Chapitre 19

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Helena connaissait cette ambiance qui, d'ordinaire, réchauffait son cœur et emplissait ses yeux de mille étoiles, et qui, pour la toute première fois, lui faisait ressentir une certaine jalousie, voire une haine envers ces familles, qu'elle voyait enjouées et comme entourées de la magie de Noël, emmaillotées des pieds à la tête de longs manteaux de fourrure. Les lumières dorées et rouges illuminaient les visages, tandis que le grand sapin trônait fièrement au centre de la grande place. Elle prit place sur un banc humide, face à l'arbre roi. Un frisson gelé lui parcourut l'échine. 

En plissant les yeux, derrière un petit carrousel, parmi les familles dont les yeux étaient rivés sur le mouvement circulaire du manège, Helena reconnut alors celle des Chevet! 

HELENA : Henriette!

L'interpellée regarda autour d'elle, et lorsqu'elle aperçut son amie, elle accourut.

HENRIETTE : Helena, ça alors! Que fais-tu ici? Je te croyais en pensionnat!

Elle prit place sur le banc à son tour.

HELENA : Je suis de retour pour Noël! J'espère pouvoir y retourner au plus vite.

Henriette, qui avait été habituée à la complicité rare qui animait la relation mère-fille qu'entretenaient Anna et Helena, fronça des sourcils étonnés. Helena lui narra alors tout ce qu'elle avait appris dans l'après-midi, sans n'omettre de détails. Les deux amies s'étaient connues des années auparavant, en école primaire, et ne s'étaient pas quittées depuis, tant et si bien que chacune appartenait de manière figurée à la famille de l'autre, et qu'il était pour l'une tout à fait naturel de relater des faits requérant une confiance qu'elle savait que l'autre saurait entretenir.

Henriette arborait toujours un sourire malicieux quoique narquois, encadré par ses cheveux mi-longs brunis par le temps. C'était une fille intelligente, fait que ne pouvaient que confirmer les larges lunettes rondes qui entouraient ses yeux étincelants de reflets orangés. 

Helena confia qu'elle se sentait comme trahie, ignorée, trompée, indigne de connaître la vérité. Son amie la rassura quant au probable ressenti d'Anna. Il était certain que cette dernière n'avait pris cette décision que dans l'ultime terminologie de protéger sa fille unique. 

HELENA : J'ai également rencontré quelqu'un, au lycée...

HENRIETTE : Racontes-moi!

Helena lui compta tout des évènements qui avait réuni Neven et elle. Elle compta les qualités, le ton qu'il avait dans la voix lorsqu'il s'adressait à elle, elle compta ces yeux noisette dans lesquels elle plonge les siens, elle compta Aurore... à l'oreille attentive d'Henriette. 

HELENA : Qu'en est-il de toi? Comment vas-tu?

HENRIETTE : Figures-toi que l'on m'a promise!

Helena ouvrit de grands yeux surpris.

HELENA : Promise? Tu en sembles comblée!

HENRIETTE : Je le suis. A mon tour de te narrer ses nombreuses qualités! Je me retrouve d'ailleurs dans ton récit. Son père a rencontré ma mère, ils ont conclu ensemble que lui et moi formerions un duo harmonieux et que l'addition de nos caractères ne ferait qu'un. Ses cheveux bruns laissent échapper, d'après les photos, quelques mèches vagabondes, et ce sourire... ce sourire charmeur, j'aimerais que tu ne le visse! Il a quelques tâches de rousseur, et un nez rebondi. Son rire est, à ce que l'on m'a dit, charmeur, et... qu'y-a-t-il? 

Helena regardait son amie, le teint blême, les lèvres tremblantes, des larmes montant violemment vers ses yeux saphir.

HENRIETTE : Quel est le nom du garçon que tu as rencontré?

HELENA : Neven...

Henriette eu un mouvement de recul. A cela Helena s'effondra. Elle enfouit son visage fin dans le creux que formaient ses bras en entourant ses genoux frêles.

HENRIETTE : Helena, je...

HELENA : Ne dis rien, s'il-te-plaît.

Le silence qui s'installa fut par moments interrompu par des sanglots irréguliers.

HELENA : Je suis épuisée. Penses-tu vraiment qu'il est au courant?

HENRIETTE : Depuis aujourd'hui seulement.

HELENA : Que vas-tu faire?

HENRIETTE : Ecoutes, Helena, tu es mon amie d'enfance, je te considère plus que tout, mais je dois à mon avenir d'être assuré, je suis obligé de continuer. De plus, cette décision me rend heureuse. 

Helena leva des yeux rouges vers Henriette, car n'en croyant plus ses oreilles, elle confia à son regard de comprendre ces dires. Le visage de la jeune femme était grave, sombre. Les battements du cœur d'Helena s'accélérèrent. Elle se leva lentement, et sans regarder en arrière, s'en alla, laissant des traces de pas dans la neige grisée s'effacer à la brise qui glaçait ses larmes... 


Car je vous aimeOù les histoires vivent. Découvrez maintenant