ALONE AGAIN (NATURALLY)

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Il lui était impensable de grimper les marches. D'avancer, de rentrer à la maison et de prétendre que rien de grave n'était arrivé. Une pointe ébranla le courage qu'elle catalysât dans son estomac. D'une main précautionneuse bien que tremblante, elle se massa l'arrière de la nuque. Le contact froid de sa paume lui procura un frisson de dégoût qu'elle réprima d'une grimace.

"Je suis désolé de te le dire minari, mais ta sœur est une vraie connasse. Je ne comprends même pas comment vous pouvez faire partie de la même famille."

La japonaise d'origine soupira fébrilement et commença à monter les marches. L'appréhension l'étranglait, la prenait en étau et la forçait à baisser le regard. Dévisageant ses chaussures elle sentit son coeur se meurtrir au creux de sa poitrine. Ce n'était pas en train d'arriver, tenta-t-elle de se convaincre vainement. Ce n'était pas réel.

"Ta soeur est cinglée. Elle serait capable de n'importe quoi pour attirer l'attention, et tu le sais mieux que moi. Arrête de lui chercher des excuses. Tu te fatigues pour rien."

Une douleur sinueuse se fraya un chemin le long de sa gorge. C'était acide, plein de rancœur et de honte. Une sorte de mélange capable de la mettre à genoux. Jusqu'à la dernière seconde, elle avait cru pouvoir l'aider, lui faire sortir la tête de l'eau. L'emporter loin de tout ce qui la détruisait à petit feu.

"- Mes parents, ils-

- Ils ont été prévenus, si c'est ce que tu voulais savoir."

Mina n'avait aucune idée de ce qu'elle allait trouver en ouvrant la porte de l'appartement familial.

Peut-être que sa mère serait étalée de tout son long dans le canapé, accaparée par une nouvelle bouteille de vin et frigorifiée à l'idée d'avoir manqué quelque-chose dans l'éducation de l'une de ses filles. Honteuse, trahie... sachant pertinemment que le voisinage ne tarderait pas à apprendre la nouvelle. Perdue dans ses songes troublés par l'alcool, elle ne penserait même pas à prendre connaissance de l'état mental de Mina. Celle-ci se doutait d'ailleurs qu'elle la verrait à peine traverser le salon, trop obnubilée par Sana.

Posant ses doigts fins sur la poignée de la porte d'entrée, Mina eut une brève pensée pour son père.

Elle n'osait pas imaginer sa colère.

Être dérangé durant ses heures de travail parce que l'une de ses filles avait des soucis avec la justice... Une véritable attaque frontale. Une volonté de jouer avec ses nerfs et d'en arriver à bout. Le pousser un peu plus loin dans ses retranchements, dans sa sévérité ainsi que dans son antipathie. C'est comme si on le punissait pour la perfection qu'il avait souhaité fournir à sa famille.

Se douter que leur paternel avait immédiatement dû penser à Sana la crispa une seconde.

Mina se convainc qu'elle aurait dû faire mieux. Qu'elle aurait dû lui dire non, lui promettre d'arranger les choses. Lui interdire de vriller dans un chemin grisant de cauchemars et de mauvais nuages.

"Arrête de t'en vouloir pour tout ce qu'elle fait, ce n'est pas ta faute."

Elle avait beau retourner cette phrase dans tous les sens, la jumelle ne pouvait empêcher un sentiment de culpabilité de l'envahir. Lui gratter des centimètres d'immondices. Si seulement elle avait su. Si seulement elle avait, pour une fois, abandonné ses bouquins pour profiter de sa jeunesse... rien de tout cela ne serait arrivé.

Abaissant d'un geste pressé la poignée Mina eut envie de courir et de pleurer.

Sauf que ça ne changerait rien. Comme toujours. Qu'elle pleure, qu'elle court, qu'elle craque. Les actions de sa sœur ne bougeraient pas et continueraient de l'enterrer un peu plus dans la démence des jours immergés. Vengeance ou haine, tristesse ou détresse, perfection ou joie, rien ne se modifiait, jamais. Alors, passant l'encadrement de la porte, elle souhaita revenir en arrière. Décrocher le téléphone lors de sa première sonnerie et répondre à Hyuna qu'elle ne tarderait pas à débarquer. Lui expliquer que ses devoirs pouvaient attendre. Peut-être même préciser qu'elle serait accompagner de Sana mais qu'elle garderait un œil sur elle. Qu'il ne fallait pas s'inquiéter. Elle aurait claqué une bise sur le front de sa mère - bien qu'en vérité, elle lui aurait juste tendu un torchon pour qu'elle essuie le vomi coulant le long de sa gorge.

PSYCHOOù les histoires vivent. Découvrez maintenant