Monsieur Tomas Russel avait tenu à s'entretenir avec son fils dès le retour du pensionnat de celui-ci.
Dans ces temps des années 1981, il était encore courant pour les adolescents de se voir attribuer par leurs parents un mariage prochain dont ils décidaient eux-mêmes de la personne que leur enfant épouserait.
Mademoiselle Henriette Chevet apparaissait être l'heureuse élue qu'avait choisi Tomas pour son fils. Pensant que la pensée de son père pouvait changer, Neven s'empressait d'aborder avec lui les sentiments qu'il éprouvait pour Helena.
TOMAS : Son amour pour vous ne durerait pas une vie.
NEVEN : Je vivrais mieux en l'aimant sans qu'elle ne m'aime qu'en en épousant une autre.
TOMAS : Sornettes.
Neven se vit frustré de cette réaction, voire tant agacé qu'il pensait à rétorquer, chose que jamais auparavant il n'aurait osé faire.
NEVEN : Mais avez-vous déjà aimé mon père? Eu ce sentiment de lave bouillante au fond du cœur qui paraît comme une caresse en surface? Je puis dire sans prétention aucune et avec assurance que je l'aime avec la tendresse qui animait l'amour de Paul pour Virginie, et avec la fougue avec laquelle Roméo aimait Juliette! Je n'ai qu'une seule peur, mon père, celle de voir un jour ce feu s'éteindre. Je ne connais de plus bon sentiment que celui d'être amoureux. Il transporte jusqu'à rendre ivre, il agrémente l'existence d'un brin de folie inexpliquée... Vous disiez aimer ma mère. L'amour rend aveugle, à ce que l'on dit, mais jamais vous ne l'avez regardée dans les yeux.
On pouvait alors lire dans le regard du père une haine immense se former, un doute, et un refus de se plier aux ordres de son fils.
TOMAS : C'est assez. Je ne saurais tolérer d'ouïr une de plus de vos paroles insensées. De la fougue, vous en avez, utilisez-la comme il se doit. Vous marierez cette dame, le mariage n'est pas question d'amour, il est question de futur et de situation.
NEVEN : Si l'on me marie à celle-là, je partirai, mon père. Je ne saurais être une seconde de plus auprès d'une autre. La maladie de l'amour n'est d'aucun remède. Dans un univers empli de haine et de violences, celui-ci est le seul sentiment doté de cette onde magique qui réconcilie les cœurs et qui unit les amants aveuglés... mon père je vous en conjure. Laissez-moi, guidé par cette onde, vivre heureux aux côté de celle que je chéris. Helena rend mon rire un peu plus sonore, mon bonheur un peu plus intense, mes pas plus assurés, ma voix plus chantante, mon cœur plus aimant chaque jour. Elle trouve en moi quelqu'un que je n'ai jamais osé regarder, assuré du poison que je propageais, et elle y plonge son regard intrépide, par-dessus tout persuadée que j'ai droit à la vie et à l'amour, le droit de ne plus souffrir et de sortir de la douleur. Jusqu'ici ma vie ne fut qu'une alternance entre douleur, souffrance et déchirement, mais Helena a rendu cette vie de misère presqu'agréable.
Tomas ne sut que dire. L'enfance de Neven avait été subitement ébranlée par la mort violente de sa mère. Cette douleur animait toujours le coeur de Neven, qui, son père le savait bien, s'était renfermé sur lui même depuis cet événement, incapable ne serait-ce que d'essayer d'éprouver le moindre tendre sentiment. Monsieur Russel connaissait bien la cause de la haine qu'éprouvait son fils envers lui : l'accusant tout d'abord d'etre la cause de cette mort, il ne s'était pas remis de la relation qu'avait entamé Tomas avec une autre femme quelques mois plus tard.
NEVEN : Laissez-moi décider, je vous en prie. Laissez-moi être heureux.
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Car je vous aime
RomanceA 17 ans, Helena laisse derrière elle un passé désordonné et accorde finalement une place au bonheur. Elle fait la rencontre de Neven, jeune écossais au rire charmeur et aux yeux d'amande. L'arrivée d'Aurore et la vérité d'un mensonge pesant vont-il...