvrir. Euphorique à l'idée que la magie existait réellement, l'adolescent reprit son trajet au pas de course, essayant de faire abstraction de ses épaules douloureuses par la faute d'un sac de cours bien trop lourd pour lui.

De retour chez lui, Benjamin prétexta une montagne de devoirs à faire et s'enferma dans sa chambre. Là, dans son sanctuaire, il s'autorisa à sortir son nouveau trésor. Il l'observa sous toutes les coutures, de la pointe au bout du manche où il remarqua la fine brèche qui s'y trouvait.

— Une aiguille ? se questionna Benjamin, interloqué.

Posant son bras à côté de l'ustensile, il constata qu'il était aussi long que son avant bras, doigts inclus.

— Benjamin, viens mettre la table ! cria une voix masculine à l'autre bout de l'appartement.

Sursautant, le garçon ouvrit précipitamment un tiroir de son bureau dans lequel il cacha l'aiguille et couru rejoindre ses parents pour le repas. Dans le tiroir, l'aiguille bourdonna légèrement, clignotant par à coup. Elle avait trouvé son nouveau maître. 

Le brodeur de rêves - Tome 1 - L'héritage de GaramaéOù les histoires vivent. Découvrez maintenant