Chapitre 10

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Un peu plus tard dans la journée, une fois que les autres ont eu quitté l'atelier, Nicolas revient me chercher comme promis. Je le suis vers l'atelier qui est maintenant désert. J'ai la boule au ventre à l'idée de croiser quelqu'un.

J'étais tellement focalisée sur ma colère que je ne me suis pas rendue compte que je m'étais donnée en spectacle devant tout le monde ! Je dois tout faire pour rester discrète, le temps que cet incident disparaisse des mémoires.

Nicolas m'indique le pot que Joeffrey m'a laissé et me passe quelques ustensiles avec de la peinture.

Je commence à peindre avec un certain malaise, sachant que c'est le pot de Joeffrey. Nicolas commence à ranger ce qu'il reste sur les autres tables tandis que je me perds un peu dans mes pensées.

Maintenant que je me suis calmée et que ma colère est retombée je repense à ma crise avec une certaine honte...Était-ce vraiment nécessaire de me mettre dans cet état pour un pot ? J'ai agi comme une petite fille, avec impulsivité comme lorsque j'avais 14 ans !

N'ai-je donc rien appris depuis tout ce temps ? Est-ce que j'ai vraiment changé comme je le pensais ?

Depuis son arrivée, tout est remis en question...

Je pensais avoir acquis une certaine stabilité et surtout avoir grandi et pris en maturité...Or je constate que ce n'est pas le cas et je prends ça comme un échec...Un véritable échec.

Je me sens comme ces cabanes faites de branches d'arbres que les enfants du château s'amusent à construire : au premier coup de vent, elles s'écroulent.

Qu'est-ce que je pourrais faire pour que ça change ?

Fais ta part et laisse-moi faire la mienne d'accord ?

Les paroles d'Oli me reviennent en tête et je me demande ce qu'il entendait par "fais ta part"...Quelle part ? J'ai déjà tenté d'aller parler à Joeffrey mais cela n'a rien donné de convaincant...Je ne vois pas ce que je peux faire de plus !

Quelqu'un entre dans la salle et je commence à me demander si ça relève vraiment d'une coïncidence ou si ça fait parti du plan d'Oli.

J'observe Joeffrey se diriger vers Nicolas pour l'aider à ranger. Je crois qu'il ne m'a pas vu.

Je décide de l'ignorer et de rester concentré sur mon pot...Enfin son pot...Bref.

Quelques minutes passent et, c'est en allant poser un carton au fond de la salle qu'il s'aperçoit de ma présence. Il me voit puis fuit du regard aussitôt, il continue sa route comme si je n'étais pas là.

Je commence à bouillonner. Pourtant, quelque part au fond de moi, je me mets à sa place une seconde : je l'ai humilié devant tout le monde en lui hurlant dessus. J'ai dit des trucs que je n'aurais pas dû dire en public. Alors, c'est plutôt normal qu'il ait cette réaction !

Peut-être qu'il s'agit de la part qu'Oli attend de moi, ou pas, je ne sais pas mais peu importe, je sens que quelque chose me pousse à le faire alors, avant qu'il ne s'éloigne je l'interpelle.

-Euh Joeffrey ?

-Hum ? Dit-il en se retournant.

-Je...Pardon pour tout à l'heure, je n'aurais pas dû t'accuser pour le pot et...aussi pour ce que je t'ai dit je...Je n'aurais pas dû te hurler dessus devant tout le monde voilà.

Il hoche la tête en signe de compréhension.

-Et euh merci pour le pot...C'est sympa de m'en avoir laissé un. Ajouté-je.

-De rien. Dit-il en souriant faiblement.

Alors que je m'attendais à ce que mes excuses lancent une conversation, il me tourne le dos et repart aussitôt. Il salue Nicolas avant de quitter la salle. Je suis un peu troublée par sa réaction, ça me laisse perplexe. J'espère juste que cette situation ne s'éternisera pas, parce que je ne pourrais pas faire semblant.

Néanmoins à présent que je lui ai fait mes excuses, je me sens plus légère.

Le soir commence à tomber, je mets mon œuvre de côté pour que ça sèche, puis aide Nicolas à finir de tout ranger. Nous retournons ensuite au château pour manger et là encore j'appréhende : je ne sais pas si mon père m'en voudra encore ou pas...

Je m'avance dans la salle et me dirige vers le bout de la table quand Emmanuel m'interpelle.

-Jaël ?

Je me retourne.

-Oui ?

-Est-ce que tu veux t'asseoir avec nous ?

-Euh...Hésité-je en jetant un œil en direction de mon père.

-Viens, j'aimerais te parler. Me dit celui-ci en tirant une chaise à ses côtés.

-D'a...D'accord.

Je m'assois, un peu mal à l'aise.

-Pourquoi as-tu honte au point de m'éviter Jaël ? Demande mon père avec douceur.

Je n'arrive pas à le regarder dans les yeux.

-Je pensais que tu m'en voudrais pour ce que j'ai fait à Joeffrey tout à l'heure...

-Je ne t'en veux pas.

-Pourtant tu avais l'air en colère et...Continué-je sans finir ma phrase.

-Tu sais qu'il est dans mon caractère de défendre ceux que l'on accuse faussement. Si quelqu'un s'en était pris à toi de cette façon, je t'aurais défendu pareillement. Je ne fais pas de favoritisme entre mes enfants.

-...

-Tu as dit à Oli que tu étais désolée tout à l'heure n'est-ce pas ?

-Oui.

-Alors tu es pardonnée Jaël, tu n'as pas à avoir honte de te tenir devant moi. Dit-il affectueusement.

-C'est que...Je ne suis pas certaine que...Je ne sais pas si...

Les mots se mélangent dans ma tête et je ne parviens pas à construire ma phrase.

-Je sais Jaël, je sais déjà tout ça.

Son sourire tendre efface mes craintes. Je suis contente de savoir qu'il me comprend sans que je n'ai besoin de parler.

Affranchie Tome 3 : TransforméeOù les histoires vivent. Découvrez maintenant