Chapitre 15

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Dans le brouillard qui enveloppait le domaine, imperméable aux atteintes de l'orage de l'en dégager, se trouvaient ces quelques silhouettes cerclées ensemble sur l'herbe mouillée. Le contraste qui opposait la noirceur de la couche brumeuse et l'illumination sur les visages de chacun semblait presque ironique. Des rires heureux s'échappaient du cercle, formant comme un nuage de chaleur. Depuis les examens, les élèves de première année ne s'étaient autorisé aucune dérogation à leur objectif d'utiliser toutes leurs heures de temps libre pour étudier. Cette réunion symbolisait comme un souffle de repos après une longue et pénible course. Au centre du cercle régnaient quelques petites bougies, pour contrarier l'obscurité qui s'imposait de plus en plus. Les histoires s'enchainaient, tant effrayantes qu'amusantes, et venaient combler cette place vide qu'avait laissé la pression de la réussite.

Mathilde et Télio, côte à côte, participaient de bon cœur à la fête, le garçon semblait avoir oublié ses soucis, ce qui ravissait l'autre. Helena s'était assise près d'Emile, un dont le passé heureux résonnait sur un avenir prometteur. Les paroles de chacun se transformèrent petit à petit en chuchotement à peine audibles, puis finirent presque par se taire complètement. Les regards fatigués étaient comme subjugués par les flammes, dansantes au vent.

Une silhouette apparut dans l'encadrement de la porte de la salle commune et tous les yeux convergèrent sur elle. Elle s'avança, ses yeux verts illuminés par la faible lueur des bougies tandis que son teint rayonnait d'un sourire effacé. Aurore alla s'installer aux côtés de Neven, qui l'accueillait avec un regard en biais vers Helena, qui, rassurée par leurs précédentes conversations, lui sourit.

Ce soir-là était le dernier avant que chacun reparte chez soi pour les vacances. Neven se glissa au côté d'Helena.

NEVEN : Ne voulez-vous pas l'ouvrir?

Helena tenait fermement la lettre marquée du nom d'Anna Bennet, mais l'ayant reçu quelques heures auparavant, elle n'avait pas osé l'ouvrir.

HELENA : Je ne sais pas, je veux profiter de la soirée.

NEVEN : Je comprends.

Il lui sourit et à cela, elle enroula ses bras autour de la nuque du garçon. Neven, d'abord surpris, la serra contre lui. Il ne relâcha son étreinte qu'après une longue minute, puis ils se mêlèrent à nouveau aux festivités.

Le lendemain matin, le lourd silence qui pesait sur la salle du réfectoire fut interrompu quand madame SIMON prit la parole.

MADAME SIMON : Chers élèves, aujourd'hui est le jour de votre retour chez vous pour les vacances de la Toussaint. Vous pouvez être fiers de ce que vous avez accompli, et même si certains d'entre vous ont éprouvé des difficultés lors de ces premiers mois, les efforts n'en seront que mieux récompensés. Malheureusement, il faut s'attendre à ce que quelques-uns ici ne retrouvent pas le chemin du lycée Diderot au retour des vacances, dû à la sélection qu'entraînent les examens. Cependant, n'y pensez pas encore, profitez du repos qui vous est offert. Bonnes vacances à tous!

De maigres applaudissements accompagnèrent le discours de la directrice. Les premières années se regardèrent, sachant que la course à la meilleure place était jouée, et que tout le monde ne seraient pas de retour. Un mélange d'empathie et de rivalité accompagnait ces regards.

Le trajet pour la maison serait long, il fallait partir maintenant. Après les accolades, les embrassades, et un dernier regard souriant à Neven, Helena sortit par la grande grille en direction de l'autocar qui devait l'amener chez elle.

Après ces quelques heures de trajet à observer la verdure par la fenêtre, elle prenait place sur la banquette arrière de la Renault d'Anna Bennet. Un silence incertain planait, tandis qu'Helena souriait, gênée, dans le rétroviseur, en guise de bonjour. La voiture démarra, et après quelques minutes, aucune parole n'avait encore été échangée, malgré les quelques regards par le miroir.

HELENA : Je ne l'ai pas ouverte.

Le soulagement de madame Bennet se fit ressentir. Elle hocha la tête, comme si ce sujet lui avait échappé.

Souhaitant s'éloigner de l'embarras qui régnait toujours, Helena raconta à sa mère son travail, ses amis, la vie au pensionnat, la sévérité à laquelle ses camarades et elle étaient soumis, son souci de n'être invitée à revenir deux semaines plus tard. Anna restait silencieuse, peignant sur ses expressions faciales des accents étonnés, souriants, soucieux... Ces vacances s'annonçaient difficile, et la jeune femme regrettait déjà d'avoir pris cette décision de vouloir connaître la vérité. 

Car je vous aimeOù les histoires vivent. Découvrez maintenant