Chapitre 4

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Emmanuel me sourit lorsque j'arrive vers lui.

-Bravo pour la décoration, c'est très joli ! S'exclame-t-il.

-Ah oui...Merci.

-Tu as rencontré mes nouveaux invités ?

-Oui, je viens de faire la connaissance de Caleb. J'ai été très étonnée de la voir arriver sans aucun membre de sa famille...

-Ah oui ?

-Oui, c'est rare je trouve non ?

-Pas si rare que ça tu sais...Répond-t-il de façon mystérieuse.

-Ah bon ?

Il acquiesce.

Je comprends qu'il ne m'en dira pas plus à ce sujet.

-Et concernant Joeffrey tu voulais m'en parler ? Demande-t-il.

Je soupire.

-Oui, j'ai tellement de questions mais en même temps je ne sais pas si j'ai envie de connaître les réponses...

-Je te propose d'aller les lui poser, qu'en penses-tu ?

J'ai tout à coup la boule au ventre : je ne m'attendais pas à cette réponse.

-Je ne sais pas...

Je croise le regard d'Emmanuel qui m'apaise un peu.

-Je ne saurais pas par où commencer...Continué-je.

Qu'as-tu dit à Caleb quand tu es allée le voir ?

-Je lui ai dit bonjour.

-C'est un bon début tu ne crois pas ?

J'aperçois Joeffrey se diriger vers le buffet et se servir de façon astronomique. Cela me rappelle qu'au foyer, nous avions toujours faim. Nous n'avions pas assez à manger et la plupart du temps, les aliments étaient de mauvaise qualité. J'avais presque oublié ça. Parce qu'aujourd'hui je mange tous les jours à ma faim.

Cette compassion mêlée de méfiance me paralyse. Emmanuel pose sa main sur mon épaule.

-Tout va bien Jaël, si Joeffrey est ici c'est parce qu'il m'a accepté. Il n'est plus celui que tu as connu.

Je reste dubitative.

-Tu es sûr qu'il n'est pas venu uniquement pour profiter du buffet ? Demandé-je en le voyant se goinfrer.

Emmanuel rit.

-Sûr est certain !

-Bon...Je vais essayer...

Je respire profondément et regroupe le peu de courage qu'il me reste. Je m'approche de lui le cœur battant. Une partie de moi souhaiterait partir le plus loin possible de sa présence mais l'autre est poussée par l'amour d'Emmanuel.

Pour me motiver, je décide de faire ce que je m'étais prévue : je me dis que je le fais pour Emmanuel. Lorsque j'arrive devant lui je me rends compte qu'il a énormément grandi. Si avant nous faisions pratiquement la même taille aujourd'hui, il me dépasse.

Il est plus creusé et plus maigre qu'avant. En revanche il a toujours ces cernes atroces et ces cicatrices sur le visage. Je remarque qu'il a toujours sa barbe mais qu'elle est mal taillée. Ça ne m'étonne pas : au foyer, l'hygiène est le cadet des soucis de Mr.Dev. Lorsque j'y étais, les garçons n'avaient pas de rasoir, il se rasait au couteau, au couteau à bout rond parce qu'on avait interdiction d'avoir des objets tranchants à porter de main.

-Salut.

-Chalut. Répond-t-il la bouche pleine.

Il me lance un regard furtif mais son attention semble s'être focalisée sur la nourriture. Il attrape une part de gâteau puis me dit :

-Emmanuel m'a dit que c'est toi qui avait fait le gâteau ?

-C'est ça.

-Il est très bon.

-Merci.

On se regarde à peine. Un malaise est présent même si on essaie d'agir normalement. Même s'il fait des efforts, je sens bien que ce n'est pas naturel. Je fais mine de regarder les gâteaux le temps de réfléchir à quoi lui dire. Au moment où il attrape une serviette, j'ai comme un mouvement de recul en voyant son poignet.

Il est marqué et très rouge. Ça me revient : lorsque je l'ai vu la dernière fois, il portait ce fameux bracelet électrique...Il devait être sacrément serré car la marque est profonde.

Nos regards se croisent mais nous les détournons aussitôt. On a des choses à se dire c'est certain, mais rien ne sort, aucun de nous deux n'a envie de commencer.

C'est sans doute par fierté...Sans doute...Je décide de laisser tomber, je n'arrive pas à l'affronter car l'affronter m'oblige à me replonger dans le passé, un passé que je commençais tout juste à laisser derrière moi.

-Bon bah...Bienvenu en tout cas. Dis-je avant de partir presque aussitôt.

Mais cette phrase sonne faux, parce que je ne pense pas ce que je dis. Je ne suis pas contente qu'il soit là.

Emmanuel vient vers moi, je le regarde avec un sentiment d'échec.

-C'est trop dur...

Il me prend dans ses bras puis me dit :

-Je sais. Laisse-nous t'aider.

Affranchie Tome 3 : TransforméeOù les histoires vivent. Découvrez maintenant