Il faut que je cours, plus vite, plus loin. Ils ne doivent pas me retrouver, jamais. Ils doivent se tenir le plus loin possible de moi, et ne plus jamais m'approcher. Alors je cours de toutes mes forces pour les fuir. J'ignore mes membres douloureux, j'ignore ma respiration sifflante, j'ignore le poids tombé au creux de mon estomac et je cours le plus vite, le plus loin.Je cours une éternité ou peut être seulement un instant. Le béton se transforme en gravier, le gravier en terre, la terre en herbe. Et j'arrive au bout du monde, de mon monde. Je m'arrête et je l'observe, l'immense falaise qui se dresse entre moi et ma liberté. J'observe le mur inébranlable qui résiste au vent fougueux et aux vagues les plus violentes.
La blancheur sûrement autrefois éblouissante de la pierre est salie par le temps et les eaux. La falaise est sombre dorénavant, elle est terne.
La mer, elle, est d'un bleu sombre. Si sombre qu'on la croirait noire, comme la nuit. Mais des étoiles éclairent l'eau. L'écume qui apparaît au contact de la falaise et qui disparaît lorsqu'elle s'en éloigne. C'est envoûtant. J'ai envie de toucher l'écume, elle à l'air si douce, si irréelle...
Les mouettes envahissent les moindres recoins de l'immense mur de pierre. Elles s'infiltrent et font leur nid sur la pierre. Elles envahissent la falaise de leur présence. Mais c'est étrangement beau. Parce que quand elles s'envolent, les mouettes sont belles. Elles s'élèvent haut dans le ciel, tournoient gracieusement et rentrent à leurs nids une fois leurs esprits rassasiés.
J'ai envie de les rejoindre.
Leurs cris, je les entends. Elles sont heureuses, les mouettes rient de bonheur aux paroles du vent. Et la mer, elle festoie. Je la vois, elle danse avec fougue et insouciance. Elle est libre, je peux l'entendre dans ses rugissements.Je veux les rejoindre.
La mer et le ciel m'appellent. Leurs voix font s'envoler ma fatigue, calment ma douleur et enlèvent le poids que je supportais depuis si longtemps. Je me sens si léger, leurs chants s'infiltrent dans ma peaux et mon esprit.
Je dois les rejoindre.
Je veux devenir libre, aussi libre qu'eux. Je ne veux pas qu'on me retrouve, qu'ils me retrouvent. Ils ne me retrouveront pas si je rejoins le ciel et la mer. Ils ne pourront plus jamais me prendre.
Je m'avance, toujours plus proche du ciel et de la mer. Le vent m'accueille, il m'entoure et fait battre mes vêtements avec démence.
J'ignore.
Les mouettes semblent redoubler leurs cris et m'incitent à les rejoindre. La mer cherche à me toucher en frappant toujours plus fort contre la falaise.
Mais ils n'ont pas à faire tant d'effort car déjà je les rejoins. Je quitte la terre dure et froide pour les rencontrer. Et je me sens enfin en paix, quand le vent m'accompagne jusqu'à l'eau salée. Quand l'eau m'enlace délicatement. Quand je disparaîs loin de quiconque.
Je suis libre.
VOUS LISEZ
Crises
PoetryUne crise est qualifiée comme "une situation marquée par un trouble profond" accompagné d'une "manifestation forte d'un sentiment". Elle peut se manifester sous une grande diversité de forme et toucher tout milieu social. Tous peuvent être touchés p...