MADAME SIMON : A partir de l'instant où vous entrerez cette salle, vous serez tenus à l'interdiction de communication. Dans le cas où un certain enfreint cette règle, une menace d'expulsion sera placée. Suis-je claire?
Les élèves partagèrent leur approbation en hochant des figures apeurées.
MADAME SIMON : Vous trouverez vos noms inscrits au coin de chaque table. Trouvez la vôtre, et installez-vous y. Vous bénéficiez de cinq minutes pour organiser vos affaires et pour ranger vos sacs ainsi que tout objet qui favoriserait un renvoi immédiat s'il était malencontreusement trouvé.
Télio et Helena se regardèrent. Elle pouvait dire à son regard de détresse qu'il n'accordait aucune confiance au travail qu'il avait fourni. Elle se tourna vers Mathilde, qui, au contraire de son ami, semblait pour l'occasion d'un calme et d'une assurance particulière. Elle était bien apprêtée et revêtait une robe de coton, par-dessus laquelle elle avait enfilé un gilet de laine bleue. Ses cheveux tombaient en cascade sur son collier d'or, et elle s'en saisit pour les relever dans un élastique.
MADAME SIMON : Je vous en prie.
Elle poussa la porte, et tous entrèrent dans un silence royal et s'assirent à leur place correspondante. Une fois installée, Helena leva les yeux pour observer ses voisins. A sa gauche, Naomie, une qui avait l'air trop heureuse de se trouver là, et à sa droite, Neven. Sa surprise fut égalée par son mépris de le voir près d'elle cette fois encore. Il la regarda et lui mima les mots "bon courage" du coin de la lèvre. Elle esquissa un sourire presque imperceptible, mêlé d'une touche d'ironie détestable.
MADAME SIMON : L'épreuve de gestion commence dès que ma phrase se termine, vous disposez de deux heures.
Tous se saisirent de leur crayon, comme prêts à l'assaut, et tournaient les pages pour en estimer le nombre. Certains relevaient les yeux, apeurés, tandis que d'autres ne se démontaient pas et s'attaquaient sans plus tarder aux quelques huit feuilles qui les attendaient. Aurore, assise à l'arrière de la salle, semblait confiante quant à cet examen, cependant on lui put estimer une étroite baisse de sang-froid, qui se manifesta par l'expression scandalisée que prit son regard au vu des nombreuses pages.
Une heure passa, Helena avait rempli une bonne partie de son papier, ce qui la ravit. Elle regarda Neven, pour évaluer leur différence, mais à sa stupeur, elle s'aperçu que ce dernier la regardait déjà. Ce regard se voulait sincère et désolé, mais la jeune femme l'ignora pour se remettre au travail, feignant l'indifférence.
Quelques minutes plus tard, des pas se firent entendre, et quelqu'un entra dans la salle. On se retournait. Monsieur Gilson entra, il marmonna quelques mots à l'oreille de Madame Simon, qui exprima un air stupéfait, comme on lui en avait rarement vu. Elle hocha la tête en signe de compréhension et se dirigea vers la place d'Aurore, comme animée d'une agitation désespérée. Elle lui chuchota. L'interrogée regarda la directrice. Son teint d'habitude foncé par contraste de sa chevelure devint blême. Des larmes se ternirent au bord de ses paupières, qu'elle s'efforça de garder à l'intérieur, puis elle s'empara de ses affaires et se faufila rapidement vers la sortie, sans même un bref regard en arrière. Silence. La scène à laquelle ils venaient d'assister questionnait les élèves, tandis que quelques yeux se tournaient vers Neven.
MADAME SIMON : Vous n'êtes en rien concernés, retournez à vos travaux si vous ne voulez vos acceptations reconsidérées!
Les têtes se plongèrent dans les papiers à nouveau, et le calme revint. Une cinquantaine de minutes plus tard, Madame Simon ordonna l'arrêt d'écrire, et la sortie de tous les élèves par la première porte.
