PSYCHO

PURGATORY

- Jeudi matin, 10h45 -

À peine ouvrit-elle la porte de sa cabine de douche que Mina tomba nez-à-nez avec la silhouette de Somi. Elle discutait de bon train avec une de ces attachées de presse du moment, Myiah. Une des dernières recrues de l'équipe aux côtés de Sunmi.

Mina ne comprenait pas vraiment pourquoi Somi s'entêtait à s'entourer de cruches dans leur genre. Pas très brillantes - malheureusement -, profondément mauvaises, piètres archères, prêtes à tout pour accéder au sommet d'une chaîne alimentaire inégalitaire. Ces gamines n'avaient pas de véritable intérêt si ce n'est qu'elles étaient capables de vendre un rein pour offrir un soda à la plus populaire de toutes.

"Mina ! appela sa meilleure-amie. Viens par ici un instant !"

La concernée fit un signe de tête et leva sa trousse de toilette pour lui signaler qu'elle devait d'abord passer à son casier. Sans qu'elle ne sache pourquoi, une onde de dégoût lui souleva le cœur comme une mauvaise odeur.

Se dirigeant prudemment vers son casier, Mina voyait sur l'image de sa meilleure-amie s'éclater celle de Chaeyoung recroquevillée sur elle-même, le visage enfoui dans les mains. Et, naturellement, elle jaugeait son hypocrisie incompréhensible, révoltante. Pourquoi ne pouvait-elle pas juste la snober ? 

Elle ouvrit son casier et y plongea sa trousse de toilette sans ménagement.

Autour, toute l'équipe trépignait d'une tension rarement connue ; cette tension, on la voyait grandir lors des sélections de première année, on la sentait voltiger dans l'air lors des tournois nationaux. Aujourd'hui, on la distinguait exploser à l'idée du futur tournoi contre l'équipe rivale. Les rumeurs allaient et venaient pleinement. D'après les premières années, des sélectionneurs nationaux pourraient être présents. D'après les secondes, la meilleure archère de l'école privée s'était foulée le majeur : une putain d'aubaine.

Mina referma son casier et évita de justesse une camarade.

Sans pudeur aucune, elle se changea en vitesse sur l'un des bancs. Tout le monde faisait ses commérages du jour, tout le monde rigolait et surtout, tout le monde s'en foutait. Pourquoi avoir peur de montrer un bout de peau quand toute l'équipe possédait le même corps ? En y repensant, il n'y avait que certaines premières années intimidées et Somi pour allait se changer dans les douches, à l'abri des regards.

Mina se fit la réflexion qu'elle n'avait jamais vu Somi nue.

Lassant ses chaussures, elle sentit le banc bouger. Le regard planté au sol, elle distingua une longue bande blanche étouffant la cheville gauche de sa nouvelle voisine. Instinctivement, elle posa sa main droite sur cette cheville abîmée et commença à la palper d'un geste mécanique.

D'une voix inquiète, elle demanda :

"Comment va ta cheville ?

- L'entraîneuse a été dure avec nous aujourd'hui..." répondit l'autre qu'elle prit pour timide mais qui, en vérité, était mal à l'aise.

Lâchant sa camarade et relevant le haut du corps, elle vit les cheveux un peu brouillons de Sunmi se dévoiler. Mina ne put retenir un sourire apaisé de s'étaler sur son visage ; la plus jeune avait le don de la détendre. 

"Ne sert pas autant le bandage et met de la crème pour atténuer les gonflements après les entraînements physiques. Fais-moi confiance, dit-elle en abaissant le haut de sa chaussette pour lui révéler un bandage similaire, c'est juste une habitude à prendre."

Sunmi ne répondit rien et l'observa un petit moment. Elle se demanda si Mina se rendait compte de l'état dans laquelle elle la mettait ? Ou si elle faisait juste semblant de ne pas le remarquer et le lui faire remarquer.