La semaine qui suivit, Helena choisit de retourner chez sa mère, cependant de décaler ses repas à une heure après ceux d'Anna, et s'arrangeait pour se trouver hors de la maison le plus souvent possible. Anna n'insista pas, s'accrochant fermement à l'espoir qu'Helena finirait par lui pardonner. Elle savait pertinemment que sa fille ne séjournait chez elle que pour recevoir les résultats de ses examens, mais voulait se détourner de cette raison.
Puis, la veille du retour supposé de la jeune fille au lycée Diderot, une lettre glissa sous la porte, marquée au nom d'Helena Bennet, en provenance de Madame Bernadette Simon. Anna l'aperçut la première, l'autre étant sortie, et décida, dans un mauvais élan de spontanéité et de curiosité, de l'ouvrir.
Son visage resta de marbre lorsqu'elle lut « acceptée » en majuscules, au centre d'un paragraphe de félicitations. Une partie d'elle-même certainement en était ravie, mais le sentiment de solitude qu'Anna avait éprouvé depuis le détachement d'Helena la frappa à nouveau de plein fouet. En restant ici, la jeune femme aurait eu la décence de se forcer à renouer la communication, fusse-t-il par oppression et devoir.
Elle poussa une exclamation de surprise quand le papier lui fut subitement arraché des mains. Le visage accablant qu'affichait Helena résolut sa mère à faire parler la situation.
ANNA : Ecoutes-moi bien, Helena. Je comprends ta colère, je t'ai donné la permission de la ressentir.
HELENA : Très bien, laisses-moi, donc.
ANNA : Je ne t'ai certainement pas, cependant, accordé le droit de me couper la parole, de m'éviter dans ma propre maison et de me traiter comme une parfaite étrangère sur mes lieux, que tu occupes.
HELENA : Je n'ai nulle part où aller, crois bien, sinon, que je serais partie depuis longtemps.
Cette réponse blessa Anna, jamais n'aura-t-elle eu à imaginer que pareil comportement proviendrait de sa fille, qu'elle avait élevé avec tout l'amour du monde, en sacrifiant tout ce qui lui était cher.
ANNA : Bien sûr. Je m'ose à penser que tu préfèrerais certainement aller au lycée à pied, demain. Je partirais de suite, si j'étais toi, la route est longue.
Ayant installé un silence pesant, Anna s'éloigna dans le couloir. Helena ne concentra ses pensées que sur le fait qu'elle retournerait effectivement au lycée le lendemain, et sur la lettre qu'elle tint fermement, le sourire aux lèvres. Revenant à la réalité, elle pensa. Elle n'avait aucun autre moyen de s'y rendre autre que la voiture de sa mère. Emprunter le véhicule elle-même favorisait les chances de retrouvailles avec son père beaucoup plus tôt que prévu, et y aller à pied était impossible, il était déjà trop tard. Dans un élan d'hypocrisie, elle suivit Anna.
HELENA : Excuses-moi !
Anna lui rit au nez.
HELENA : Je ne peux aller au lycée seule, il est vrai, et je t'en veux. J'emploie une mauvaise manière de te l'exprimer, cela, je m'en excuse. J'ai été blessée de cette vérité, je n'en suis pas guérie. Je n'ai jamais eu à t'ignorer dans tes lieux que j'occupe, je ne sais comment m'y prendre, car je veux que tu saches ma douleur d'avoir été trahie.
ANNA : Je la sais, Helena. Penses-tu que j'aurais gardé ce secret si longtemps, si je l'ignorais ? Je sais pertinemment que tu souffres, tu n'as nul besoin de me le prouver. Je te conduirai, demain, n'aies crainte. Mais souviens-toi, face à ce mensonge, du reste, de ce que je me suis tuée à te donner. Je ne peux te perdre après avoir perdu Emile et ton père. Ta déchirure ne m'est pas étrangère, crois-moi. Parle-moi, racontes-moi ce qui alimente cette trahison que tu ressens, je suis fautive en partie, mais je connais cette frustration, elle dure de plus en plus, elle s'allonge et s'amplifie.
Helena ne répondit rien. Mais le soir, elle soupa en compagnie de sa mère.
VOUS LISEZ
Car je vous aime
RomanceA 17 ans, Helena laisse derrière elle un passé désordonné et accorde finalement une place au bonheur. Elle fait la rencontre de Neven, jeune écossais au rire charmeur et aux yeux d'amande. L'arrivée d'Aurore et la vérité d'un mensonge pesant vont-il...