LOVE YA LEAVE YA

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- Samedi, 18h06 -

"Ne touche pas à ça s'il-te-plaît !"

Mina donna une petite tape sur la main de sa voisine qui se retira sans attendre.

"On crève de chaud dans cette caisse, marmonna Sana pour expliquer son action. La clim serait la bienvenue,

- Les fenêtres suffisent,

- Je transpire tellement qu'on pourrait transformer ce tas de ferraille en piscine,

- Tu n'as qu'à tirer ton tee-shirt, souffla exaspérée la conductrice.

- Tu veux me voir à poil ? C'est pas un peu bizarre entre soeurs ?

- Tu portes une brassière, non ?

- Comment tu sais, tu m'espionnes ?

- T'es sérieuse ?

- C'est moi qui devrait te demander ça.

- Oh la ferme..."

Sana rigola à gorge déployée avant de suivre les conseils de sa jumelle. D'un geste agile, elle retira son tee-shirt et le balança sur la banquette arrière. L'air qui passait par la fenêtre se faufila instantanément sur sa peau et lui fit oublier les tracas de la chaleur. Ainsi, le temps d'une demi-seconde, elle se crut en vacances.

Mais cela ne dura qu'un moment...

A vrai dire, le mini road trip qui s'annonçait avait de quoi charmer quelques touristes. La route était calme, sans accros et donnait cette impression souriante de glisser sur de l'eau. La chaleur faisait résonner sur le goudron de minuscules ondulations dansantes. Les paysages qui défilaient à l'extérieur avaient aussi de quoi convaincre les âmes les plus urbaines. Entre forêts et escarpements rochers, ce côté plus doux de la Corée ravissait Sana.

Ou, plus tôt, l'avait souvent charmée. Car aujourd'hui, un goût amer régnait au creux de sa gorge.

"Ils auraient tout de même pu te prêter la belle voiture, pas ce vieux cercueil ambulant, grogna Sana en se craquant le dos.

- Je n'ai pas vraiment eu mon mot à dire au sujet de la voiture, répondit vaguement Mina.

- Comme quoi, je ne suis pas la seule à ne pas avoir eu le choix."

La chauffeuse serra la mâchoire et se retint de lui balancer une remarque cinglante.

D'un coup d'œil rapide, elle aperçut l'horloge électronique de la voiture indiquant les dix-huit heures passées. Le sac de sport qu'habituellement elle préparait le matin avec précaution n'avait pas bougé dans un coin de sa chambre. Son arc se trouvait bloquée près de son bureau à prendre la poussière. De leurs côtés, ses coéquipières l'avaient sûrement attendues jusqu'à la dernière minute dans le bus. Puis, dans un soupir collectif empli de désarroi et de colère, elles avaient pris la route en direction de la compétition. Elles devaient se dire que Mina avait oublié de les prévenir de son retard. Peut-être que cette dernière était d'ailleurs déjà sur les lieux en train de s'échauffer... ?

Leur capitaine était absente et dans moins d'une demi-heure, elles disputeraient une des étapes les plus importantes de leurs carrières.

Dans moins d'une demi-heure, Mina irait déposer sa sœur dans un centre de redressement. Puis, elle repartirait.

Comme si de rien n'était.

Elle lui en voulait terriblement. Et, dans le même temps, elle s'en voulait affreusement.

Pourquoi lui faire porter le chapeau d'un tel échec ? C'était bien Mina qui avait pris la décision de conduire, rien ne lui avait été imposé. C'était Sana qui avait frappé ce gosse de riche, pas le contraire. C'était sa jumelle qui avait cherchée et qui avait trouvée... Cependant, et ce malgré tous les arguments plus valables les uns que les autres, Mina ne parvenait pas à se retirer du crâne sa responsabilité dans cette monstruosité.

PSYCHOOù les histoires vivent. Découvrez maintenant