TELIO : Alors?
MATHILDE : Je n'ai pas achevé ma conclusion, mais le reste m'a semblé réussi.
TELIO : Je me dois d'admettre que j'ai sous-estimé madame Beauvais sur la complexité de son devoir. Helena?
HELENA : Je ne sais pas vraiment. Le départ d'Aurore m'a surprise.
NEVEN : Moi aussi.
Helena soupira. Elle était comme tiraillée entre le vœu de lui pardonner, ne serait-ce que pour cette journée d'examen, et le respect pour elle-même qu'elle se tenait de conserver. La fatigue hantait ses réflexions hâtives, et malgré l'illogique de cette décision qu'était de n'accepter son pardon pour un seul jour, elle finit par vouloir s'y tenir. L'effort que constituait le fait de détester Neven lui demandait trop de force, qu'elle n'était pas prête à distribuer ce jour.
HELENA : Vous ne savez rien d'où elle a pu aller?
Le visage du garçon s'illumina, comme si soudainement, une lumière éteinte en lui depuis longtemps ressurgissait enfin.
NEVEN : Vous m'adressez donc la parole?
HELENA : Aujourd'hui seulement.
Un sourire moqueur se forma sur ses lèvres.
NEVEN : Alors, vous déjeuneriez avec moi, aujourd'hui seulement?
Elle se voyait prise à son propre piège. Elle perdait déjà du respect pour sa propre personne au vu de la décision qu'elle avait prise, il en serait d'autant pire que de revenir sur cet écart. De plus, il était ici tolérable que d'utiliser l'occasion pour accepter.
HELENA : D'accord.
Les deux se dirigèrent vers le réfectoire. Le repas qu'ils partagèrent fut heureux, comme si deux vieux amis se revoyaient après de longues années pour échanger du nouveau temps. La situation qui les avait amenés à se séparer ne fut pas amenée, afin de n'éveiller aucune tension, malgré tout Neven avoua à Helena qu'elle lui manquait.
HELENA : Je ne répondrais pas à cela.
NEVEN : Puis-je oser en conclure que vous partagez ce sentiment?
HELENA : Oui.
Elle trouvait en sa compagnie un certain réconfort qu'elle n'avait pas ressenti depuis longtemps... à vrai dire, depuis l'arrivée d'Aurore. Cette comparaison qu'elle s'était faite de deux vieux amis de longue date l'amena à penser que, peut-être, lui et elle pourraient se fréquenter comme amis. Dans cette situation, la question d'Aurore ne serait plus d'intérêt, et un soulagement mutuel bénéfique pourrait en ressortir.
L'épreuve de l'après-midi se concentrait sur les mathématiques pour Helena, et sur la chimie pour Neven. Les deux consacrèrent une soixantaine de minutes à repasser leurs cours mutuels en s'interrogeant sur leur matière respective. Mathilde les regardait du coin de l'œil, et partageait ses pensées à Télio.
MATHILDE : Ne voit-elle pas à quel point elle est heureuse avec lui? Elle rayonne à nouveau, et tu te souviens tant bien que moi de la dernière fois où ce fut le cas.
TELIO : Oui, mais il lui a fait du mal, tu te souviens tant bien que moi de cette longue période durant laquelle elle souffrait de sa trahison.
MATHILDE : Il semble prêt à réparer son erreur, j'en mettrais ma main à couper. Personne ne serait assez sot pour abandonner Helena Bennet, et certainement pas Neven.
TELIO : Elle est trop bornée pour lui donner une seconde chance, elle n'est pas de nature à laisser passer une telle faute, même si son propre bonheur n'est pas de mise...
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Car je vous aime
RomanceA 17 ans, Helena laisse derrière elle un passé désordonné et accorde finalement une place au bonheur. Elle fait la rencontre de Neven, jeune écossais au rire charmeur et aux yeux d'amande. L'arrivée d'Aurore et la vérité d'un mensonge pesant vont-il...