Chapitre 8

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   Il n'y eut réellement aucune encombre à accueillir Aurore Brun comme il avant été ordonné par madame Jordans. Elle se vit rapidement attribuer une chambre seule, du fait du nombre impair de femmes, et on lui refusa de la partager avec un personne du sexe opposé. Chaque matin, elle descendait au réfectoire, ses cheveux blonds ondulés dansant autour d'elle tandis qu'elle gravissait les escaliers d'une démarche assurée et virevoltante.

   C'était une femme de caractère, qui prenait des habitudes qu'elle seule ne pouvait détenir sans abandonner et que l'on remarqua vite. Au petit-déjeuner, on savait qu'elle se contentait d'un pamplemousse, et de fait, on n'osait s'assoir à son côté que lorsque l'on éprouvait qu'une petite faim, et que l'on se savait capable de se tenir à un maigre repas. Pas qu'elle n'imposa ses habitudes, mais tous s'y adaptaient, consciemment ou non. Quelques dix minutes avant le coucher du soleil, elle sortait dans le parc et s'asseyait au bord de l'eau pour admirer le spectacle de l'astre brillant qui se fond à l'horizon en laissant derrière lui des tracés orangés.

   Neven semblait admirer un peu plus chaque jour la beauté de la jeune femme, et paraissait oublier Helena, qui se trouva seule sur les toits la semaine entière. Un matin, elle descendit pour s'apercevoir qu'Aurore et lui déjeunaient gaiement face à face, laissant échapper des éclats de rires fréquents. Puis, au bout du compte, Helena et Neven ne finirent que par se croiser dans les couloirs, où il ne lui lançait qu'à peine un bref geste de salut. Ces signes d'abandon hâtifs agitèrent les discussions du soir entre Helena et Mathilde.

MATHILDE : Tu ne crois pas en leur amitié?

HELENA : Non, aucunement. La manière dont il la regarde ne trompe pas, n'importe qui le pourrait dire. Celle-ci a tout pour plaire : tout en elle semble insupportablement parfait.

MATHILDE : Les défaut ajoutent un charme, malgré tout.

HELENA : Elle n'en a pas besoin, ses atouts physiques et moraux lui en fournissent déjà bien au-delà de la norme. Ses habitudes sont d'un registre particulièrement agaçant et sain, personne n'aurait l'audace de rivaliser.

MATHILDE : Tôt ou tard, il se rendra compte de la platitude d'esprit d'une femme parfaite et reviendra vers toi.

HELENA : Je n'aime pas que l'on me considère facile. Il ne reviendra que si je ne l'accepte, ce qui n'arrivera pas de sitôt. Que penses-tu de leur situation?

MATHILDE : Il faut regarder les choses d'un autre angle. A savoir, Télio et toi partagez une amitié, elle n'est en rien semblable à celle qui règne entre Aurore et Neven, certes, mais il existe des amitiés entre sexes opposés.

HELENA : Evidemment, simplement je ne crois pas une seule seconde que ce soit leur cas...    J'ai besoin de sommeil, demain ont lieu les examens des deuxièmes années, et les nôtres approchent à grands pas.

Le bonheur ne dépend pas de la difficulté de notre passé, ni des séquelles qu'il nous laisse, et il est impossible que le destin décide que nous avons assez souffert comme cela. L'absurdité d'une jeune femme est assez profonde pour qu'elle s'octroie la pensée qu'elle ne mérite réellement la joie et le bonheur. Helena s'arrêta sur cette pensée. Elle se tourna quelques minutes sur son matelas avant d'enfin trouver une position confortable, et se laissa aller au sommeil. 

Car je vous aimeOù les histoires vivent. Découvrez maintenant