Chapitre 9

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"Ma très chère maman.

Il est bientôt quelques semaines depuis que nous avons échangé mot. Je ne vais pas sans dire que j'ai attendu quelque lettre de votre part.

Ne croyez pas, je vous prie, que l'environnement du lycée Diderot est l'unique facteur de ma demande, mais j'aimerais connaître les conditions dans lesquels il s'est avéré que mon père eut été contraint à partir, ou, s'il est d'un autre ressort comme celui du souhait qu'il éprouva de s'en aller, pour quelles raisons.

En ce qui concerne ma vie ici, elle est rythmée de beaucoup de nouveautés, d'amitiés et de travail. Ne vous faites aucun souci.

Au revoir,

Helena."

NEVEN : Votre lettre est sèche.

Helena sursauta et fit volte-face en l'espace d'une demi-seconde, et se retrouvait nez-à-nez avec lui. Un silence s'installa, par lequel il répondit en esquissant un sourire gêné. Elle le dévisagea quelques instants, puis retourna à sa tâche sans répondre, comme si rien ne s'était produit.

NEVEN : Je peux ?

Il pointait du doigt la chaise à son côté. Elle regarda sa main, puis leva des yeux agacés.

HELENA : Non.

Il s'assit.

NEVEN : Vous savez, je ne suis pas certain que le moyen par lequel vous exigez votre vérité soit le bon. Il est de coutume d'amadouer votre interlocuteur, sans quoi vous n'êtes pas certain d'obtenir une quelconque réponse.

HELENA : Je ne me souviens pas avoir demandé votre avis.

NEVEN : Je suis fier de vous. Vous avez bien fait de prendre cette initiative de réclamer cette évidence.

HELENA : La place est prise, allez-vous en.

NEVEN : Prise? Qui donc aurait l'intrépidité de me dégager?

HELENA : Partez, Neven, je n'ai rien à vous dire.

NEVEN : Expliquez-moi ce qui anime donc une si violente colère. Que vous ai-je fait? Est-ce que je mérite réellement une telle méprise?

HELENA : Vous êtes si sot, si ignorant, si ridicule.

Elle se leva brutalement, des larmes s'apprêtèrent à couler, qu'elle ravalait subrepticement, comme par une force invisible, puis elle se saisit de ses affaires et lui accorda un œil cinglant.

HELENA : Ecartez-vous.

Il ne bougea pas. Elle bouillonnait de rage.

HELENA : DEGAGEZ!

Surpris par un tel élan de dureté, il se déplaça d'un pas sur la droite, autorisant un maigre passage à la jeune fille. Tous les occupants de la salle communale s'étaient arrêtés pour observer la scène. Quelques chuchotements parcoururent les lèvres, que Neven interrompit par un soufflement. Mathilde, qui marchait en direction de la sortie, s'arrêta à son niveau, pour lui murmurer :

MATHILDE : Ne feint pas celui qui ne comprend pas ce qui lui arrive.

Elle reprit une marche lente, sa crinière léonine suivant le rythme en des mouvements réguliers de balanciers. Elle sortit de la pièce, et claqua la porte derrière elle.

Car je vous aimeOù les histoires vivent. Découvrez maintenant