22. Discussion et mise au point

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Plusieurs heures s'étaient écoulées depuis que Méryne avait été capturée par les gardes. Elle avait vu son frère hésiter et l'avait incité à fuir, et pourtant, elle n'avait pu empêcher son coeur de se briser en le voyant lui tourner le dos. On l'avait alors emmenée dans cette ignoble prison où elle croupissait depuis maintenant une nuit entière. Et ce maudit de traître de Vishka ! Rien que d'y penser, l'adolescente ressentit une haine aussi vive que celle qu'elle nourrissait contre la reine.

— Quand je mettrais la main sur cet infâme reptile, par la Tisseraie, je lui arracherai la tête ! grommela la chasseresse entre ses dents.

— Ce ne sera pas nécessaire, mon amie, siffla une voix de l'autre côté des barreaux.

— Vishka ? demanda Méryne, la surprise lui faisant oublier un instant sa rancœur.

— C'est exact, Méryne, confirma le familier, et je crains que la situation ne soit pire que ce que je craignais.

— Espèce de sale petite teigne ! hurla la chasseresse, folle de rage, traître ! Honte à toi, espèce de vipère boueuse et fétide ! Approche ! Que je te dépèce lentement de mes propres mains.

Voyant l'adolescente foncer vers lui, Vishka matérialisa un mur de roches à la place des barreaux. Mais Méryne, ne se laissant pas surprendre, en chercha la faille de ses doigts.

— Je croyais que tu n'avais pas de pouvoirs ? Menteur ! siffla la chasseresse.

— J'en ai, répliqua Vishka, mais les utiliser sans maître draine ma vie.

L'écoutant à moitié, Méryne, continuant de chercher les failles dans le mur, découvrit une ouverture à son sommet et tenta d'escalader la roche. Lorsqu'elle comprit que la pierre ne lui offrait aucune prise satisfaisante pour son escalade, sa rage s'en trouva décuplée.

— Si cela ne te déranges pas, reprit Vishka lorsque Méryne eut fini de s'agiter, je vais rester où je suis. Du moins pour le moment. Peut-être que je te rejoindrais après, mais il serait fort dommage que tu n'écoutes pas ce qui va suivre.

— Traître et lâche, marmonna Méryne qui, malgré elle, était curieuse de savoir quel mensonge le familier tenterait de lui faire avaler.

— Ce n'est pas très gentil de dire ça, soupira le familier, mais je suppose que je l'ai mérité.

— Tu supposes ? ironisa Méryne tout en se demandant ce que le familier avait bien pu entendre des messes basses qu'elle avait eu avec Cassian durant leur périple.

Vishka, faisant abstraction des commentaires de Méryne, se roula en boule dans sa cellule. Il évitait au maximum d'utiliser ses pouvoirs puisque ces derniers, non contents de lui drainer sa vie, le mettaient dans un état d'épuisement considérable, et Vishka savait qu'il n'avait que quelques minutes avant que son mur ne vole en éclats. Quelques minutes qu'il devait mettre à profit afin de réussir à convaincre Méryne de l'écouter et de ne pas l'étriper dés qu'elle le verrait.

— Avant toute chose, sache que j'ai un pouvoir quelque peu particulier, commença Vishka, j'entrevois les possibles et leurs conséquences. Quand je vous ai demandé de me confier la Tisseraie, j'avais déjà vu différents possibles, et celui-ci semblait le plus sûr et avait le plus de chances de réussites.

— C'est ce que je vois, cracha Méryne.

— Au moins, tu n'es pas morte, lâcha Vishka, mais peut-être que vous laisser vous faire tuer aurait facilité la chose ? Nous ne serions effectivement pas ici puisque le monde tel que nous le connaissons aurait été anéanti.

Le serpent se tut quelques instants. Méryne, quand à elle, ne trouva rien à dire. Un frisson d'horreur la parcouru et elle déglutit malgré elle en imaginant les corps de Benjamin et Cassian, mutilés au possible, reposant aux côtés du sien.

— Donc je disais, reprit le serpent face au silence de la chasseresse, me remettre la Tisseraie était le meilleur choix possible. Mais quand vous êtes entré en ville, j'ai eu des visions, et il m'a fallut faire un choix. Dans la première que j'ai eu, voyant que Cassian et toi ne revenaient pas, Benjamin me rejoignait. Je lui remettais la Tisseraie et, plutôt que de partir à la recherche de la seconde, il insistait pour vous récupérer. Il est loyal, ce Brodeur de Rêves, il fera de grandes choses. Si seulement nous nous liions...

— Ne t'égares pas, Vishka, le rappela à l'ordre Méryne.

— Oui, donc, reprit le familier, il aurait tout fait pour vous sauver et se serait fait prendre par les gardes. La tisseraie lui aurait été retiré et vous trois auriez été pendus.

Méryne frissonna. Elle voulait lui dire qu'il se trompait, qu'il mentait, mais malheureusement quelque chose lui hurlait que Vishka disait vrai.

— Ok, admettons, répondit Méryne, peu enclin à lui donner son entière confiance, parle-moi de la Tisseraie.

— Je ne l'ai plus sur moi.

— Qu...Quoi ? bredouilla la jeune fille, tu l'as perdue ?!

Vishka l'observa un instant, silencieux. Ses grands yeux jaunes, insondables, fixés Méryne qui lui rendait son regard. L'adolescente ressentit alors une vive colère s'emparer d'elle. Une souris, passant par là, fonça soudainement droit sur Vishka et lui mordit la queue. Le familier siffla avant de gober le rongeur tout entier.

— Quel sale caractère tu as ! Dit-il à Méryne, tu ferais mieux de préserver tes pouvoirs pour nous faire quitter cette prison.

L'adolescente se laissa tomber sur le sol en gémissant.

— Tu crois que je n'ai pas essayé peut-être ? Il y a un sortilège de résistance tout autour de la cellule, si ce n'est des cachots tout entier, impossible pour les animaux d'y percer le moindre trou. Pour se faire, il faudrait une magie bien plus puissante que la mienne ou une bonne dose d'ex...

Un tremblement de terre obligea la jeune fille à se cramponner aux barreaux tandis que Vishka s'enroulait autour de sa cheville. Des cris leur parvinrent aux oreilles, suivis de plusieurs détonations.

— Qu'est-ce qu'il se passe ? balbutia Méryne.

Mais la jeune fille n'eut pas le temps de s'interroger plus longtemps. Le mur face à elle explosa, lui vrillant les tympans. Soufflée par la déflagration, Méryne fut projetée contre le mur derrière elle. Sonnée, elle eut à peine le temps de se protéger le visage avec ses bras que, déjà, les derniers débris lui tombaient dessus. Relevant la tête, Méryne observa avec un mélange d'horreur et de joie le brasier qui dansait quelques mètres devant elle, barrière brûlante la séparant du trou béant qui lui offrirait sa liberté.

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⏰ Dernière mise à jour : Jul 03 ⏰

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Le brodeur de rêves - Tome 1 - L'héritage de GaramaéOù les histoires vivent. Découvrez maintenant