HELENA : Au revoir.
ANNA : Au revoir, Helena.
Helena sourit à sa mère, et ferma avec précaution la porte rouillée. Puis, comme quelques mois auparavant, elle se trouva debout, face à l'immense grille qui se dressait en forteresse devant ses yeux toujours émerveillés. Un idéal, fusse-t-il réalisé, ne cesse jamais de faire rêver. Une raison pour laquelle la jeune femme éprouvait un étrange sentiment d'oppression était certainement, se dit-elle, dû à l'absence supposée de certains de ses camarades. Elle se souvenu que Neven n'était nullement satisfait de ses compositions, ce qui n'avait pas pour effet de rassurer Helena, bien qu'elle n'eût guère opté pour la manière d'aborder le sujet de ses épousailles, craignant d'entendre la réponse qu'il tiendrait.
MADAME SIMON : Jeunes gens, bonjour à vous, l'équipe éducationnelle et moi-même sommes ravis de vous retrouver. Il fût entendu avant les vacances hivernales que certains élèves ne seraient pas de retour parmi nous. Vous avez probablement remarqué l'absence de quelques-uns de vos camarades, mais pour convenir un équilibre et pour ne rien vous cacher, je m'apprête à vous énoncer la liste des étudiants auxquels nous avons, à notre grand regret, dû demander le non-retour.
Helena regarda autour d'elle. Des visages familiers, celui de Télio, qui lui sourit, mais elle fût coupée dans ses pensées par l'énumération de madame Simon.
MADAME SIMON : Conicci Pierre ; Grignot Amandine ; Henriot Samuel ; Hémery Mathilde...
Helena laissa échapper un cri aigu. La directrice se tût et tous les regards convergèrent vers l'étudiante. Elle baissa la tête, et la liste continua. Mathilde était celle dont Helena n'avait jamais redouté le renvoi, elle était sortie de ses examens si confiante et heureuse de ses productions... Il y avait là sûrement une erreur. Ses cheveux se décoiffaient au contact du grattement de ses longs doigts nerveux contre le sommet de son crâne. A l'entente des noms de famille que la lettre P introduisait, Helena regagna sa concentration l'espace d'un instant, en attente du coup de massue que produirait le nom de Neven Russel.
MADAME SIMON : Polguère Lucile ; Rillemont Charles ; Tramil Eléonore...
Un soupire de soulagement se fit entendre, mais plus personne n'y prêtait attention, la plupart abasourdis par le nombre d'élèves renvoyés. Le crissement des bancs sur le plancher raclât avec force en un bruit sourd. Helena laissa le mouvement s'élever autour d'elle, sans bouger.
Quelques secondes plus tard, elle sentit une main sur son épaule, et Neven s'installa à sa gauche, en la ramenant doucement près de lui. Elle blottit son visage contre son cou, oubliant la promesse que le père du garçon avait faite à Henriette Chevet. Elle retournait à sa chambre vide le regard perdu, quand elle cogna malencontreusement monsieur Gilson, qui passait dans les couloirs.
MONSIEUR GILSON : Helena Benêt.
HELENA : Bennet.
MONSIEUR GILSON : Je vous cherchai. La personne avec laquelle vous partagez votre chambre a malheureusement été encouragée à ne pas revenir au lycée. De ce fait, j'aimerais vous attribuer avec quelqu'un d'autre, qui n'a personne avec qui occuper la sienne.
HELENA : Très bien.
MONSIEUR GILSON : Vous acceptez ?
HELENA : Comme vous voudrez.
MONSIEUR GILSON : Splendide. Suivez-moi avec votre malle. Suivez-moi, n'ayez pas peur.
Un sourire idiot s'afficha sur son visage, suivi d'un rire indigné tandis qu'elle levait les yeux au ciel.
Il frappa à la porte trois coups réguliers et se permit d'entrer. La chevelure blonde virevoltante fut la première chose qu'Helena aperçut et elle eut soudain un mauvais pressentiment. Pour le vérifier, elle passa la porte et manqua de s'étrangler.
AURORE : Bonjour, Helena !
Helena se tourna vers Monsieur Gilson, outragée.
MONSIEUR GILSON : Entrez donc !
Elle s'exécuta. Elle se dirigea vers le lit de droite, qu'elle savait occupé, d'où Aurore retira d'un coup de main ses affaires pour les déposer sur le lit d'en face. Ce n'était pas la réaction qu'Helena attendait, pour sûr, et elle en fût étonnée et s'en sentit coupable.
MONSIEUR GILSON : Je vous laisse faire connaissance !
Les deux hésitèrent à rétorquer, car toute occasion est bonne pour le corriger, mais elles se contentèrent d'un sourire gêné.
AURORE : Je suis désolée, j'ai accepté sans savoir que tu serais celle à être affectée avec moi, je pense que tu aurais voulu être consultée, je n'ai pas pensé à lui demander.
Helena hocha la tête.
HELENA : Tant pis.
AURORE : Ecoutes, je peux toujours demander d'annuler le changement, si tu préfères.
Helena regarda Aurore et pensa. L'unique raison pour laquelle elle ne l'aimait pas était Neven, qui lui avait récemment assuré qu'ils n'étaient qu'amis, et de toutes les façons, il était promis à une autre. Elle était attentionnée, et semblait bon-vivant. Peut-être parviendraient-elles à s'entendre ? Une compagnie, fût-elle-même mauvaise, ne vaut mieux qu'aucune. De plus, au cas où elle en viendrait à se faire apprécier d'Aurore, cette dernière n'oserait sûrement plus rien penser de Neven. De l'autre côté, Helena avait justement appris du garçon les problèmes de santé de Paul, le frère d'Aurore, qui résulterait sûrement en un décès. Malgré le tempérament borné dont elle était dotée, Helena elle n'avait pas le cœur à laisser quelqu'un, n'importe qui que ce fût, aller à travers un chagrin inconsolable seul, même si la compagnie qui lui est apportée ne serait pas la plus appréciable, une compagnie, fût-elle-même mauvaise, ne vaut mieux qu'aucune !
HELENA : Non, c'est très bien, ne t'en fais pas.
Elle lui adressa un sourire maladroit, et terminait de défaire sa malle.
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Car je vous aime
RomanceA 17 ans, Helena laisse derrière elle un passé désordonné et accorde finalement une place au bonheur. Elle fait la rencontre de Neven, jeune écossais au rire charmeur et aux yeux d'amande. L'arrivée d'Aurore et la vérité d'un mensonge pesant vont-il...