Par où commencer ?
Après quelques minutes de réflexion je décide de finir la conversation restée en suspens.
-Déjà j'aimerais avoir la fin de l'histoire sur ta rencontre avec Emmanuel.
Il fuit mon regard, comme s'il s'agissait de quelque chose d'insupportable, passe une main sur son visage puis s'assoit sur le rebord de l'établit avant de commencer.
-Où est-ce que je m'en étais arrêté ?
-Tu disais que Mr.Dev voulait t'empêcher de partir avec Emmanuel et qu'à cause des décharges tu as perdu connaissance...
-Ah oui...
Je ne le reconnais pas. Il paraît si vulnérable...
Il croise les mains, laisse reposer ses coudes sur ses genoux puis commence à raconter tandis que je m'assois par terre en tailleur en face de lui.
-Donc après avoir perdu connaissance ça a été le trou noir. Je me suis réveillé à l'hosto. On m'a expliqué que j'étais resté inconscient pendant 2 jours. A ce moment là je ne savais pas si je devais être contente ou triste...Une partie de moi était contente d'avoir survécu mais l'autre aurait préféré crever. Emmanuel est revenu cette nuit là. J'étais perdu, je savais que si je restais au foyer je finirais par y rester mais le quitter...Je ne m'en sentais pas les forces. C'est là que j'ai commencé à regretter que les décharges ne m'aient pas emporté, parce que je ne voulais pas affronter ce qui allait suivre. Quand Emmanuel est arrivé ce soir là. Je savais qu'il me demanderait de faire un choix, donc j'ai pris les devants en lui disant que je serais incapable d'être celui qu'il me demanderait d'être. Raconte-t-il en se triturant les doigts.
-Et qu'est-ce qu'il t'a dit ?
-Il m'a dit qu'il le savait bien, qu'il n'était pas venu pour ça mais pour me libérer. Il m'a demandé si je voulais être libre et je lui ai demandé ce qu'il voulait en échange. J'étais méfiant, je ne voyais pas pourquoi il ferait ça pour moi alors que je me suis souvent moqué de lui quand il venait te voir au foyer. Il m'a répondu qu'il n'était pas comme Mr.Dev, qu'il était prêt à me donner beaucoup si j'acceptais de le suivre. Mais je n'arrivais pas à l'entendre, je ne pouvais pas concevoir qu'il me libère sans rien attendre en retour. J'ai pensé que c'était un piège.
Je me garde de bien de lui dire que je le comprends totalement et que je suis passée par là moi aussi. Je refuse d'admettre qu'on se ressemble, même si je vois bien que c'est le cas.
-Et qu'est-ce qui s'est passé ensuite ?
-Il a compris que j'hésitais et que je n'avais pas confiance. Du coup, pour me prouver qu'il était sincère, il a pris délicatement mon poignet et il a enlevé le bracelet comme ça, sans difficulté, sans même que ça me provoque d'horribles décharges comme quand j'avais essayé de le retirer moi-même...Il m'a dit que, maintenant que j'étais libre, je pouvais choisir et que peu importe mon choix, il le respecterait. J'étais un peu sonné. Je devais sortir de l'hosto le lendemain matin alors il m'a laissé y réfléchir.
-Et qu'est-ce que t'as fait ?
-Pendant la nuit j'étais partagé entre l'envie de partir et la peur qu'il me demande quelque chose de trop gros en échange de cette liberté. J'ai regardé le bracelet électrique qu'il avait laissé sur la table du nuit et je me suis demandé si ça faisait parti de son stratagème pour pouvoir me forcer la main ou me faire du chantage...Mais en y réfléchissant j'ai réalisé qu'il me l'avait retiré sans avoir la certitude que j'accepterais de le suivre. J'ai repensé à ce que tu m'avais dit sur lui, qu'il n'était pas comme Mr.Dev et j'ai aussi repensé au paréo...Quand il est revenu tôt le matin je ne savais pas dans quoi je m'embarquais mais je me suis dit que, de toute façon ça ne pouvait pas être pire que le foyer.
-Rien ne peut-être pire que le foyer !
-Hmm.
-Désolée je t'ai coupé vas-y continue.
-Donc je lui ai dit que je voulais le suivre mais que je ne voyais pas comment quitter le foyer sans que Mr.Dev veuille ma peau. Il m'a dit qu'il s'occupait de tout. Je suis sorti de l'hôpital, le roi est venu signer les papiers et il m'a adopté. J'ai suivi Emmanuel jusqu'au château et tu connais la suite. Fini-t-il en relevant la tête vers moi.
L'écouter reparler de la vie au foyer m'a remémoré de mauvais souvenirs et même si j'essaie de me convaincre du contraire, j'éprouve un peu de compassion pour lui. Moi aussi j'ai été troublée lorsque j'ai rencontré Emmanuel, je ne comprenais pas pourquoi il était aussi bienveillant envers moi...
Moi aussi j'étais étonnée de ce qu'il ne me demande rien en échange, qu'il aille jusqu'à donner sa vie pour une vermine telle que moi.
Et aujourd'hui je comprends ces questionnements : on n'a pas compris pourquoi et comment est-ce qu'il pouvait nous aimer nous, des gens qui, selon le monde étaient des échecs, des gens de la pire espèce...
On a vécu dans l'obscurité durant des années, on n'imaginait sûrement plus que la lumière pourrait un jour nous trouver...
-Et...Alors ? Comment tu trouves cette nouvelle vie pour l'instant ? Demandé-je.
-Je me sens...vivant. Ouais vivant. Pour la première fois en fait. Et aussi aimé...Ça fait bizarre mais...C'est agréable...C'est ce dont j'avais besoin je crois...
-Oui ça m'a fait la même chose au début.
Je ne l'ai jamais vu comme ça, aussi apaisé. Lui qui auparavant, était quelqu'un de très nerveux et toujours en colère. Ce pourrait-il qu'il est réellement changé ? Que cette rencontre l'ai bouleversé au point d'être devenu quelqu'un d'autre ? Une partie de moi le croit mais l'autre, la vieille partie de moi se méfie encore.
Un silence s'installe, c'est lui qui le rompt en premier.
-Je ne savais pas comment t'allais réagir quand tu me verrais arriver...
Il aborde le sujet qui fâche. Je m'apprête à répondre mais il enchaîne.
-Je pensais...Enfin j'espérais surtout, qu'après tout ce temps, tu serais contente de me voir arriver au château, toi qui me parlais beaucoup d'Emmanuel...Mais en voyant ta réaction à la fête, j'ai compris que je m'étais trompé.
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Affranchie Tome 3 : Transformée
Genel KurguPlusieurs années se sont écoulées et Jaël prend peu à peu ses marques dans sa nouvelle vie qu'elle sait pleine de défis. Mais alors qu'elle pensait avoir trouvé une certaine stabilité, un évènement viendra tout bouleverser. Laissera-t-elle, à traver...